Esprit Féminin, Emploi Masculin : Maud MATHIE, formatrice dans l’agriculture

Toute la semaine, 4 étudiants de l’IUT de Tours partagent leurs rencontres avec des femmes qui ont été au bout de leurs rêves professionnels.

Pourriez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Maud Mathie, j’ai 31 ans. Je fais du conseil et de la formation en milieu agricole, et plus particulièrement sur la conservation des grains dans les silos, et donc j’ai créé ma société qui s’appelle TechniGrain, en avril 2014

Parlez-nous de votre parcours professionnel.

J’ai été ingénieure agronome, diplômée en 2008 d’AgroParis Tech, et pour obtenir mon diplôme, j’ai fait un stage de fin d’études. Et, à la suite de ce stage, j’ai été embauchée pour remplacer mon maître de stage qui partait en retraite. Donc j’ai été responsable recherche développement et formation dans un institut de recherche en agriculture pendant 2 ans. Suite à ça, je suis partie dans le Nord Pas-de-Calais, où j’ai été formatrice en école d’ingénieur pendant 2 ans à Lille, et puis ensuite, j’avais envie de revenir dans le domaine de la conservation des grains et comme il n’y avait plus d’embauche sur le marché, j’ai décidé de créer ma société. A partir d’août 2012, j’ai intégré une coopérative d’activité et d’emploi qui me permettait de tester mon projet grandeur nature et j’ai également repris un Master 2 en entrepreneuriat à l’IAE de Lille, pour apprendre à créer une entreprise. Je suis ensuite arrivée en Touraine, et créé la société.

Pourquoi ce métier ? Qu’est-ce qui vous a motivé ?

C’est une activité qui m’intéressait parce qu’il y avait tout le volet technique que je maîtrisais déjà, et puis tout le volet transmission du savoir qui m’intéresse énormément. Et puis après, au niveau des valeurs c’est faire avancer une filière qui est la filière agroalimentaire pour que tout se passe bien et que tout le monde ait à manger. Donc oui, c’est une passion ! Les valeurs (rires).

Quel genre de missions vous sont confiées ? (Responsabilités associées ?)

C’est quand même assez large. En formation je peux intervenir en école d’ingénieur. Je continue à faire un peu de mon ancien boulot en prestataire, donc former des apprentis ingénieurs à Lille. Sinon en formation j’interviens sur différents types de missions en formation, que ce soit au demandeur d’emploi qui est en reconversion pour être chef de silos ou des chefs de silos qui sont déjà en poste et donc qui veulent progresser (contexte réglementaire qui évolue, on a le droit de moins en moins d’insecticides, et on cherche à réduire les coûts énergétiques). La formation ce n’est pas un truc bateau, en fonction du client, il y a des enjeuxdifférents d’une entreprise à l’autre. Et puis le conseil c’est vraiment quelque chose de très vaste en fait.

Cela n’a pas été trop dur pour vous faire une place ?

Dans mon métier si on n’a pas de réseau ce n’est pas la peine d’essayer d’exister (rires). J’avais mon réseau déjà, via mon premier travail. J’ai su garder ce réseau et maintenant le réactiver, donc c’est ça qui m’a mis le pied à l’étrier et qui m’a permis de commencer à me faire connaître et à faire connaître la structure. Mais sans réseau, de toute façon, c’est pas possible quoi. Surtout ici en Touraine, les gens sont un peu méfiants. Concrètement sur le premier exercice de l’entreprise, j’ai eu zéro client en Touraine.

En formation, quand j’arrive, je sens toujours un moment de flottement parce que moi j’ai le « double handicap » d’être jeune et d’être une femme. Donc du coup c’est vrai que par rapport à la personne que j’ai remplacée dans mon premier travail, lui il avait 42 ans d’expérience, c’était un homme. Quand il arrivait en formation, les stagiaires ne se posaient pas de question. C’était un homme, donc il était forcément crédible. Moi je suis une femme, jeune, j’arrive, les gars me testent – je travaille beaucoup avec des hommes. Donc effectivement il y a toujours ce moment de flottement un peu où ils se disent « mais c’est quoi cette gamine ? ». On m’a déjà demandé si j’étais la stagiaire.

Quels ont été les obstacles majeurs que vous avez rencontrés pour en arriver là ?

Dans mon premier boulot j’ai eu un souci avec mon collègue le plus proche qui m’a mis des bâtons dans les roues jusqu’à ce que je parte. J’ai eu, une fois, un prospect qui n’a pas été du tout sympa avec moi, qui m’a dit « Mademoiselle, avoir fait ce qu’on a fait ou rien du tout c’est pareil, sauf que là j’ai perdu mon temps ». C’est plutôt des obstacles relationnels, surtout avec des hommes en fin de carrière qui ont du mal à faire de la place à une jeune femme compétente.

Comment se passent vos relations avec les hommes dans votre travail ? Vous sentez-vous avantagée ? Désavantagée ?

Je peux être désavantagée quand les hommes essaient de me pousser dans mes retranchements, mais en même temps ça peut être un avantage parce que si j’arrive à être suffisamment réactive et à montrer que le conseil que je peux prodiguer tient la route, alors c’est plutôt une force. Donc c’est un peu à double tranchant.

Comment vos proches perçoivent-ils le fait que vous exerciez ce métier ?

Il y a deux ans, c’était difficile pour mes proches, je pense, de se projeter dans cette prise de risque qu’est la création d’entreprise. Ils ont eu du mal à envisager que je puisse construire ma propre société puis en être la gérante. Maintenant que l’entreprise est installée et qu’on peut dire que ça commence à tourner, il n’yy a pas de soucis. Ils sont plutôt positifs.

La condition physique est-elle exigeante ?

Il ne faut pas avoir le vertige ! Mais ça, que ce soit un homme ou une femme.. En escalade, il y a des moments où c’est dur (rires).

Avez-vous une anecdote, un fait qui vous a marqué dans votre profession ?

Oui, j’ai testé l’ensemble des activités de la société dans une entreprise. Donc ça c’était il y a 2 ans. Et il y a 6 mois, je suis retournée dans l’entreprise pour voir comment ça avait évolué et en fait ça avait vraiment bien évolué. Ils ont appliqué tous les conseils que je leur ai donné, et du coup j’ai vu l’évolution des pratiques, la façon dont les gens qui les mettaient en œuvre étaient valorisés. Et du coup, c’est une récompense pour moi de voir que les choses évoluent dans le bon sens

Que diriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer dans un métier où beaucoup sont des hommes ?

Bah je lui dirais de foncer, de bien réfléchir au projet, de bien réfléchir à pourquoi elle a envie de faire ça, et puis ensuite de s’entourer – par exemple de la Chambre de Commerce et d’Industrie– de différentes structures qui peuvent l’aider à construire son entreprise, et puis d’y aller quoi. Faut y croire il faut foncer (rires).

Propos recueillis par Anaïs BOURDONNET, Lucile BERNARD, Marine BRUNET et Clément MIRANDA

Autre interview à lire :Marie-Anne VIVANCO, co-gérante d’une entreprise de BTP

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