Cela va faire une semaine que les éboueurs de l’agglomération tourangelle sont en grève. Une semaine sans sortie de camions pour évacuer les déchets déposés dans les rues des 22 communes de cette agglomération de 300 000 habitants. Un conflit à l’ampleur inédite dans l’histoire récente et qui porte sur des questions salariales et de conditions de travail : les agents déplorent la perte de jours de congés liés à leur ancienneté, supprimés par leur employeur afin de respecter la loi qui impose 1 607h de travail annuel pour les agents publics.
S’ajoute à cela la hausse du coût de la vie : les syndicats réclament 300€ d’augmentation chaque mois et 1 500€ de prime sur l’année.
La semaine dernière des discussions ont eu lieu avec les représentants de Tours Métropole avec des avancées (proposition d’augmentation de 120€) mais pas de quoi mettre fin au conflit. Du coup les éboueurs sont toujours appelés à ne pas travailler ce lundi. Et à part certains secteurs où la collectivité missionne une entreprise privée pour faire le travail, les sacs et autres déchets vont continuer de s’entasser.
Cette grève a au moins un mérite : on constate réellement l’ampleur de ce qu’on jette en peu de temps. Il suffit d’une semaine pour que tous les bacs débordent. On a tellement pris l’habitude que, à peine sur le trottoir nos ordures soient évacuées, qu’on ne se rend pas vraiment compte de la masse (66 000 tonnes par an dans l’agglo, rien que pour le non recyclable). Et même si ce n’est pas du tout le sujet initial du mouvement, si cette grogne des éboueurs est amenée à durer elle devrait nous faire prendre conscience de l’ampleur du problème. Notre mode de vie produit du déchet en quantité astronomique et on le refile entre les mains de personnes sans trop se soucier de sa destination.
On avait pourtant eu une alerte en 2021 : la taxe sur les ordures ménagères a bondi à Tours Métropole, parce que l’enfouissement des déchets non recyclables est de plus en plus taxé et que pour l’instant c’est notre seule solution de traitement pour ce type de détritus. Est-ce que cela a été suivi d’un boom en faveur d’initiatives pour réduire le poids des poubelles ? Clairement pas. Plusieurs signes le montrent : « D’après l’étude de caractérisation de nos poubelles lancée en début d’année par Tours Métropole, il subsiste 15% de déchets plastiques, près de 7% de verre, 6,5% de carton et 6,5% de papier » dans les poubelles noires, indiquait récemment Touraine Propre. Cela représente des tonnes considérables enfouies alors qu’on pourrait les recycler.
Autre élément : les commerces qui prônent un mode de vie zéro déchet via le vrac ou la consigne ne voient pas leurs ventes augmenter de façon exponentielle (l’épicerie Sur la Branche de Tours se dit même clairement en danger). Et les initiatives locales comme ReBout ou Passplat pour le retour de consignes du verres (l’un avec les bouteilles, l’autre avec les contenants de plats à emporter) peinent à fédérer au-delà d’un cercle de citoyennes et citoyens déjà convaincus.
Pourtant, « le meilleur déchet c’est lui qui n’existe pas » assurent tous les défenseurs de la cause. Ne faisons pas de faux procès : il serait illusoire de dire que l’on peut changer de mode de vie du jour au lendemain et passer – par exemple – d’une poubelle descendue tous les trois jours à une toutes les deux semaines. Mais on peut déjà se poser des questions : est-ce qu’on pourrait composter ses épluchures et restes de nourriture (c’est possible même en appartement avec des lombricomposteurs offerts par Tours Métropole) ou alors acheter moins de produits suremballés, commander moins de colis qui arrivent dans des cartons et du polystyrène ?
Ainsi, si les éboueurs font de nouveau grève, on arrivera moins vite à saturation. Ce sera un bon point pour nos nez et pour la planète.
Olivier Collet