Marine a fait de son « handicap » une force pour lancer son entreprise.
Depuis 6 ans, Marine ne va plus au restaurant. Ça lui manque, beaucoup. Mais pour elle c’est risqué. La jeune femme de 32 ans, ex prof de français, parisienne d’origine, est atteinte de la maladie de Coeliaque. Concrètement, le gluten la rend malade, mais vraiment : « je ne pouvais plus du tout manger, j’avais de gros problèmes de digestion, j’ai perdu 10kgs… » On lui parle alors d’un éventuel cancer, un mot qui fait très peur. « Finalement ce n’était ‘que’ le gluten. » Le verdict est sans appel : « je ne dois plus du tout manger de gluten, sinon à chaque fois je tombe malade pendant deux jours. » Sauf qu’il ne s’agit pas seulement d’une intolérance : « dans une boulangerie, s’il y a un pain sans gluten au milieu de baguettes traditionnelles, je ne peux pas en acheter car une simple miette peut me rendre malade avec des crampes et des vomissements. »
Au début, ça a été difficile : « beaucoup de frustration, je me suis rendu compte qu’il y avait du gluten absolument partout, même dans le saucisson, les olives… En fait presque tous les produits industriels transformés. En faisant les courses, je dois regarder toutes les étiquettes. Maintenant c’est écrit en gras mais il y a 6 ans ce n’était pas le cas. » Pas simple non plus pour la vie sociale : « pour les apéros chez les potes je dois amener mes plats. Et quand les gens viennent chez moi, c’est interdiction au gluten. » Son compagnon a dû s’y plier : 0% gluten dans la cuisine de Marine.
Madeleines au camembert, bavarois salé, cookies…
Une fois le diagnostic posé et les premières habitudes prises, la jeune femme se rend compte d’un autre souci : manger sans gluten, c’est cher : « à 5€50 le pain de 500g, autant le faire soi-même. » Des paroles aux actes il n’y a qu’un pas. Et à force de faire la popote, Marine s’est dit qu’elle pourrait bien en faire son métier. Depuis septembre, elle propose donc son propre service de traiteur baptisé Les Gloutons sans Gluten.
Photo : Axel Nadeau
Il ne faut pas longtemps pour le comprendre : Marine est une gourmande, et elle ne se laisse pas abattre par ses soucis de santé. Elle le dit une fois, deux fois, dix fois s’il le faut : « la bouffe dans ma famille c’est un état d’esprit. » Donc les recettes qu’elle imagine sont gourmandes, pour de vrai : madeleines au camembert ou au roquefort, les bavarois sucrés ou salés avec betterave et miroir de carottes (sa spécialité !), cookies à la vanille ou poire-spéculoos… « C’est sans gluten et c’est un détail. On utilise simplement d’autres farines comme la châtaigne ou le sarrasin ce qui apporte un petit goût différent. Côté prix : 40€ le gâteau pour 12, 20€ le cookie pour 6, 15€ les soupes… Pas donné, « mais c’est parce que les farines sont chères. »
Le sans gluten, une mode ?
Pour ses matières premières, Marine essaie surtout d’aller chercher des produits locaux et bio, et se fournit par exemple à l’épicerie Sur la Branche de la Place de la Victoire ouverte récemment (elle confectionne également des plats pour le Court Circuit, après avoir collaboré avec l’Instant, Rue Bernard Palissy). « Il y a beaucoup de personnes qui me disent que c’est une mode le sans gluten… Ce n’est pas faux mais cela dévalue le côté de la maladie. Des gens sont vraiment malades à cause du gluten. Mais il y en a aussi beaucoup qui mangent sans gluten, de temps en temps ou totalement, parce qu’ils observent une amélioration sur leur santé comme une meilleure digestion ou plus de tonus, et cela en quelques semaines. »
Dans un premier temps, Marine confectionne ses recettes à domicile et livre ses clients (possibilité aussi de retrait chez Sur la Branche). Suite à la fermeture récente du seul restaurant sans gluten de Tours Place de la résistance, la voilà seule sur ce marché (3 boulangeries proposent tout de même du pain sans gluten, mais pas adapté aux malades Coéliaque). Si son entreprise fait ses preuves, la jeune femme envisage d’ouvrir un salon de thé culturel (elle a pas mal d’amis dans le monde de la culture et un compagnon musicien chez Toukan Toukan). Elle réalisera par ailleurs son premier buffet de mariage sans gluten à l’été 2018.
Olivier Collet