L’autoroute doit passer à 2×3 voies de Veigné à Ste-Maure-de-Touraine puis jusqu’à Poitiers.
Après le chantier de la LGV Océane de Tours à Bordeaux, un autre projet massif est en gestation dans le Sud-Touraine… En lien avec l’État dans le cadre d’un plan de relance autoroutier, Vinci travaille sur l’élargissement de l’A10 entre Veigné et Ste-Maure-de-Touraine (24km) puis jusqu’à Poitiers… L’idée est de passer de 2 à 3 voies sur l’ensemble de la distance, soit 93km… Les travaux devraient débuter d’ici un an pour la première phase, donc à priori début 2019, juste après la fin de ceux visant à élargir l’autoroute au sud de l’agglo de Tours, de Chambray à l’échangeur de l’A85 situé à Veigné.
Directeur opérationnel chez Vinci Autoroutes, Eric Sauner parle d’un projet « pour soutenir la croissance économique » lorsqu’il évoque le plan d’élargissement de l’A10 vers la Vienne… « L’objectif principal et prioritaire est de relancer l’économie et l’emploi dans le domaine des travaux publics. » Il faut dire que le budget d’un tel projet est colossal : environ 600 millions d’euros au total, dont 244 pour la seule portion Veigné/Ste-Maure-de-Touraine (à titre de comparaison, l’élargissement de Chambray c’est 58 millions, 222 pour le passage à 2×4 voies dans l’agglo orléanaise, avec une réalisation prévue elle aussi à partir de fin 2018-début 2019). Si ça coûte si cher, c’est notamment parce que des missions particulières seront à réaliser comme le doublement de viaducs.
Mais pourquoi vouloir élargir cette portion d’autoroute Veigné/Poitiers alors qu’il n’y a pas de bouchons au quotidien ?
En moyenne, 35 000 véhicules circulent chaque jour sur cet axe (on parle bien de moyenne), contre 80 000 dans la traversée de Tours, 47 000 dans le secteur allant de St Avertin à Joué. « Sur cette section, 73% du trafic est local. Notre atout auprès des élus est donc de leur dire que cette autoroute, c’est la leur » poursuit Eric Sauner évoquant « une opportunité » avec ce projet d’élargissement.
Une autoroute plus large, c’est aussi un bon point pour les professionnels du tourisme : « ils sont intéressés car cela garantit un meilleur temps de parcours. » 3 voies permettraient ainsi de réduire la gêne causée par les nombreux poids lourds qui empruntent ce tronçon (20%, contre 13% en moyenne en France). Cela reste tout de même clairement des travaux de confort car la hausse de trafic attendue n’est que de 1% par an… « Il n’y aura pas de hausse suite à l’élargissement » nous dit-on.
300h de réunions avec les riverains
« J’entends la gêne » poursuit le technicien, conscient qu’il n’est pas toujours facile de faire accepter un tel chantier dans un monde où l’on parle sans cesse de réduction de la pollution et où la volonté de réduire la place de la voiture se fait de plus en plus importante. Pourtant, force est de constater que son dossier suscite assez peu d’oppositions, tant au niveau politique que du côté des riverains, en tout cas en Indre-et-Loire (à l’inverse, il y a beaucoup plus de scepticisme dans le Loiret, voire carrément des oppositions).
L’un des plus gros reproches que l’on peut faire à une autoroute, c’est son bruit… Pour cela, voici la défense d’Eric Sauner : « si le trafic double cela ne représente que 3 décibels de plus », et d’ajouter : « un grand nombre d’habitations qui font état d’une gêne sonore ont été construites après l’autoroute, après 1973. » Néanmoins, il note que « l’époque a changé » et qu’aujourd’hui « on fait plus attention au cadre de vie. »
Pour s’assurer le soutien des riverains, et éviter une polémique comme celle née après l’entrée en service de la ligne TGV, Vinci a proposé aux habitants de gérer eux-mêmes une partie des mesures de bruit en vue de l’installation de nouvelles protections phoniques dans le cadre de l’élargissement de l’A10. Au final, des dispositifs sont prévus sur 17km de Veigné à Poitiers « alors que nous avons seulement des obligations sur 6km. » Des protections sont aussi annoncées sur les viaducs.
Des bassins créés exprès pour des grenouilles protégées
« Les associations nous font gagner du temps » assure encore Eric Sauner qui a piloté de nombreuses réunions locales et a travaillé avec la SEPANT ou Agir A10, par exemple. Parmi les sujets abordés : la construction de 50 nouveaux ponts à la place des anciens ponts qui ne sont pas assez longs et doivent donc être détruits. « On construira les nouveaux avant pour ne pas couper les routes et on a discuté avec les riverains pour déterminer leurs emplacements. » Au total, plus de 300h d’échanges ont été nécessaires pour débattre de tout, y compris de la nature des végétaux qui seront plantés sur les talus.
Autre thème primordial dans le monde de 2017 : la protection de l’environnement. Dans le cadre du projet d’élargissement de l’A10 en Sud-Touraine, le traitement de l’eau sera amélioré avec de nouveaux bassins (« chaque goutte d’eau sera retraitée avant d’être reversée dans la nature » nous assure-t-on), de nouveaux passages sont prévus pour les animaux terrestres et les poissons ainsi qu’un programme pour les espèces protégées qui se sont installées près des voies, parfois jusque dans les bassins réservés au traitement des eaux (on y trouve des grenouilles).
Pour ne pas les perturber, de nouveaux espaces dits « bassins de compensation » sont envisagés afin de les déplacer. Ces aménagements, Vinci prévoit en majorité de le faire dans les emprises actuelles de l’autoroute, c’est-à-dire que la route sera élargie mais que l’entreprise s’engage à empiéter le moins possible sur des terrains privés ou agricoles (6 maisons doivent être détruites sur 93km). Néanmoins, dans plusieurs cas il y aura des acquisitions foncières et donc des négociations avec les propriétaires. Elles se feront « au cas par cas » affirme la société.
Près de 5 ans de travaux
L’objectif affiché, c’est une mise en service du tronçon à 2×3 voies fin 2023 jusqu’à Ste-Maure… Avant que le chantier soit définitivement validé, il va y avoir une enquête publique. Celle-ci durera un mois, du 22 janvier 2018 au 23 février. Chacun pourra alors s’exprimer et éventuellement faire part de ses réserves. Vinci se dit serein, assurant que son dossier est parfaitement ficelé même si un récent avis de l’Autorité Environnementale comportait des réserves sur la gestion du bruit, notamment… L’entreprise assure que c’est parce qu’elle n’avait pas encore pu fournir tous les éléments à l’institution : « nous avons donné notre dossier en février, l’avis a été rendu en octobre et entre temps nous avons avancé. » Et Eric Sauner d’affirmer que sur un projet, « nous n’avions encore jamais eu un avis aussi favorable. »
Pour démarrer les opérations, Vinci devra obtenir une déclaration d’utilité publique de la part des préfectures d’Indre-et-Loire et de la Vienne. Cet accord devrait lui être octroyé, d’autant qu’à la base c’est l’État qui a demandé les travaux. Vinci les finance à 100%, en échange d’un allongement de sa durée de concession pour gérer l’autoroute. Celle-ci s’achèvera en 2034. Reste également à obtenir le feu vert des archéologues après leurs fouilles (il y aura peut-être des découvertes dans la Vallée de l’Indre) et à déterminer quelles entreprises auront les marchés, via des appels d’offres.
Pendant tout ce temps, « nous poursuivrons la coconstruction » assure Eric Sauner qui veut encore discuter avec les riverains des conditions des travaux. Par exemple, la création de lignes de bus temporaires pour faciliter le quotidien des travailleurs impactés par le chantier n’est pas à exclure.
Propos recueillis par Olivier Collet et Mathieu Giua