Victimes d’attentats : « pour elles, ça ne s’arrête jamais »

Une semaine après les attentats de Bruxelles, entretien avec l’ADAVIP37 qui accompagne les victimes tourangelles des attentats de novembre à Paris. Des personnes qui ont eu une nouvelle épreuve à surmonter ces derniers jours.

Jusqu’ici elles ont préféré rester silencieuses mais, en Touraine, il y a plusieurs personnes qui ont été touchées de près par les attentats du 13 novembre à Paris. Des personnes blessées lors des attaques terroristes, choquées parce qu’elles étaient à proximité ou alors qui font partie des proches de personnes décédées lors de cette terrible nuit. En Indre-et-Loire, elles ont des oreilles pour les écouter : l’ADAVIP37, mandatée par le ministère de la Justice pour les accompagner dans l’après-attentats. Avec 7 salariés dont des juristes et psychologues, cette association aux 25 ans d’existence est à même de leur proposer un soutien sur le long terme. Nous avons rencontré sa directrice, Marie-Paule Carrey Le Bas.

Vous avez accompagné des personnes touchées par les attentats de Paris ici à Tours. Comment se fait ce travail ?

L’accompagnement a pour but d’être un lieu d’écoute. C’est un service juridique et psychologique car les victimes avaient besoin d’un lieu où se poser en toute neutralité. Ici nous ne sommes pas dans le sensationnel, l’idée n’est pas de leur faire répéter ce qu’il s’est passé mais de travailler sur l’après-attentats : qu’est-ce qui se passe quand j’ai été blessé, quand mon enfant est décédé, qu’est-ce qui se passe alors que je ne peux plus travailler parce que j’ai des images qui me reviennent en permanence ? Notre rôle est d’écouter, faire le relais avec les multiples informations et interlocuteurs vu que les personnes sont souvent désemparées devant la complexité des tâches à accomplir. Notre rôle c’est d’être le point d’ancrage, qu’elles puissent venir aussi souvent qu’elles le veulent quand elles ont des difficultés administratives ou juridiques. Notre force c’est de pouvoir travailler au long terme.

Parce que l’on sait que ce sont des personnes qu’il va falloir accompagner dans la durée…

Dans un an, cinq ans, dix ans, on sera toujours à leurs côtés. C’est évident que ce sont des gens qui vont mettre du temps à se reconstruire. On commence pourtant à entendre des proches qui disent « c’est bon, passe à autre chose. » Comment voulez-vous passer à autre chose quand vous avez vécu un acte de guerre ? Les personnes victimes vivent avec ça dans leur quotidien et l’actualité fait que, avec des événements comme ceux de Bruxelles, les faits sont sans arrêt réactivés. C’est un cercle sans fin. C’est peut-être ce que cherchent les terroristes, que ça ne s’arrête jamais. Et pour l’instant dans la tête des victimes de novembre 2015, c’est le cas. Il faut apprendre à « faire avec ». Pas passer par-dessus mais vivre avec cette blessure, c’est encore très tôt pour elles de pouvoir écouter ce qu’il se passe à Bruxelles sans réactiver des souvenirs douloureux.

Qu’est ce que vous leur dîtes ?

Ce qu’il faut c’est être là, répondre à la demande, aux personnes qui nous rappellent en ce moment en nous disant « j’ai peur, je suis bouleversé de ce qu’il s’est passé à Bruxelles et je rechute. » Il faut pouvoir les réassurer. Nous faisons en sorte de les recevoir le plus rapidement possible ou alors de répondre à leurs mails. Ce qu’il faut c’est ne pas rester seul, ne pas s’enfermer, réussir à sortir de chez-soi. Beaucoup se demandent aussi quel sens à leur vie désormais…

Est-ce qu’il y a une pression de la société autour de ces personnes que vous accompagnez. De la part de la famille, des amis, des collègues …

Dans un premier temps il y a eu la pression des médias qui cherchaient des témoignages. Certaines victimes ont accepté et le regrettent maintenant. Voilà pourquoi celles d’Indre-et-Loire ne souhaitent pas parler pour l’instant. Et puis dans la société, il y a effectivement une pression importante par le regard que l’on peut porter sur eles. Ca complique notre travail car il leur arrive de ne plus savoir quelle attitude avoir vis-à-vis de leur entourage. Elles se disent « si je souris, si je sors, je risque d’être pointé du doigt. On va se dire ‘avec ce qu’elle a vécu, elle en profite’ ». A l’inverse, si elles n’arrivent pas à surmonter, on va leur dire sans cesse « allez, essaie de remonter, passer à autre chose. » Leur positionnement est difficile. Alors pour l’instant il faut les laisser avec ce qu’elles sont en train de vivre. Ne pas être pressant tout en étant présent.

Propos recueillis par O.C.

Si des personnes touchées par les attentats de Paris (qui étaient sur les lieux ou qui font parties des proches des victimes) ne se sont pas encore manifestées auprès de l’ADAVIP37 il leur est toujours possible de contacter l’association au 02 47 66 87 33 ou par mail : [email protected]

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