Il s’appelle Nicolas, il a 37 ans, il est originaire d’Angers et il a très vite su qu’il intégrerait la police « parce que j’ai toujours voulu être au service des autres ». Après un BTS le jeune homme a donc passé le concours de gardien de la paix. C’était en 2008. Aujourd’hui il est en poste à la CRS41, compagnie basée à Saint-Cyr-sur-Loire et amenée à intervenir un peu partout en France selon les besoins (encadrement de manifestations, renforts sur des festivals, présence dans des zones sensibles…).
Ce qu’il faut aussi savoir sur Nicolas c’est qu’il a eu un grave accident de moto dans l’après-midi du 9 juillet 2018 à Varennes-sur-Loire : « Une automobiliste qui arrivait en face m’a coupé la route sur la levée de la Loire, je ne pouvais pas l’éviter » raconte-t-il aujourd’hui. La violence du choc nécessite une amputation de son tibia gauche, deux mois d’hospitalisation et un inévitable passage en centre de rééducation. Un parcours de soins qui lui a permis de réintégrer sa compagnie un an et deux mois plus tard, « ce qui est très court ».
Une « pénalité de la vie » plutôt qu’un handicap
Un CRS amputé, c’est un cas unique en France. « Bien sûr que j’ai eu peur de perdre mon travail » raconte Nicolas « mais mes collègues CRS ont été encourageants, protecteurs, et ont décidé de ne pas abandonner un de leurs effectifs. » Désormais le voici donc chargé de la formation, il est également moniteur de maintien de l’ordre et tireur de précision, ce qui l’amène parfois à réaliser des missions lors des déplacements. « Je cherche à retourner sur le terrain » insiste-t-il évoquant sa devise : « La seule limite qu’on se donne c’est la nôtre. Je n’ai aucune gêne avec mon handicap, j’aime le dépasser en toute circonstance. »
Ainsi, le policier préfère parler de son amputation comme d’une « pénalité de la vie » : « Le terme m’est venu en participant à une course d’obstacle type parcours du combattant. Quand on n’arrive pas à franchir un obstacle on a une pénalité qui consiste à faire 30 burpees, ce qui nous fait aussi perdre du temps car on est chronométré. En fait je peux faire des choses, mais avec une difficulté supplémentaire. » Père de deux enfants, Nicolas a donc également repris la moto et s’est lancé en 2021 dans l’aventure du tir sportif au pistolet à 10m au sein du club de Monts (qui dispose d’une section handi, « et c’est important pour moi d’être avec des personnes qui comprennent ma condition »).
Un travail à faire sur la patience
« J’étais déjà tireur de précision avant l’accident » souligne le CRS. Mais c’est seulement après sa rééducation qu’il a commencé à nourrir de grands objectifs : championnats locaux, nationaux… et l’espoir de participer aux Jeux Paralympiques de Paris en 2024. Pour se préparer, il a rejoint le Collectif France Paralympique et s’entraîne de manière conséquente à la compagnie ou chez lui. En position assise sur un tabouret, car rester debout pourrait fragiliser sa stabilité, lui occasionner des douleurs et faire baisser sa concentration et sa précision. « J’ai encore du travail, il faut que je sois plus patient, je tire trop vite. Dès que je fais une bêtise je suis impatient de retirer et c’est là que je perds des points. »
Le trentenaire tourangeau a encore du temps pour peaufiner sa technique : les sélections des Jeux n’auront lieu que début 2024. « Je rêve d’y aller pour rendre aux CRS une petite part de ce qu’ils m’ont donné, et pour qu’ils soient fiers » nous dit-il, très ouvert au sujet de sa situation, notamment pour améliorer l’image qu’on peut se faire du handicap : « J’ai envie d’en parler. On se met beaucoup de barrières dans la vie de tous les jours et moi je n’ai pas envie de ça. » Un discours qu’il diffuse par ailleurs au sein de ses activités auprès des accidentés de la police qu’il soutient pour leurs démarches administratives, accompagner leur reconstruction ou aborder la question des syndromes post-traumatiques. Il a récemment été décoré d’une médaille de l’Engagement de la part d’une mutuelle professionnelle.
Olivier Collet