Le mois de novembre est dédié à la lutte contre le tabagisme avec l’opération Mois Sans Tabac. L’occasion d’aller rencontrer la tabacologue tourangelle Anne Dansou qui exerce au CHU Bretonneau. Son service tabacologie reçoit environ 600 personnes par an pour un total de 1 500 consultations (tabacologue mais aussi diététicienne ou sophrologue).
Avec le recul que peut-on dire sur l’efficacité du Mois Sans Tabac ?
En 2016 pour la première édition, on a pu mesurer que, 6 mois après, 20% de ceux qui s’étaient inscrits étaient toujours non-fumeurs. C’est intéressant. Il n’y a pas eu d’autre évaluation depuis mais on sait que depuis le début plus d’un million de fumeurs se sont inscrits au Mois Sans Tabac.
Un arrêt est toujours bénéfique quelle que soit sa durée ?
Ce que je pense c’est qu’un échec est un succès différé. Au niveau psychologique, quand on arrête de fumer, on comprend des choses. Je cite souvent Nelson Mandela à mes étudiants et certains patients : soit je gagne, soit j’apprends. Soit l’arrêt est durable et je reste ex-fumeur soit c’est une période transitoire d’arrêt où je peux me rendre compte de ce qui est compliqué : un mojito avec les copains, un coup de cafard où on se dit « je prends une cigarette et je verrais demain », et le lendemain on va chez le buraliste. L’objectif final est de ne plus céder au chant des sirènes.
Ce qui n’est pas facile…
La grosse illusion dans le tabac c’est de penser qu’on peut gérer. C’est l’arnaque. On ne gère pas : c’est la nicotine et son pouvoir addictogène qui commande. C’est petit à petit avec les expériences de reprise du tabac que le fumeur va devenir quelqu’un de plus lucide face à la tentation et comprendre que le tabac n’apporte rien sur la gestion d’une émotion. Il faut du temps, c’est tout un chemin émotionnel à parcourir. C’est parce qu’on modifie quelque chose dans son schéma qu’on y arrive. Mais il n’y a pas de règle, pas de fumeur standard. Chaque personne est un cas particulier : ça ne sert à rien de se comparer avec les autres. Cela n’aide pas, au contraire ça bloque la réflexion.
On parle beaucoup d’inflation… Le tabac fait partie des produits qui augmentent… Quelles conséquences sur l’arrêt – ou non – des fumeurs ?
On a cru que la hausse des prix serait une bonne vaccination mais je ne le crois pas. Si les chiffres ont bien baissé de 2014 à 2019, ils sont à peu près stables depuis le Covid. Et on sait qu’il y a une population qui fume davantage qu’auparavant : les précaires. Quand on a peu de revenus, on voit la cigarette comme un anxiolytique, comme des petites vacances. Si dans ma représentation je pense que le tabac m’aide à supporter un présent difficile, j’ai beau être précaire, je fume. Ce qui peut marcher c’est une bonne information et rencontrer les professionnels de santé.
L’Alliance contre le Tabac s’est récemment positionnée pour une interdiction des puffs, pouvez-vous nous expliquer cette demande ?
Les puffs c’est la 5e génération de cigarettes électroniques. Des mini-cigarettes avec une cible qui est le public adolescent. Plus de 10% des ados les ont essayées. Pourquoi ? Il y a un joli marketing avec des couleurs vives et des goûts un peu comme les premixs pour l’alcool dans les années 90 : fraise givrée, melon glace, cola pétillant… Ça fait vibrer les jeunes qui aiment les goûts sucrés. Mais dans 28% des cas ces puffs contiennent de la nicotine. Et normalement la cigarette électronique qui aide à sortir du tabac ici elle fait entrer dans le tabagisme. On sait que 20% des ados qui consomment les puffs vont aller vers le tabac.
Le service tabacologie du CHU de Tours tiendra un stand Mois Sans Tabac l’après-midi du mardi 8 novembre dans le hall de l’hôpital Bretonneau Boulevard Tonnellé.