Un maître de chœur a été mis en examen et écroué cette semaine.
Des soupçons évoqués en coulisses depuis longtemps sont devenus des accusations au grand jour : on vient d’apprendre qu’un maître de chœur d’une soixantaine d’années exerçant dans le cadre de la maîtrise du Conservatoire de Tours est visé par des plaintes d’agressions sexuelles voire de viols sur des mineurs dans le cadre de voyages extrascolaires qu’il entreprenait avec eux.
Selon les premiers éléments de l’enquête menée par le parquet de Tours, ce professionnel de la musique extrêmement réputé pour son travail (et qui entretenait de très bonnes relations avec les familles) aurait proposé à plusieurs reprises des week-ends voire des voyages à des adolescents, tous des garçons, au cours desquels il leur faisait prendre des pilules de sa fabrication avec différents produits ce qui facilitait ensuite ses agissements.
Il confectionnait semble-t-il des pilules pour les ados
Interpellé samedi avant un nouveau départ, mis en examen et incarcéré en début de semaine, le suspect aurait sévi de nombreuses fois durant de nombreuses années, sans être inquiété d’aucune manière. C’est finalement les agissements d’un jeune qui a refusé de prendre le médicament en question, qui l’a gardé pour analyse et qui a donné l’alerte qui a permis à l’affaire de sortir.
« C’est un sujet extrêmement douloureux » réagit ce mercredi après-midi le maire de Tours Christophe Bouchet. Et pourtant, ce n’est pas la première fois que des soupçons se portent sur ce chef de chœur. Employé de la ville de Tours depuis 1998, il a été impliqué dans une première affaire d’agression sexuelle en 2002 suite à la plainte d’un adolescent. Condamné à 3 mois de prison avec sursis en 2005 par le tribunal de Tours, il fait appel et obtient une relaxe à Orléans le 28 février 2006, « force est de constater que l’intéressé n’a jamais été mis en cause dans des affaires de cette nature, le prévenu est unanimement apprécié et l’expertise psychiatrique permet d’exclure toute tendance pédophile » selon les mots de la justice.
Il ne pouvait pas être écarté de ses fonctions
Réintégré dans l’effectif de la municipalité dès le 1er mars 2006, il porte alors l’affaire devant la justice administrative afin d’obtenir des indemnités, et gagne son combat. Depuis, aucun autre signalement n’a été fait mais les accusations n’ont pas été oubliées. « Des mesures avaient été prises au sein du Conservatoire » précise Christophe Bouchet.
Mais alors comment a-t-il pu agir de la sorte sans que rien ne se sache ? « On a face à nous un personnage retors et pervers » poursuit Christophe Bouchet. Ainsi, il aurait édité de faux mails du Conservatoire pour avoir l’aval des familles et faire croire que les séjours organisés avec les enfants étaient validés par la direction. Au vu de ses éléments, la municipalité n’exclut pas de se porter partie civile dans le dossier tout en précisant qu’elle n’avait pas de moyen légal d’éloigner le prévenu d’enfants eu égard aux décisions judiciaires, « même si le doute était là. »
L’accusé s’apprêtait à participer à un voyage officiel avec des jeunes
Ce doute, plusieurs parents d’élèves joints ce mercredi reconnaissent en avoir entendu parler : “des rumeurs circulaient, mais il était défendu par des parents d’élèves auprès de qui il avait une certaine aura, c’était difficile d’y croire.” Quelques-uns, inquiets pour leurs enfants, auraient essayé néanmoins d’aborder la question avec le Conservatoire, mais sans retours jusque là nous disent-ils : “on avait l’impression que l’on essayait de protéger l’institution.”
Ces parents sont aujourd’hui en colère, surtout que si le maire de Tours parle d’une « vigilance de tous les instants » autour de l’individu en question, ce dernier devait accompagner un voyage « Chant choral – ski » lors des vacances d’hiver qui arrivent. Ils sont d’autant plus en colère au vu des révélations du jour, que la présidence de la maîtrise du Conservatoire évoquait même ce mardi dans un mail aux familles : « certaines rumeurs et messages mal-venants, qui n’ont d’autre effet que majorer une situation déjà grave. »
Des victimes repérées ?
Face au choc, une réunion avec les parents d’élèves est organisée ce mercredi soir à huis clos, l’éducation nationale met en place une cellule psychologique pour les enfants et la mairie fera de même pour les professeurs « au retour des vacances d’hiver », le 12 mars. Un courrier sera aussi envoyé à l’ensemble des familles des enfants présents au Conservatoire (ils sont 1 300). Le dossier concerne une demi-douzaine de victimes actuellement.
« L’intéressé était intelligent, il savait se faire apprécier, obtenir l’affection des parents et faire partie de leur cercle de proximité » pointe encore Christophe Bouchet. Il semble aussi que celui qui se voit aujourd’hui qualifié de prédateur sexuel aurait pu repérer ses victimes, « c’était un manipulateur hors série. Il se savait observé et regardé et a déployé des mesures hors normes pour contourner la vigilance mise en place. » Il a, pour la seconde fois, été suspendu de ses fonctions au sein de la ville de Tours alors que les investigations se poursuivent.
Mathieu Giua et Olivier Collet