« Le Ciel Attendra » humanise le débat sur l’embrigadement terroriste

Rencontre avec la réalisatrice du film et l’une de ses actrices passées par Tours cette semaine.

« Allah passe avant toi ! Nous aimons plus la mort que vous aimez la vie ! » Dès les premières minutes de la projection du film « Le Ciel Attendra » ce mercredi aux cinémas Studio de Tours, cette réplique lâchée par Sonia (jouée par Noémie Merlant) vous happe par sa violence et à la fois le naturel avec lequel elle est lâchée par la comédienne. On découvre ici la crise d’une jeune femme assignée à résidence parce qu’elle est soupçonnée d’avoir été en contact avec des individus préparant un attentat sur le sol français. Pendant les 100 miniutes qui suivent, on va observer le parcours de cette adolescente qui s’est laissée embrigadée par des terroristes mais qui, à force de volonté et grâce au soutien de sa famille pourtant meurtrie et brisée, va réussir à passer un cap important pour un retour à une vie apaisée.

En parallèle, on va suivre les derniers jours de Mélanie en France. Une lycéenne, qui joue du violoncelle, envoie des textos en cours, rigole avec ses copines… Et qui, progressivement, va basculer dans l’islamisme, aveuglée par l’amour que semble lui porter un jeune homme rencontré au hasard de Facebook.

Tandis que Sonia remonte la pente à petits pas, Mélanie chute à vitesse grand V, entre en conflit avec sa mère, ne voit plus ses amies, adhère aux théories du complot les plus folles, arrête la musique, se couvre d’un niqab… Et son entourage ne semble pendant longtemps ne voir là qu’une crise d’adolescence. Jusqu’à l’irrémédiable.
« Le Ciel Attendra » analyse non seulement le parcours de ces jeunes femmes mais porte aussi à l’écran la douleur de leurs familles, la façon dont l’embrigadement détruit les relations avec les parents (le mot embrigadement est préféré par l’équipe à celui de radicalisation, pour bien marquer le fait qu’il y a une organisation sectaire derrière tout cela).

Cette histoire met des visages sur des témoignages lus ou entendus dans les médias ces derniers mois et en cela il n’y a pas de hasard : pour préparer son film, Marie-Castille Mention-Schaar a rencontré une femme de retour de Syrie et qui suivait un processus de désembrigadement. Les deux actrices (Noémie Merlant donc, mais aussi Naomi Amarger, actrice d’origine tourangelle qui joue le rôle de Mélanie) l’ont fréquentée longuement : « le lien a tout de suite été très fort, elle était déjà dans une démarche de nous aider, de s’ouvrir à nous pour être au plus proche de la vérité. Elle parlait de beaucoup de choses, de questionnements qui résonnaient en moi : sur notre société matérialiste et de surconsommation, les angoisses face à la mort ou la quête de spiritualité, des questions que que je me pose aussi, donc ça me touchait énormément. Elle nous a aussi appris comment faire les prières. »

Un point important dans « Le Ciel Attendra » : le long métrage fait bien la différence entre l’islam et le terrorisme… « Comme beaucoup de repentis, elle a gardé la foi qu’elle avait au départ » insiste Noémie. « En travaillant sur ce scénario, je m’étais rendu compte des amalgames ou confusions qui étaient faites ou que moi-même je pouvais faire autour de l’islam. Ca m’a permis d’en sortir, d’en évacuer certaines, et j’avais envie de partager ça avec le piublic » souligne de son côté la réalisatrice qui a tourné fin 2015, juste après les attentats de Paris donnant lieu à des scènes parfois choquantes comme le jour où Naomi Amarger a été insultée dans la rue lors du tournage d’une scène où elle marchait avec le visage dissimulé.

Mais au départ, Maarie-Castille ne réagissait pas à l’actualité : « ce n’est qu’après que l’actualité s’est rapprochée du sujet du film. Avec les attentats ou maintenant les informations sur des jeunes filles qui partent faire le djihad. » Résultat : on peut parfois avoir l’impression d’être devant un documentaire, une remarque qui a d’abord surpris la réalisatrice qui s’est ravisée depuis : « les acteurs incarnent tellement bien leurs personnages qu’on a l’impression d’être avec eux. » « Le Ciel Attendra » en devient un film essentiel, salvateur, à regarder avant de parler beaucoup trop vite, surtout si l’on fait de la poltiique. Le long métrage n’est pas moralisateur, il ne cherche pas le sansationnel. Il analyse les relations humaines, les sentiments et leurs dérives : l’amour, la peur, la colère, la haine, l’amitié, la foi…  

« Beaucoup de personnes qui ont vu le film nous disent qu’il ne les lâche pas, qu’il laisse une trace. Ca peut, peut-être, faire avancer le débat. En tout cas c’est notre manière d’aborder ce problème là, en remettant l’humain au coeur du sujet. Une femme dont la fille est partie en Syrie m’a dit après la projection que si elle l’avait vu plus tôt, sa fille ne serait pas partie. Une autre qui était au Bataclan le 13 novembre m’a dit que ça l’avait réconciliée » conclut Marie-Castille Mention-Schaar avec émotion.

Olivier COLLET

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