Hôtel Obscura : l’art d’écouter aux portes

Une quinzaine d’artiste proposait une performance artistique dans un hôtel tourangeau ce week-end. On a testé.

Arrivé à la réception, on nous fait signer une décharge où il nous est notamment demandé de ne pas déranger les clients de l’hôtel Best Western Central de Tours. Même si ce soir l’établissement est en quelque sorte transformé en salle de spectacle vivante et insolite, il y a des gens qui sont juste là pour y passer la nuit et qui seront sans doute un peu surpris par toute cette affluence… Dans le cadre d’un projet artistique du Point Haut de St-Pierre-des-Corps, une quinzaine de chambres de l’hôtel ont été ouvertes à une grosse vingtaine de Tourangeaux, qui pour la plupart n’avaient sans doute jamais franchi les portes du bâtiment (parce que l’on va assez rarement à l’hôtel dans sa propre ville, à moins que… Enfin bref… vous voyez ce que je veux dire ?).

Déjà menée à Athènes et Vienne et bientôt prévue à Melbourne, l’expérience Hôtel Obscura oblige les spectateurs à perdre leurs repères, à déambuler dans les couloirs à la recherche des portes de chambres disposant d’une pastille dorée, signe que le voyageur qui y séjourne est disposé à les rencontrer, à échanger avec eux pendant quelques minutes. Un parcours qui se fait en solitaire. Jamais plus d’un curieux dans chaque chambre, les couples ont donc été séparés.

Au premier étage, chambre 101, c’est Quentin qui nous ouvre : il nous demande d’accrocher le panneau « ne pas déranger » sur la poignée et d’attendre quelques secondes avant d’entrer. Il veut que l’on commence à parler sans se voir, y’a The Voice sur TF1 ce soir-là, ça a dû l’inspirer. On s’assoit donc sur une chaise, avec vue sur sa salle de bain où pendent des chaussettes et face à une armoire couverte de post-its. Le jeune homme nous invite à en prendre un sur lequel sont inscrits 4 chiffres, correspondant à des questions plutôt personnelles comme « que changeriez-vous dans l’éducation de vos parents ? »,  » que regretteriez-vous de ne pas avoir dit si vous deviez mourir aujourd’hui sans avoir la possibilité de communiquer avec qui que ce soit ? ». On a beau être dans un jeu, on lui répond presque sincèrement, en réflechissant. Pour la dernière question, il se met enfin face à nous avant de prendre congé. Les dix minutes ont été bien courtes.

L’hôtel ne nous laisse qu’une heure pour visiter ses étages et rencontrer les clients-artistes. Il faut donc faire vite, errer dans les couloirs pour trouver une porte ouverte. Nous sommes trop nombreux ce soir, c’est difficile : l’expérience a été victime de son succès. Finalement une chambre est accessible au 2ème étage, porte entrebaillée, personne dedans. Un cahier de dessin est ouvert sur le bureau, on entend un filet de musique classique et il y a un escabeau dans la douche. Un escabeau ? On reviendra un peu plus tard voir Abigaëlle, et on n’osera pas lui demander ce qu’il faisait là, l’escabeau. En revanche, pendant qu’elle dessinait notre visage (et on maintient qu’elle nous a représenté plus gros qu’on ne l’est en vérité) on a parlé Résistance, aux diktats de la société, aux clichés et au temps;

Entre deux passages dans les chambres, on croise les autres Tourangeaux. Ils attendent parfois que les panneaux « ne pas déranger » s’envolent pour aller discuter. Et les réflexes reviennent vite : alors qu’ils sont venus pour échanger avec des inconnus et retrouver le plaisir de parler, ils se plongent instantanément dans leur smartphone. D’autres en profitent pour faire connaissance : « qui avez-vous vu ? », « comment avez-vous entendu parler d’Hôtel Obscura ? »… En marchant dans les couloirs, on entend aussi quelques bribes de conversations, un peu de musique, de l’anglais, un sèche-cheveux. On avoue, on a un peu écouté aux portes.

Puis Mario et son accent nous ont accueilli. Il regardait PSG-Chelsea sur son PC en faisant sa valise. Et il commence à nous parler des footballeurs transsexuels (!)… Avant de partir, il nous proose également une expérience : il est à un bout de la chambre, nous de l’autre côté. Par petits gestes il nous demande d’avancer et de reculer, juste pour voir comment on supporte la proximité de l’autre. Le temps passe et l’heure s’achève. On a rendez-vous tout en haut, au 4ème étage. Tout le monde est là : les Tourangeaux et les voyageurs. Tous en tenue de ville, on ne sait plus vraiment qui est artiste et qui ne l’est pas, qui joue un rôle et qui ne le fait pas… et après tout peu importe. Dans la baignoire de la suite, un certain Arthur joue Hotel California des Eagles. L’assistance murmure le refrain. Et il est encore un peu dans notre tête ce dimanche matin.

Olivier COLLET

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