Profession : Community Manager… un vrai couteau suisse

ENQUÊTE : Rencontre avec celles et ceux qui exercent ce nouveau métier particulièrement stratégique.

Même si il reconnait que pour faire son métier, il faut bien s’y connaître en informatique, Alban Cossard est plutôt content qu’on lui propose de faire une photo sans écrans en arrière plan. Dans son bureau du 5ème étage de la mairie de Tours, ils sont deux. Des grands écrans 16/9 et un smartphone toujours à portée de main. Car le travail d’Alban c’est community manager, c’est explicitement présenté comme ça dans la signature de ses emails. Arrivé en septembre 2013, ce titulaire d’une licence d’histoire puis d’un master en communication publique n’est pas arrivé ici par hasard : les collectivités locales ça le connait, il a fait son mémoire sur le sujet. Passé par le Conseil Général de la Sarthe, le voici à 25 ans en charge des comptes Facebook et Twitter Tourangeaux et ce n’est pas aussi ludique que certains pourraient le croire…

Déjà ce qu’il est bon de dire, c’est qu’Alban Cossard n’est pas du genre à rester derrière son écran 35h par semaine. Même si la première chose qu’il fait en arrivant au bureau c’est un tour de ses notifications et des messages reçus (qu’il a parfois déjà checkés de chez-lui). Non il a aussi tout un tas de réunions avec ceux qui gèrent le site Internet tours.fr ou le service com’ et se déplace sur les événements importants afin de faire des photos à publier en direct sur le net. « Parfois je passe plus de temps en extérieur qu’à la mairie » explique-t-il attachant notamment de l’importance aux rencontres avec les agents avec qui il peut être en relation dans le cadre de ses missions.

Car l’une des principales tâches du community manager de la mairie de Tours c’est de répondre aux citoyens : « parfois on a seulement 4-5 questions par jour mais ça peut monter jusqu’à 30. Et charge à moi de prévenir les services et de trouver la bonne info pour répondre. Heureusement, à force, c’est toujours les mêmes interlocuteurs ». Parmi les sujets évoqués : tags, déchets, lampadaires en panne… Les petits tracas du quotidien mais qui ont de l’importance aux yeux des habitants. Pour autant, même dérangés, ceux-ci restent globalement polis : « la plupart sont cordiaux et apprécient les réponses rapides, ils sont surpris ».

Le reste du temps, Alban Cossard se met en chasse des bonnes infos à relayer auprès d’une communauté toujours grandissante : 2 850 followers sur Twitter et 8 500 fans sur Facebook à l’heure d’écrire ce papier. « On ne met pas les mêmes infos sur les deux réseaux sociaux. Il faut analyser ce qui marche ou pas. Et puis j’ai une grande marge de manoeuvre, même si on établit des priorités avec les services ». D’ailleurs, les élus ont-ils tendance à faire pression pour que leurs actions soient mises en valeur ? « Ca peut arriver mais ce n’est pas possible d’augmenter brusquement les publications et je fais attention à ne pas mettre un élu plus en avant que les autres ». Ce qui le passionne ? Le contact, le fait de créer un dialogue avec les citoyens, d’offrir un petit bout de Tours à ceux qui aiment la ville mais en sont séparés. Sa fierté ? Faire partie du top 10 des villes les plus actives sur Twitter et d’êre en 23ème position en nombre de fans sur Facebook.

Chez Fil Bleu aussi, on facebooke et on tweete

Arrivée chez Keolis juste après ses études et juste avant l’entrée en service du tram, Adeline Burette doit aujourd’hui connaître le réseau de transport de l’agglo comme sa poche. Elle s’occupe globalement de l’information pour les voyageurs sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter) mais aussi sur les panneaux aux arrêts ou les écrans dans les bus. Intégrée au sein d’un service de 5 personnes, elle met aussi au point les fiches horaires papier des différentes lignes… et a donc dû en refaire tout plein lors des derniers ajustements du mois de janvier. « J’essaie de répondre le plus vite possible quand des questions sont posées. On en reçoit jusqu’à 35 par jour » explique-t-elle.

Basée en général au dépôt sud de Fil Bleu, Adeline Burette est souvent mobilisée lorsqu’il y a des bugs (incidents, accidents, pannes…). « Il faut avoir l’information le plus rapidement possible pour la communiquer aux usagers ». Du coup, elle n’est plus la seule à pouvoir mettre des messages sur Twitter en cas de dysfonctionnement : « les équipes de régulation ont des phrases type à poster s’il se passe quelque chose car auparavant il fallait parfois un quart d’heure avant de lancer une alerte ». Des messages sur le web donc mais aussi par SMS (notamment pour les déviations), ces derniers étant envoyés à 3680 abonnés.

Et si certains ont l’impression que le réseau plante souvent, la jeune femme réplique que non « on est plutôt bons, compte tenu du nombre de courses effectuées chaque jour ». Ce qui peut parfois lui prendre du temps, c’est de retrouver l’origine de l’absence de passage d’un bus, il lui faut alors rechercher le numéro de véhicule et la raison du problème mais grâce à un système de rapports d’incidents elle finit toujours par décrocher l’info et répondre. « C’est un travail intéressant. Varié et très formateur. Je ne fais pas que de la gestion de réseaux sociaux ». Par exemple, en ce moment, Adeline Burette est en train de terminer la mise au point d’un outil qui va vous changer la vie : l’information en temps réel sur les horaires de passage des bus et trams via filbleu.fr ou son site mobile ce qui permettra de savoir précisément combien de temps il reste à attendre sur l’intégralité des arrêts, même les plus petits. « La sortie est prévue fin janvier, le temps de terminer les tests internes ».

Formée sur le tas après ses études de communication, Adeline Burette apprécie par ailleurs de voir que son corps de métier se féminise… même si, sur le net, « beaucoup ont l’impression de parler à Mr Fil Bleu ». Les préjugés ont la vie dure.

Community Manager : un poste stratégique

La mairie de Tours et Fil Bleu sont de grosses entreprises qui ont besoin d’avoir du personnel chargé de gérer leurs relations avec la population et le faire via les réseaux sociaux est indispensable. Néanmoins, le métier de community manager reste encore relativement peu fréquent. Par exemple, le Conseil Général d’indre-et-Loire n’en possède pas. Le plus souvent ce sont ainsi les responsables communication ou d’autres salariés qui sont chargés de la communication digitale de leur entreprise, collectivité ou club sportif. Des salariés pas toujours formés ce qui peut entraîner des gaffes…

Le Tourangeau Nicolas Maubois est un spécialiste des réseaux sociaux. Son boulot est de conseiller des entreprises dans leur stratégie en ligne. « Le plus important c’est de créer une communauté et de la faire vivre. Que les internautes réagissent à vos publications. Les gens ne veulent pas qu’une entreprise se contente de faire de la publicité pour ses produits, ils veulent voir ses coulisses. Globalement, un community manager c’est donc quelqu’un qui va suivre les tendances et les buzz afin de communiquer dessus ». Mais attention : « il faut éviter le bad buzz comme celui des 3 Suisses après l’attentat à Charlie Hebdo. Il faut un peu de réflexion pour raccrocher une actualité à l’activité de son entreprise ».

Selon Nicolas Maubois, les entreprises commencent vraiment à prendre les choses au sérieux, même les plus petites : « elles voient bien qu’il y a des codes. Par exemple qu’il vaut mieux prévoir ses programmations à certaines heures plutôt que d’autres ou qu’il faut bien choisir son hashtag (mot-dièse). Chaque réseau social a ses propres codes et des formations commencent à se créer. Il faut des compétences en orthograhe, en retouche-photo, en graphisme… ». Mais il faut aussi du cran car dans une société importante le poste est stratégique : « il faut être au point sur la stratégie de l’entreprise, bien connaître son fonctionnement, ses clients ou clients potentiels. C’est le couteau suisse de l’entreprise ». Et il est responsable de son image. Donc c’est un métier à risques en cas de bourde.

Le problème, c’est que même si les entreprises ont conscience qu’elles ont besoin d’une bonne image web pour doper leur chiffre d’affaires, quand elles ont de petits budgets elles n’ont pas les moyens d’embaucher quelqu’un à plein temps. Voilà pourquoi de nombreux autoentrepreneurs se lancent dans l’aventure, y compris en Touraine (ils n’étaient qu’un ou deux il y a un an selon Nicolas Maubois mais les choses changent). « Ca permet d’y consacrer un budget raisonnable, autour de 500€ par mois selon la prestation ».

Olivier COLLET

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