Mineurs étrangers isolés : face à l’urgence, Etat et Département bougent (un peu)

Plusieurs mesures ont été annoncées ce vendredi.

Faut-il y voir un bon signe ? 4 mois après le début de la crise sur l’afflux des mineurs étrangers non accompagnés en Indre-et-Loire (MNA), le président du Conseil Départemental et la préfète ont fait une conférence de presse commune ce vendredi. L’heure n’est donc plus aux échanges stériles par communiqués interposés entre les deux institutions mais à une coopération pour tenter de trouver des solutions.

Il faut dire que la situation est indigne : actuellement, une soixantaine de jeunes sont sous tente dans un campement sur un terrain du diocèse à St-Pierre-des-Corps en attendant une évaluation au Champ-Girault pour savoir s’ils sont bien mineurs, et donc s’ils peuvent prétendre à un logement et à un accompagnement social jusqu’à leur majorité. Ce rendez-vous, la loi prévoit qu’il ait lieu dans un délai de 5 jours après sa sollicitation. En Touraine, le délai n’est plus respecté depuis fin avril et atteint désormais un mois et demi, « on ne peut pas dire que c’est satisfaisant » concède Jean-Gérard Paumier.

5 recrutements à venir

Résultat : un jeune qui se présente cette semaine à l’Aide Sociale à l’Enfance se voit proposer de revenir… mi-octobre. 130 cas sont en attente. Ce laps de temps, l’institution le justifie par l’afflux de nouveaux dossiers : 865 ouverts en 8 mois, contre 553 sur l’ensemble de l’année 2017 (12 mois). Elle assure aussi que 20% des rendez-vous ne sont pas honorés, et d’autres annulés suite à des demandes tardives d’interprètes de la part des jeunes : « il arrive que nos agents travaillent pour rien » déplore l’administration départementale.

Pour résorber la situation, le Département vient d’annoncer 5 nouvelles créations de postes temporaires dédiées aux évaluations et au suivi des mineurs étrangers non accompagnés. Le service va donc compter 17 personnes d’ici quelques semaines, contre 7 en début d’année. Cette dépense supplémentaire du Conseil Départemental est indispensable, mais son président craignait que l’Etat la lui reproche, vu qu’il impose désormais aux grandes collectivités de ne pas dépasser 1,2% de hausse de budget de fonctionnement par an. Un accord a été trouvé : la préfète Corinne Orzechowski garantit que toutes les dépenses exceptionnelles liées aux mineurs isolés depuis 2015 n’entreront pas dans les calculs comptables, et que le gouvernement a validé cet arrêté. La participation de l’Etat à la prise en charge des migrants reconnus mineurs va par ailleurs passer de 1 250€ à 1 950€ par an (pour un coût annuel que le Conseil Départemental évalue lui à 18 000€).

Bientôt un nouveau centre d’hébergement d’urgence ?

L’autre souci, c’est la mise à l’abri avant l’évaluation : normalement elle est prévue pendant les 5 jours précédant l’examen. Depuis avril, le Département ne l’applique plus (hormis pour les jeunes filles ou les jeunes malades, dit-il), et assure que la justice ne lui en tient pas rigueur compte tenu de la charge de travail reconnue par une décision du tribunal administratif. « On cherche des solutions jour et nuit » jure-t-on au Département, qui affirme ne pas pouvoir louer de chambres d’hôtels, réservées aux touristes cet été. Du coup, des jeunes restent à la rue.

Un signe tout de même : Corinne Orzechowski et Jean-Gérard Paumier travaillent à l’ouverture prochaine d’un nouveau centre d’hébergement d’urgence de 75 places, dont au moins 25 dédiées aux mineurs. De plus, le Conseil Départemental lance un appel aux familles volontaires pour héberger des jeunes chez elles pour « quelques jours, quelques semaines ou à temps complet », après enquête des services sociaux et moyennant un « défraiement » de 15€62 par jour. Il espère en rassembler une cinquantaine d’ici la fin de l’année.

Infos : [email protected] ou 02 47 31 45 51

Souvent critiqués par des associations qui viennent en aide aux réfugiés, l’Etat et le département se défendent : « on n’a pas à rougir de ce qu’on a fait » plaide Jean-Gérard Paumier qui refuse de recevoir les bénévoles tant qu’ils auront « un discours à charge » envers ses services. De son côté, la préfète regrette que ces associations n’aient pas donné suite à sa proposition du printemps : « je leur avais dit si vous venez avec un bout de projet on peut travailler ensemble et flécher des crédits d’Etat. La seule réponse que l’on a vu arriver c’est l’occupation d’un lieu appartenant à l’évêque. »

Olivier Collet et Mathieu Giua

Enquête ouverte sur « des filières mafieuses » présentes en Touraine :

Ce vendredi le Département et la préfecture d’Indre-et-Loire se sont ouvertement interrogés sur l’origine de l’arrivée massive de mineurs étrangers isolés dans le département : « il n’y a pas de réponse évidente, mais il y a matière à interrogation » selon Jean-Gérard Paumier qui évoque la présence de Tours sur la route qui remonte d’Espagne. Notre voisin ibérique est d’ailleurs accusé à demi-mot de financer le départ de migrants vers l’hexagone en leur demandant ensuite d’effacer leurs traces de passage dans le pays. Objectif : que la France devienne l’Etat de premier accueil et soit donc légalement tenue de les prendre en charge.

A cela, s’ajoutent des doutes persistants sur la présence de réseaux de passeurs illégaux : « il y a des méthodes qui laissent penser à l’existence de filières. Mon travail est d’aller plus loin sur ce sujet. Il faut traiter et comprendre » souligne Corinne Orzechowski qui précise bien qu’elle ne « vise pas les associations » et souhaite enfin, comme son homologue élu, la création d’un fichier central et national recueillant les demandes des MNA afin qu’ils ne déposent plus de dossiers dans plusieurs départements comme ce serait parfois le cas.

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