Harcèlement de rue : « surtout ne pas arrêter d’en parler »

Plusieurs actions sont entreprises pour lutter contre ce fléau en Indre-et-Loire.

Le gouvernement pense légiférer prochainement sur la question du harcèlement de rue, la députée tourangelle Sophie Auconie est d’ailleurs chargée de mener des auditions pour préparer la future loi. Ce texte pourrait d’une part entraîner la création de mesures répressives mais aussi voir naître des dispositions à visée éducative. En Indre-et-Loire, c’est ce deuxième axe qui est privilégié depuis plusieurs années par la déléguée départementale aux droits des femmes qui est régulièrement sur le terrain pour faire évoluer les mentalités à son échelle…

Malgré un budget contraint, Nadine Lorin a pu monter plusieurs actions avec un collectif regroupant pas moins de 54 structures. On se souvient notamment d’une enquête qui avait fait grand bruit en révélant que la quasi totalité des Tourangelles avaient déjà été harcelées dans l’espace public, 50% d’entre elles ont même été suivies.

Suite à ce constat, des groupes de parole ont été mis en place avec le Planning Familial afin d’exorciser et d’envisager des solutions : 30 à 40 femmes ont participé aux 4 réunions organisées à La Riche, Tours, Joué-lès-Tours et St-Pierre-des-Corps. Dans le même temps, une cinquantaine de salariés de Keolis-Fil Bleu ont été formés pour apprendre à réagir s’ils sont témoins d’une situation de harcèlement dans les transports. Un cursus similaire pourrait être proposé à d’autres travailleurs de rue pour créer enseigner les bons réflexes.

« Certains hommes croient que les femmes sont obligées de dire non »

Autre dispositif : des sessions baptisées « le harcèlement c’est pas la drague » ont été mises en place pour les établissements scolaires… avec plus ou moins de succès : « certains hommes ont perdu la notion de consentement. Ils pensent que si une femme dit ‘non’ c’est normal, car si elle disait ‘oui’ ce serait quelqu’un de non fréquentable. En quelque sorte ils croient qu’elle est obligée de dire ‘non’ et que l’on peut donc essayer d’obtenir un ‘oui’ de sa part. C’est une réflexion tordue… Quand on leur explique que ‘non’ c’est clairement ‘non’ et pas ‘peut-être oui’ certains comprennent… Mais pour d’autres c’est difficile. Ils sont vraiment dans la toute puissance masculine et considèrent les femmes comme des êtres inférieurs, comme une denrée comestible dans la rue. »

Même si peu de formations ont été organisées, Nadine Lorin espère poursuivre et intensifier ce dispositif auprès des jeunes. Elle compte aussi beaucoup sur la parole des femmes : « il faut les laisser dire ce qu’elles ont à dire. Les écouter et ne pas juger. C’est ça qui fera avancer les mentalités et la loi. Toutes ont vécu des choses traumatisantes, ressentent un manque de respect de la part des hommes qui se conduisent comme si les femmes leur appartenait..Donc il ne faut surtout pas arrêter d’en parler. Que ce ne soit pas juste le coup d’un moment. C’est une démarche qui doit s’inscrire dans la durée. »

Un travail avec la ville de Tours pour des rues moins sombres

D’autant que témoigner ne résout qu’une partie du problème. Voire en crée d’autres : « les femmes qui dénoncent une situation de harcèlement au travail perdent leur emploi dans 95% des cas et se retrouvent victime une seconde fois » rappelle Nadine Lorin : « ce sont des comportements plus ou moins admis socialement dans une société où le droit de cuissage a fait partie de l’histoire. Ces hommes sont dans une posture de pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous les hommes harcèlent, en revanche il y a un noyau dur qui harcèle beaucoup de femmes. »

Afin de faire avancer le débat et la société, la délégué tourangelle aux droits des femmes estime donc cohérent que le gouvernement s’empare du sujet et réfléchisse à légiférer : « il faut que l’État dise qu’il n’est pas d’accord et la manifeste via une procédure. Ce sera un symbole. Il est très important de marquer la ligne rouge. Ça ne suffira peut-être pas pour avoir un impact mais ça plus tout le reste cela peut déclencher quelque chose. »

Le symbole de la loi

De son côté, Nadine Lorin continue de travailler pour améliorer la vie des femmes en ville : des ateliers de témoignages et des formations reprendront en 2018 et la ville de Tours a été sensibilisée pour éviter que ses rues soient trop sombres la nuit ou pour qu’il n’y ait pas de gros buissons touffus dans les espaces verts afin de limiter le sentiment d’insécurité : « pour certaines femmes qui ont entre guillemets juste été victimes d’une drague lourde, cela peut ennuyer et faire peur d’être ainsi harcelée dans la rue mais pour d’autres qui ont déjà subi une agression, par exemple dans leur couple, quelqu’un qui s’approche… On n’imagine même pas la terreur que cela peut entraîner chez elles. Les gens doivent savoir qu’ils peuvent provoquer cela. »

Olivier Collet

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