Divorce : les règles ont changé

Et cela inquiète un peu les avocats tourangeaux. Interview avec leur nouveau bâtonnier dont on dresse aussi le portrait.

Cela fait partie des nouveautés entrées en vigueur en ce début d’année 2017 : la réforme du divorce par consentement mutuel. Désormais, si les époux sont d’accord sur les termes de leur séparation, ils peuvent chacun éviter un passage devant le juge en prenant deux avocats pour établir les démarches, validées par la suite par un notaire. Ce n’est pas la seule chose qui change. L’affaire peut tout de même se terminer devant un juge si l’enfant souhaite être entendu : « est-ce qu’un parent ne demandera pas à son enfant de faire cette démarche, ou qu’un ado en crise le fasse ? » s’interroge Maître Catherine Gazzeri-Rivet, bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Tours (depuis le 1er janvier, et pour deux ans) qui juge cette mesure imparfaite.

« Je crains des pressions sur les enfants. Avant on n’avait pas besoin d’accord de l’enfant car dans le cadre des procédures par consentement mutuel les parents arrivaient à trouver un mode opératoire dans le but de préserver leurs enfants. On ne demandait à les entendre que s’il y avait un problème. » Au final, alors que la réforme est censée accélérer les procédures et décharger les magistrats, Me Gazzeri-Rivet craint que ce ne soit pas systématiquement le cas, d’autant que, pour contourner l’entrée en vigueur du texte, les avocats ont accéléré les procédures fin 2016 afin de faire passer des consentements en urgence devant le tribunal. « Il va falloir pallier les carences des textes » souligne le bâtonnier sans être non plus vent debout envers cette nouvelle loi.

Cette mise en garde est la première de Catherine Gazzeri-Rivet depuis sa prise de fonction. Mais cette avocate n’est pas du tout une inconnue au barreau de Tours, bien au contraire. Son serment, elle l’a prêté en 1981, déjà à Tours où elle a fait ses études avant d’être attachée parlementaire « car à l’époque, c’était dur de trouver un stage dans un cabinet lorsque l’on était une femme. » Une première expérience avant de réaliser son objectif professionnel. Et elle était décidée à y parvenir pour de bon d’autant qu’elle avait déjà été échaudée une fois dans son parcours : « au départ je voulais faire des études de langues en vue d’être interprète mais on m’a dit que c’était très fermé. » Alors elle a profité de l’ouverture d’une filière à Tours et de la présence de sa tante ici pour entrer en fac de droit Boulevard Béranger.

Grâce à sa première expérience politique et aux contacts noués, Catherine Gazzeri-Rivet parvient finalement à intégrer un cabinet. Aujourd’hui installée près de la base aérienne 705 de Tours, elle compte 12 associés et 3 collaborateurs, 25 après la création de son cabinet. En majorité, le bâtonnier traite des affaires de droit et de patrimoine de la famille, de droit du travail, de recouvrement de créances et, parfois, des dossiers au pénal. Et très vite elle s’est investie dans les instances de sa profession : « mon premier patron était très investi dans l’ordre. » Elle prend le virus et devient bâtonnier une première fois en 2001-2002 avant de s’engager au Conseil National des Barreaux. Objectif de sa fonction : faire le relais entre les différentes juridictions, s’intéresser aux nouveaux textes de lois ou aux questions de déontologie. Tout cela dans un barreau comptant 287 avocats « dynamique et jeune » comptant, désormais, 53% de femmes.

Voilà donc une observatrice avisée de la justice et de la profession d’avocat, qui s’est mobilisée assez nettement durant le quinquennat de François Hollande afin de dénoncer la réforme de l’aide juridictionnelle : « notre pays est celui qui indemnise le moins alors que c’est celui qui est le plus ouvert pour l’accès à l’aide juridictionnelle. Parfois, les indemnisations sont inférieures aux charges de cabinet » dénonce encore Me Gazzeri-Rivet qui regrette le nouveau barème mis en place.

Le bâtonnier tourangeau constate aussi : « le budget de la justice a augmenté mais c’est le pénitentiaire qui prend la plus grande part. La défense des tribunaux c’est une toute petite partie. » Une urgence selon elle : faire le ménage dans les textes législatifs : « il y a des lois qui se contredisent, les codes sont devenus obsolètes. » Sur le sujet de la détention : « il faut adapter les peines aux personnalités. Quand on incarcère quelqu’un c’est pour protéger la société mais ce qu’il faut en parallèle c’est insister sur la réinsertion qui devient de plus en plus compliquée avec la surpopulation. Au final on fait du gardiennage dans de mauvaises conditions. Et à un moment donné ça n’a plus de sens, ça n’apporte rien. »

Plus globalement, aujourd’hui, Catherine Gazzeri-Rivet critique une politique de « déjudiciarisation » : « dans tous les pays démocratiques, l’un des critères les plus importants c’est l’accès à son juge indépendant. Or, comme l’Etat fait face à des difficultés il essaie de déjudiciariser les contentieux. C’est inquiétant. Le fait de passer par un juge n’exclut pas la conciliation et l’accord. Et aujourd’hui, les citoyens ont le sentiment qu’ils sont obligés de payer pour aller voir un juge. L’Etat spécule sur les accords de médiation. »

Olivier COLLET

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