Avocats et notaires dans la rue : manif’ de riches ?

Retour sur la mobilisation des professions du droit ce mardi soir à Tours.

Ca se voit que les avocats ou les notaires de Tours n’ont pas encore l’habitude de descendre dans la rue. Ils sont 250 à défiler au départ de la préfecture (ce qui est conséquent, une bonne moitié de l’ensemble des représentants de la profession en Indre-et-Loire) mais ils marchent en ordre dispersé. « Ralentissez ! » entend–t-on souvent afin que le cortège ne fasse plus qu’un bloc Rue Nationale. Certains se plaignent que les pancartes sont trop lourdes. Un manifestant tente de chanter « c’est la lutte finale… » mais se fait rapidement calmer. En tout cas ils ont compris le concept : slogans choc et humoristiques (amusant le « Hollande arrête tes Macronneries »), clairons, et une belle image pour la presse : une grosse pile de codes civils jetée avec un peu de rage au pied du sapin de la Place Jean Jaurès, sous une pluie fine.

Voilà donc pour le tableau. Depuis le début du mouvement de grogne contre la réforme des professions réglementée voulue par Bercy, c’est la première fois qu’avocats et notaires manifestent main dans la main à Tours. Les notaires s’étaient mobilisés il y a peu avec les pharmaciens, et depuis plusieurs semaines les avocats du barreau de Tours sont pour beaucoup en grève, avec des actions symboliques ou des reports d’audience.

Deux avocats en liquidation judiciaire sur 274 en 2014 à Tours

« Je suis révolté, et le mot est faible » assène celui qui prendra le poste de bâtonnier en janvier, Maître Philippe Baron. « Je ne comprends toujours pas l’objectif de ce texte… On veut tuer la profession ». Et n’allez pas lui dire que ce mouvement est un caprice de riches : « le revenu médian des avocats est de 3300€ après 6 ans d’études (50% gagnent plus, 50% gagnent moins, ndlr). C’est en dessous de ce que Hollande qualifie de riches. Certains avocats subissent des procédures de redressement judiciaire voire voient leur affaire liquidée. Deux cette année en Indre-et-Loire. Certains jeunes touchent à peine le SMIC ».

Les jeunes… Nous avons rencontré Laura Guenue, dans la profession depuis un an. « J’invite ceux qui disent que c’est un problème de riches à venir voir mon compte. On n’est pas des privilégiés. On veut défendre notre profession qui est menacée. Emmanuel Macron souhaite insataurer un système à l’américaine, les cabinets d’avocats vont devenir des sociétés commerciales, les plus pauvres ne pourront pas payer. Je voudrais être avocate toute ma vie, mais quand je vois ça, je suis inquiète… ».

Comme de nombreux jeunes avocats, Maître Guenue dépend beaucoup de l’aide juridictionnelle. C’est à dire les dossiers où elle agit en tant qu’avocate commise d’office. A Tours, environ 2 millions d’euros sont consacrés à ces affaires, soit 160 000€ par mois. Le problème, c’est que tout l’argent n’est pas versé d’un coup et que le barreau de Tours n’a pas de quoi payer les avocats pour le mois de décembre. En prime, se désole l’un d’eux, « on perd de l’argent car le barème n’a pas été révisé depuis trop longtemps ».

Maître Suzanne tient lui à se battre pour « l’indépendance de la profession d’avocat » qu’il estime menacée par le projet Macron. Macron ? « Mais pourquoi c’est Bercy qui gère ce dossier et non la chancellerie via Mme Taubira ? Il n’y a pratiquement pas eu de négociations, on n’est pas écoutés. Il y avait eu un livre blanc de publié il y a deux ans avec des propositions de la profession, elles n’ont pas été reprises. On ne défend pas nos intérêts mais un statut ».

« Pour se mobiliser on a de l’imagination »

« On a peu de moyens de pression mais on les utilise » complète Maître Suzanne quand on l’interroge sur l’ampleur et la longueur de cette mobilisation. Et ce même si ça paralyse pas mal l’activité du tribunal alors que la justice est déjà lente de nature « mais nos clients comprennent et nous plaidons quand la liberté est en jeu » tient à préciser Maître Guenue. Avocats et notaires Tourangeaux marcheront de nouveau ensemble le 10 décembre. Mais cette fois à Paris, le jour où le conseil des ministres se penchera sur leur sort. 5 bus devraient partir de la gare routière de Tours à 7h. Et d’ici là, quoi de prévu ? « On a de l’imagination » prévient le bâtonnier Philippe Baron. On a donc pas fini de voir les robes noires en dehors du Palais de Justice, « même si on préférerait » nous disent-ils tous.

Olivier COLLET

Un mot des notaires ?

Maître Savard est vice-président de la Chambre des Notaires d’Indre-et-Loire : « nous exigeons le retrait du projet Macron, il n’y a eu que des négociations de façade, nous n’avons pas été entendus. Voilà pourquoi on se révolte et que je porte une écharpe rouge. Cette réforme a souvent été présentée comme permetant aux citoyens de faire des économies. Mais c’est faux : les tarifs que nous pratiquons sont décidés par l’Etat qui a récemment augmenté ses taxes. Et les actes les plus gros financent les plus petits. Du coup nous sommes obligés d’accepter toutes les demandes. Si la loi est votée, des notaires vont disparaître, peut-être un tiers en Indre-et-Loire. C’est un service public présent parfois là où il n’y a plus de bureaux de poste qui est menacé ».

 

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