L’affaire dite « de la banderole » laissera des traces durables dans le milieu étudiant tourangeau. A l’automne 2024, les images d’une banderole circulent sur les réseaux sociaux : on y voit une femme nue la tête plongée dans un verre à cocktail. Elle est surplombée d’un pénis représenté en train d’éjaculer, tandis que l’inscription GHBites figure en grosses lettres à côté. Une référence explicite au GHB, qu’on appelle aussi la drogue du violeur.
Ce dérapage nauséabond a eu lieu au cours d’une soirée de la fac de médecine de Tours, organisée par l’ACT, l’Association des Carabins de Tours. Depuis, l’Université l’a privée de ses locaux et exigé sa dissolution. Des procédures disciplinaires ont été lancées, ainsi qu’une enquête pénale. Un rapport remis début mars a également mis au jour d’autres faits problématiques, « des pratiques délictuelles à répétition » sur fond d’abus d’alcool commente le président de l’établissement Philippe Roingeard qui évoque des strip tease forcés voire des rapports sexuels oraux imposés. En droit, ce sont des viols.
Si l’ACT est la principale association visée, d’autres structures auraient également organisé des soirées au déroulé problématique. Au total pas moins de 4 événements seraient concernés sur une période allant d’octobre 2023 à fin 2024. Un chiffre conséquent quand on sait qu’il y a en moyenne une dizaine de soirées estampillées « fac de médecine » sur une année universitaire.
Face à l’ampleur du phénomène, l’Université de Tours a annoncé ce lundi 24 mars l’interdiction de toute soirée officielle « jusqu’à nouvel ordre » + la convocation d’une commission de discipline en cas de gala clandestin. L’accès aux locaux des différentes associations étudiantes de médecine est suspendu et leurs subventions gelées (à l’exception de deux entités qui œuvrent sur le tutorat).
Pour récupérer son soutien financier, chaque structure devra faire preuve de son engagement à lutter contre l’alcoolisation excessive, les faits de bizutage et les violences sexistes et sexuelles. La signature d’une charte sera obligatoire. Ces règles seront étendues à l’ensemble des associations étudiantes universitaires (il y en a 80).
« Nous devons engager des résolutions plus fortes pour mettre fin à ces pratiques » reconnait le président de l’Université Philippe Roingeard qui estime « urgent » de mettre fin « à l’omerta » qui empêchait la direction d’avoir accès aux témoignages sur les délits commis au cours des soirées. Désormais, un questionnaire anonyme sera envoyé après chaque événement dans le but de détecter au plus tôt les comportements déviants. Et les commissions disciplinaires seront lancées chaque fois que nécessaire, les sanctions maximales pouvant aller jusqu’à une exclusion pour 5 ans de toute université française. Les rapports avec le parquet se feront aussi plus étroits.
Le rapport d’experts remis à la fac à l’issue de « l’affaire de la banderole » préconise 27 mesures à mettre en œuvre. « Nous allons toutes les appliquer » assure le président, évoquant des contrôles renforcés lors des soirées, davantage de sensibilisation en amont sur les risques de l’alcool ainsi que les violences sexistes et sexuelles, ou encore des visites des locaux d’associations pour vérifier qu’il n’y a pas d’autres dessins du même genre que ceux de l’ACT.
Malgré son ton sévère, Philippe Roingeard a tenu à ne pas mettre toutes les associations étudiantes dans le même panier retenant que « la plupart d’entre elles réalisent de belles actions, y compris en médecine ». Simplement, à partir de maintenant, le Service de Santé Etudiante, qui peut fournir jusqu’à 2 500€ d’aide sur les soirées, sera plus vigilant, imposant un service d’ordre. « Les étudiants ne se rendent pas compte des risques qu’ils encourent » alerte le président qui doit néanmoins faire attention à ne pas être trop martial au risque que les soirées se fassent totalement en dehors du contrôle de l’établissement : « C’est un risque mais ce sera quand même plus difficile » espère-t-il.
Olivier Collet