[Ils l’ouvrent] Agribashing : la grande peur des représentants agricoles en Indre-et-Loire

Des craintes partagées par les gendarmes et la préfecture.

« Nous voulons répondre à une réalité : dans notre département comme ailleurs, on voit un développement des actes et des prises de parole anti-agriculteurs. » Voilà ce que dit la préfète d’Indre-et-Loire Corinne Orzechowski qui a voulu imiter certains de ses homologues en lançant un observatoire de l’agribashing en Touraine. Autour d’elle pour le présenter : un lieutenant-colonel de gendarmerie, le procureur de la République, la responsable de la Direction Départementale de la Protection des Populations, le président de la Chambre d’Agriculture, le patron de la Mutuelle Sociale Agricole mais aussi la représentante de la Confédération Paysanne et le responsable du syndicat FDSEA.

« Cet observatoire on le met en place pour mieux connaître ce phénomène qui prend de l’ampleur et agir contre lui ce qui pourra aller jusqu’à des poursuites judiciaires » poursuit la représentante de l’Etat. En clair, elle organisera des réunions plusieurs fois par an pour faire le point avec la profession et prendre des mesures si nécessaire.

« Un sentiment d’abandon national »

Quand on parle d’agribashing, à quoi fait-on référence ? Disons à une sorte de harcèlement des agricultrices et agriculteurs, visés pour des pratiques qui ne conviennent pas à tout le monde. Cela peut être via des propos en face à face et sur les réseaux sociaux voire par des actions sur le terrain pouvant aller du tournage d’une vidéo clandestine à des intrusions sur leurs terres avec dégradation de matériel. Deux cibles principales : les exploitations qui utilisent des pesticides ou les élevages. « On fait le constat d’un mal-être de plus en plus important, avec un sentiment d’abandon national » relève le président de la MSA Pascal Cormery qui a constaté une hausse des appels auprès de la cellule de soutien psychologique dédiée aux paysans.

A qui la faute ? « Une petite partie de la population et certains médias » répondent les représentants agricoles, pas loin de sombrer eux-mêmes dans un certain médias-bashing. « Pratiquement tous les jours on a des articles qui mettent en cause nos pratiques et prônent le retour à un modèle d’il y a 100 ans oui qui ne tiennent pas la route économiquement » se plaint par exemple Henry Frémont, pour la Chambre d’Agriculture.

La pédagogie pour endiguer l’agribashing ?

Où s’arrête la critique – légitime – des pratiques agricoles et où commence le harcèlement et les actes délictuels ? « Il y a la liberté d’expression, il faut l’accepter » reconnait Sébastien Prouteau de l’UDSEA. « Il faut sans doute faire un travail avec les maires et les habitants pour réexpliquer comment travaillent les agriculteurs et quelles sont leurs contraintes » suggère la préfète. Les maires, outils sur qui s’appuyer pour endiguer le phénomène et favoriser l’éducation de la population… mais ces mêmes élus sont également ciblés comme artisans de l’agribashing : « Il y en a certains qui prônent des zones de non-traitement de 150m voire 800m. A un moment donné les agriculteurs qui veulent nourrir la population et le font bien se sentent attaqués » s’étrangle encore Henry Frémont.

« Il y a un fossé qui s’est creusé entre la société et notre profession. Il faut qu’on soit plus pédagogues. En même temps on a demandé beaucoup de choses au monde paysan : continuer de nourrir mais en plus pas cher. Alors ce sont aussi les lois économiques qui doivent évoluer. Il faut que les règles changent dans tous les domaines, pas juste pour les paysans »

Temanuata Girard, porte-parole de la Confédération Paysanne, agricultrice à Luynes

Ces fameuses zones sans produits chimiques à proximité immédiate des habitations sont au cœur du problème : « Il y a déjà eu des tensions verbales en Indre-et-Loire et cela va s’agrandir depuis la nouvelle règle sur les zones de non-traitement » prédit le responsable de la FDSEA. Un débat qui n’a pas lieu d’être à écouter la préfète : « Quand vous commencez à dénigrer des exploitants alors qu’ils appliquent la loi c’est de l’agribashing. On ne fait pas avancer la législation avec de la violence » tranche Corinne Orzechowski.

10 à 15% d’agriculteurs contrôlés chaque année en Touraine

« On reçoit un certain nombre de plaintes de voisinage de gens qui considèrent que certaines choses ne sont pas normales » relève Laurence Deflessel pour la Direction de la Protection des Population. Là-encore, comment faire la part des choses entre dénonciation militante et réel problème ? Si l’on se concentre sur la question du bien-être animal, 46 dossiers ont été ouverts l’an dernier, dont une majorité ne concernant pas des éleveurs professionnels. Au final, 2 vérifications ont nécessité des retraits d’animaux. Quant aux contrôles, « 10 à 15% des agriculteurs sont visités chaque année dans le département » estime la professionnelle de l’administration. En 2019, 30 contrôles sur utilisation de pesticides ont été menés. Leurs suites ne nous ont pas été précisées.

« La société évolue, les attentes évoluent. C’est à nous de rassurer les citoyens que notre façon de produire va dans le sens de la société. On a peut-être pris du retard, alors à nous de prendre cette casquette de communicant » concède Sébastien Prouteau quand il s’agit de savoir comment répondre à ce grand scepticisme ambiant.

Olivier Collet

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