Village des Marques à Sorigny : 600 nouveaux emplois potentiels, 150 autres fragilisés

C’est le résultat d’une étude publiée cette semaine.

Y’aura-t-il un jour un Village des Marques à Sorigny, autrement dit un centre commercial de 150 à 200 boutiques proposant des invendus des années précédentes à prix cassés ? Le projet est lancé, mais pour l’instant il a été refusé par la Commission Départementale d’Aménagement Commercial. Son dernier espoir pour obtenir un permis de construire : décrocher le « Go » d’une Commission Nationale d’Aménagement Commercial. Ses membres doivent examiner le dossier avant la fin de l’année.

En attendant, le débat fait rage et ça fait 4 mois que ça dure. D’un côté les « Pour » (dont le maire de Sorigny) mettent en avant les créations d’emplois et le potentiel touristique. De l’autre les « Contre » (le maire de Tours, les commerçants de Tours ou Châtellerault, les écologistes) craignent pour la survie des commerces de centre-ville et pour l’impact sur l’environnement.

28 Villages des Marques en France, bientôt 30

Sans chercher à départager les deux camps, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Touraine a demandé une étude approfondie sur l’impact de l’ouverture d’un Village des Marques à Sorigny. C’est un expert de la CCI de l’Aube Didier Moret qui s’en est chargé, ce monsieur ayant travaillé sur tous les autres projets similaires ces dernières années. Il le précise : son étude s’intéresse uniquement aux impacts économiques et ne porte donc pas sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. La seule question à laquelle il répond la voici : si un tel projet aboutit, que se passera-t-il ?

Première chose : selon l’étude, le concept de Village des Marques n’est pas à bout de souffle… On en compte 150 en Europe, 28 en France. Au total, leurs 2 370 boutiques font 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaire. « Aucun n’a fermé et deux sont en construction, deux autres en attente » note Didier Moret qui rappelle que le Loire Valley Market envisagé à Sorigny succède à un autre projet abandonné depuis, à Romorantin (Loir-et-Cher).

76 millions de chiffre d’affaire potentiel

Si l’on voit large, 2,9 millions d’habitant(e)s vivraient à moins d’1h30 de Sorigny, une zone qui va jusqu’à Bourges, Orléans ou Niort et dont la population progresse de 4% par an. Autant de nouvelles personnes que les marques voudront séduire… Selon l’étude présentée à Tours ce mardi, elles consomment chaque année l’équivalent de 2,7 milliards d’euros dans les commerces. Sachant que le panier moyen des visiteurs d’un Village des Marques est de 150€, le chiffre d’affaire du futur complexe est estimé à plus de 76 millions d’euros (auxquels il faut ajouter une dizaine de millions d’euros de retombées pour la restauration et près de 4 millions d’euros pour les hôtels des environs).

1,3 million de personnes pourraient venir de l’extérieur spécialement pour faire du shopping au Loire Valley Market + 5 à 700 000 visiteurs habitant à moins de 30 minutes (Tours, Loches, Amboise, Châtellerault). D’après la CCI de l’Aube, ces derniers dépenseraient alors l’équivalent de 20 millions d’€ à Sorigny. Autant d’argent en moins les commerçants tourangeaux ? Pas si simple selon Didier Moret : « le budget des ménages n’est pas extensible mais la répartition de leurs dépenses peut évoluer. » Autrement dit : les Tourangelles et Tourangeaux pourraient décider d’augmenter leur budget vêtements, chaussures ou équipement de la maison avec l’ouverture du Village des Marques, tout en continuant à consommer ailleurs (s’ils ne dépensent pas tout à Sorigny…).

Quelques risques de fermetures de commerces

L’expert ajoute qu’il faut aussi prendre en compte les dépenses des visiteurs extérieurs au Village des Marques qui prolongeront leur séjour en Touraine : « 18% passent au moins une nuitée sur place, même s’ils ne vont pas tous à l’hôtel ». Leur budget plein d’essence-boulangerie-pharmacies-etc… est estimé à près de 3 millions d’euros.

Dernier critère important : l’emploi. La CCI de l’Aube estime que près de 600 postes (pas forcément à temps plein) pourraient être créés avec l’ouverture d’un Village des Marques à Sorigny et que, dans le même temps, 150 autres emplois seraient « fragilisés » dans les environs. « A Troyes, on a observé une quinzaine de fermetures liées aux magasins d’usine mais c’étaient des commerces déjà fragilisés » assure Didier Moret qui ne note pas de hausse de magasins vides dans les villes françaises ayant ce type de centre commercial outlet.

Le Loire Valley Market pourrait donc accélérer la chute de boutiques mal en point, en particulier les petites structures (la fréquentation des commerces indépendants chute de 6% dans le département quand celle des grosses enseignes progresse) : « cela va être à nous d’aider les commerçants à réfléchir pour faire évoluer leurs pratiques », souligne Philippe Roussy de la CCI Touraine. Et ce même sans Village des Marques car « avec Internet on est en train de vivre un virage commercial » ajoute le président de l’institution économique. D’ailleurs, d’après lui, si le projet de Sorigny tombe à l’eau, « il atterrira ailleurs. »

Manifestation à la fin du mois à Tours

En conclusion : si l’on ne parle que d’économie, l’arrivée du Loire Valley Market pourrait donner un coup de boost à la Touraine en étant complémentaire de l’offre actuelle, « car si c’est juste un nouveau centre commercial sans l’attrait des marques à prix cassés c’est pire que tout » souligne Didier Moret qui espère bien que le promoteur vise ce type de boutiques et pas autre chose (sinon ça fausse tout son raisonnement).

Dont acte. Mais est-ce que la majorité des habitant(e)s de ce département souhaitent avoir ce type de commerce à proximité de leur domicile ? Les élus sont-ils massivement prêts à faire ce pari ? C’est vrai, les grandes marques restent populaires. Mais on constate aussi un regain d’intérêt pour les petits commerces, les créations locales, les petites enseignes… voire la déconsommation (arrêter d’acheter toujours plus).

Faut-il continuer à développer un modèle qui existe depuis quelques décennies ou encourager l’émergence de nouveaux modes de consommation ? Voilà le débat qui reste à trancher. D’ailleurs, une manifestation contre ce chantier est toujours prévue le 29 octobre au matin Place Jean Jaurès, à Tours. « J’espère qu’il ne se fera pas mais, si jamais, il faudra trouver des passerelles pour soutenir les commerçants », demande Valérie Noulin, co-présidente des Vitrines de Tours, « les commerçants n’auront pas le temps d’attendre que l’effet de mode retombe et que les curieux partis au Village des Marques reviennent dans les boutiques. »

Olivier Collet

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