« L’école est le point noir de notre système social »

A l’occasion de la publication du rapport de l’Observatoire des Inégalités (basé à Tours), discussion avec l’un de ses auteurs : le directeur de l’association Louis Maurin. Il espère que son travail interpellera les élus.

Pouvez-nous expliquer comment vous avez conçu ce rapport ?

C’est deux mois de travail avec les salariés et les bénévoles pour trier une série d’études et les mettre en forme. Nous n’avons pas les moyens de faire de la recherche mais nous sélectionnons les données les plus pertinentes pour évoquer l’évolution des inégalités. Ca ne veut pas dire que ce sont juste celles qui montrent un accroissement des inégalités. Quand il y en a qui se réduisent comme pour les nouvelles technologies on le dit aussi.

D’un point de vue global, quelle est la conclusion que vous tirez de cette analyse ?

Elle n’est pas récente mais il faut mettre l’accent dessus : il y a, depuis quelques années, un décrochage inquiétant des populations dîtes ouvrières (employés et ouvriers, surtout les non qualifiés). On est dans un système où les plus aisés s’enrichissent et les plus pauvres s’appauvrissent. Le pouvoir d’achat ne stagne pas pour tout le monde, il augmente ainsi pour les 30% de la population les plus aisés mais diminue pour les 30% les moins riches. Et au milieu il stagne pour les classes moyennes.

En vous lisant c’est très clair : ces dernières années, une partie de la population a subi une baisse de ses revenus…

Il y a un appauvrissement historique que l’on a pas connu depuis les années 30 mais ce n’est pas un effondrement et ça c’est grâce à notre modèle social, ces allocations que l’on critique si souvent. Elles évitent que des dizaines de milliers de familles se retrouvent à la rue.

« Les politiques de baisses d’impôts accroissent les inégalités »

Ces inégalités sociales qui se creusent sont-elles liées à la crise de 2008 ou pas seulement ?

On a une accentuation de la situation à partir de la fin des années 2000 avec la croissance lente, la crise et la baisse des créations d’emplois qui sont venues s’ajouter au contexte de chômage fort que l’on connait depuis les années 80-90. Tout cela n’a de plus pas été arrangé par la politique fiscale puisque jusqu’en 2011 on continue les politiques de baisses d’impôts qui accroissent les inégalités. Le système d’imposition en lui-même réduit les inégalités mais plus on le réduit, plus on entraîne des inégalités en améliorant le pouvoir d’achat des plus aisés tandis que celui des plus pauvres se réduit.

Vous relevez aussi dans votre rapport qu’une domination masculine persiste…

Les hommes restent les plus favorisés dans notre société et on a parfois tendance à l’oublier. Mais pour le coup, c’est un domaine dans lequel on signale des améliorations notamment pour l’emploi même si les progrès sont lents (postes à responsabilités, tâches domestiques… les écarts restent grands). Maintenant, on dit aussi que sur certains points il y a un avantage aux femmes : l’espérance de vie, les conditions de travail…

Vous relevez que les inégalités sociales se forment parfois dès l’école…

L’école ne renforce pas les inégalités mais ne réduit pas les écarts, elle ne fait pas assez pour cela car elle est très académique et formaliste. L’évaluation est très fréquente et rend les élèves anxieux, ils ont très peur de mal faire et c’est le point noir de notre système social.

« Notre modèle social est un des meilleurs au monde mais il peut s’améliorer »

Vous le précisez aussi, certaines inégalités régressent…

Il faut montrer ce qui ne marche pas bien mais aussi ce qui marche bien. Notamment pour les nouvelles technologies où les inégalités diminuent très fortement. Bien sûr on n’oublie pas les 30% de la population qui n’ont pas Internet mais toutes n’en ont pas besoin comme des personnes âgées. Au final, nous n’avons pas une vision catastrophiste et misérabiliste des inégalités : on a un beau système social, un des meilleurs au monde mais il est en difficulté et peut s’améliorer. C’est ce que l’on essaie de dire.

Quels mécanismes pourraient faire baisser les inégalités ? Et surtout y’a-t-il une envie de les faire baisser ?

A mon sens, la situation de l’école est essentielle. Si on veut transformer les choses dans l’avenir, il faut la réformer en profondeur, changer les pratiques, même si cela prendra du temps : entre 10 et 20 ans. De la même façon, étant un pays extrêmement riche, on a les moyens de répondre à un grand nombre de besoins. La preuve : on va consacrer – via le pacte de responsabilité – 40 milliards d’euros par an pour des baisses de charges plutôt que de satisfaire des besoins sociaux… Après, est-ce qu’on le veut… ? Toutes les enquêtes montrent que dans notre pays nous sommes très sensibles à la lutte contre les inégalités. La question c’est plutôt : est-ce qu’il y a des valeurs politiques qui portent vraiment un projet de diminution des inégalités ? Je n’en suis pas sûr… Il y a aujourd’hui un tel décalage entre les politiques et les actes qu’il y a encore beaucoup de prise de conscience à avoir. Donc on espère que ce rapport servira à ça.

Propos recueillis par Olivier COLLET

Pour découvrir en détails ce rapport, une réunion est organisée ce jeudi 11 juin à 20h au Centre de Vie du Sanitas à Tours.

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