Cette remise organisée par le CRIA37 est l’occasion d’un focus sur l’illettrisme, un handicap surmontable à tout âge. Interview.
Pour la première fois, cette semaine a été déclarée « semaine de lutte contre l’illettrisme », c’était nécessaire ?
Claire Carré, directrice du Centre de Ressources pour le Développement des Compétences de Base en Indre-et-Loire : C’était nécessaire car l’illettrisme est habituellement un sujet tabou dont on va cette fois pouvoir parler positivement en expliquant qu’il est possible de continuer à apprendre à tout âge. 7% des 18-65 ans sont concernés par l’illettrisme, soit 23 à 24 000 personnes en Indre-et-Loire. C’est beaucoup surtout aujourd’hui, en 2014 et cela rend dépendant pour gérer son budget, sa santé ou ses enfants… Il faut aussi savoir que la moitié des illettrés travaillent. Ca peut toucher n’importe qui mais de l’autre côté on voit que, même à 50 ans, on peut faire des progrès extraordinaires.
Ce n’est pas une fatalité ?
Surtout pas. Les remèdes sont là. Au CRIA, notre mission est de tout mettre en œuvre sur le département d’Indre-et-Loire pour aider ces personnes à apprendre. Et nous avons des réussites. Nous voyons des gens changer physiquement et psychologiquement. Ils deviennent autonomes et vivent pleinement leur vie de citoyen, de parent ou de salarié. Ils remplissent leurs papiers, gèrent leurs agendas ou n’hésitent plus à accompagner des sorties scolaires. C’est une transformation, une renaissance comme ils disent.
Mais il faut oser franchir le cap et parler de ce problème pour le résoudre ?
C’est exact, mais c’est aussi vrai pour nous qui sommes lettrés. Nous devons oser aller vers ces personnes et leur dire « c’est vrai vous avez des difficultés mais vous n’êtes pas seuls et on va pouvoir réapprendre ensemble ce dont vous avez besoin ». Nous faisons par exemple un gros travail avec le Conseil Général pour que les bénéficiaires du RSA brisent plus facilement la glace sur cette question.
Parmi vos actions phares en cette rentrée au CRIA37 il y a donc la remise de 150 dictionnaires à la Maison d’Arrêt de Tours…
C’est un projet sur lequel nous travaillons depuis un an. Les détenus ont souvent besoin d’écrire : à leurs proches ou pour accéder à un atelier de la Maison d’Arrêt ou la cantine. Et certains renoncent à faire ces démarches parce qu’ils ont conscience de leurs nombreuses erreurs d’orthographe. Voilà pourquoi nous voulons mettre à disposition un dictionnaire illustré dans chaque cellule. C’est aussi un moyen de créer un temps positif pour passer à autre chose voire éviter la récidive. La campagne est d’ailleurs étendue dans de nombreuses maisons d’arrêt en France.
Propos recueillis par Olivier COLLET