Ce lundi 2 janvier, Patrice Latron va devenir le nouveau préfet d’Indre-et-Loire. Comme le veut la tradition, il déposera une gerbe au monument aux morts de la Place Anatole France puis il rencontrera la presse en préfecture. D’ordinaire, ce genre de protocole ne suscite pas de vif intérêt chez le grand public. Mais cette fois-ci, il risque d’en être autrement…
Déjà, il faut rappeler à quoi sert la préfecture. C’est l’antenne de l’Etat dans les départements. C’est notamment elle qui chapeaute les questions de sécurité, qui peut rappeler à l’ordre une commune qui vote un budget en déséquilibre, qui mène des actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est chargée de l’application de la politique d’hébergement d’urgence ou qui veille au respect des normes environnementales sur les projets locaux.
Et justement c’est là que ça devient intéressant : en poste depuis 2020, la prédécesseuse de Patrice Latron Marie Lajus a quitté ses fonctions parce qu’elle aurait bloqué un projet de création de centre de recherches près d’un château-hôtel de luxe à Reugny sous prétexte qu’il ne respectait pas l’une des dernières lois sur l’aménagement du territoire voté en 2020. Son obstination à respecter les textes aurait ulcéré des élus au point qu’il y a eu pression su le ministre de l’intérieur pour la remplacer. Un scénario qui apparait d’autant plus crédible quand on voit l’ex-préfète brandir comme un trophée un article de presse encadré à son sujet lors de son pot de départ.
Habituellement, les départs de préfets ou préfètes font juste l’objet de quelques lignes sobres dans les médias locaux : on dresse le bilan des 2-3 dernières années, on fait le portrait de la personne qui arrive et basta. Mais là, la presse nationale s’est emparée de l’affaire, une pétition de soutien à Marie Lajus a été lancée, des élus de poids se sont exprimés en sa faveur (au niveau local avec le maire de Tours Emmanuel Denis mais aussi au niveau national, plutôt dans les rangs de la gauche).
A ce sujet, lire notre analyse détaillée de l’affaire sur 37 degrés.
Ces derniers jours, la polémique s’est poursuivie. EELV37 a dénoncé « le limogeage » de la préfète tourangelle en dénonçant « le comportement d’élus locaux qui pratiquent une politique de lobbying pour ne pas faire appliquer les lois sur leurs territoires. » « La décision du ministre de l’Intérieur de démettre la préfète de ses fonctions est une illustration du clientélisme exercé au plus haut niveau de l’État » écrit-il également.
Le collectif Elues Locales 37 s’est aussi positionné, y voyant une illustration de la misogynie ambiante dans les hautes sphères de l’Etat : « Le sexisme en politique est toujours bien présent dans notre département. Comme l’a souligné en off une élue tourangelle, membre du réseau : « si Marie Lajus n’avait pas été une femme, certains élus auraient montré plus de respect envers ses décisions et arbitrages. » Et de s’interroger : « Comment encourager des femmes à s’engager dans la haute fonction publique si elles sont ainsi congédiées pour avoir fait le job ! Pour avoir appliqué la loi ! »
Le nouveau préfet Patrice Latron est donc attendu, et sera très observé. Deux principales questions : quelles relations tissera-t-il avec les élus ? Et quelle sera sa position sur le projet de Reugny ? Il pourra d’abord répondre qu’il lui faut un temps d’observation pour maîtriser le dossier… mais la parade ne tiendra pas longtemps.
Olivier Collet