Mineurs étrangers isolés : le discours choc du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire

Il fermera désormais son accueil dédié aux jeunes migrants en cas de trop forte affluence.

Depuis plusieurs mois, le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire s’inquiète publiquement de la hausse du nombre de mineurs étrangers non accompagnés (MNA) qui frappent à la porte de son service d’aide sociale à l’enfance (ASE). Légalement, l’institution est tenue de les prendre en charge en leur trouvant un hébergement, c’est dans ses compétences.

Sur l’année 2015, 209 dossiers avaient été étudiés pour 85 personnes effectivement reconnues mineures. En 2016, 269 mineurs non accompagnés ont demandé une aide à Tours, 79 l’ont obtenue. En 2017, il y a eu 553 démarches d’engagées pour 154 accueils effectifs et en 2018, déjà 319 requêtes en 4 mois (129 accordées), la plupart (70%) viennent de Guinée, de Côte d’Ivoire et du Mali.

Une enveloppe financière en forte hausse

Pour accorder ou non les requêtes, les services utilisent notamment un examen d’âge osseux pour évaluer l’âge des demandeurs. Un examen régulièrement critiqué par les associations mais aussi par le défenseur des droits, Jacques Toubon qui préconisait le mois dernier une évaluation proscrivant cet examen. Le défenseur des droits plaidait également pour une meilleure participation de l’Etat aux côtés des départements qui – il est vrai – sont confrontés à une hausse indéniable.

Le Champ Girault où sont situés les locaux de l’ASE

En Indre-et-Loire, en 4 mois depuis janvier, il y a déjà plus de démarches entreprises que sur l’ensemble de l’année 2015 ou qu’en 2016. D’ici décembre, le Conseil Départemental estime que 1 130 personnes se seront présentées dans ses bureaux et que 443 d’entre elles seront effectivement reconnues comme mineures, donc qu’elles bénéficieront d’un accompagnement de la collectivité.

Des personnels débordés

Cette prise en charge a un coût pour le département : 1,5 million d’euros en 2015, 3,8 millions en 2016, 11,9 millions en 2017 et peut-être 15 voire 20 millions en 2018 d’après les projections présentées ce vendredi devant les élus réunis dans l’hémicycle de l’institution. Elle pose aussi des problèmes logistiques, les structures manquant pour mettre ces enfants et adolescents à l’abri (certains se retrouvent en Maison de l’Enfance selon le département, alors que ce n’est pas leur mission première).

Après avoir interpellé le 1er ministre Édouard Philippe dans une longue lettre envoyée début février (que vous pouvez lire en cliquant ici), le président Jean-Gérard Paumier est passé des mots aux actes. Ce 20 avril il a annoncé ce qui est présenté comme « une mesure sans précédent » : « mercredi nous avons dû fermer l’accueil des mineurs non accompagnés avant la fermeture des bureaux », laissant 4 jeunes sans solution, orientés vers la préfecture, et finalement pris en charge par des associations qui ont ouvert un squat à Ste Radegonde (notre article sur le sujet est accessible ici).

Jean-Gérard Paumier

Le département prévient : ce scénario de fermeture anticipée sera amené à se répéter chaque fois que le nombre de dossiers que l’équipe peut instruire par jour sera atteint (celui-ci n’étant pas précisé), l’idée étant que les fonctionnaires puissent poursuivre leurs autres tâches comme la mise à l’abri de mineurs suite à des décisions de justice.

A écouter l’élu Les Républicains, la décision est légitime : « l’équipe de 7 personnes qui accueille au Champ Girault les MNA qui se présentent pour évaluation est à saturation compte tenu de la charge de travail : une évaluation nécessite près de 3 heures pour un seul MNA ; c’est pourquoi l’équipe est parfois à la limite de faire jouer son droit de retrait face à des situations d’agressivité pénibles et inacceptables » (des associations ont aussi dénoncé des discours agressifs de la part des agents).

Pas de réaction de l’Etat

Jean-Gérard Paumier explique encore que l’Indre-et-Loire est rendue « à un point de quasi rupture, qui pénalise par voie de conséquence nos capacités d’accueil et de placement à l’Aide Sociale à l’Enfance pour des jeunes du département sur décision de l’autorité judiciaire. »

Le questionnement est légitime mais l’élu le présente de manière maladroite en allant jusqu’à comparer le montant de la prise en charge de ces mineurs étrangers à d’autres projets portés par sa collectivité : « 11,9 millions d’€ en 2017 cela correspond pour les tourangeaux au coût de rénovation d’un collège (comme Neuillé-Pont-Pierre), à l’aide annuelle allouée aux communes, intercommunalités pour leur investissement et enfin, à 11 points d’impôts », un argumentaire prononcé alors qu’il écrivait lui-même au premier ministre « que l’on ne saurait réduire le dossier des MNA à de seules considérations financières ».

L’élu à la tête du département depuis 2015 se veut donc volontairement cash et alarmiste, estimant que l’État ne remplit pas assez son rôle dans ce dossier (171 000€ remboursés l’an dernier en soutien à la politique d’accueil) et que par conséquent qu’il condamne sans réagir la stabilité des finances du département (sollicitée ce vendredi matin, la préfète n’a pas souhaité réagir dans l’immédiat). Jean-Gérard Paumier va même jusqu’à prendre Châteaubriand à témoin en citant cette phrase : « Inutile Cassandre, j’ai assez fatigué le trône de mes avertissements dédaignés ; il ne me reste plus qu’à m’asseoir sur les débris d’un naufrage que j’ai tant de fois prédit ». Est-il vraiment nécessaire d’aller aussi loin ?

Olivier Collet et Mathieu Giua

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