Nous avons demandé aux représentantes des listes PS-PRG et UDI-LR de juger les idées de l’extrême droite.
Stoppée plusieurs jours suite aux attentats de Paris, la campagne des élections régionales dont le 1er tour a lieu ce dimanche 6 décembre en Centre-Val de Loire a été courte et n’a pas vraiment permis de mettre en valeur les idées des candidats. Qui plus est, avec le débat sécuritaire relancé depuis deux bonnes semaines, elle semble profiter au Front National selon le dernier sondage BVA qui le place devant le Parti Socialiste au second tour en Centre-Val de Loire. Et ce alors même que le parti de Marine Le Pen ne fait pas campagne sur un programme local mais national. Cependant, nous avons voulu soumettre ses idées à ses adversaires potentiels du 13 décembre en cas de triangulaire PS-LR-FN. Un tract frontiste remis sur un marché de Tours nous a facilité la tâche. On y trouve dix grandes idées, dix grands principes censés représenter la pensée du FN pour gouverner la région. Cathy Munsch-Macé (N°2 de la liste PS-PRG en Indre-et-Loire) et Christine Fauquet (N°3 de la liste UDI-LR en Touraine) nous disent si elles les approuvent et les commentent…
FN : « Nous nous opposerons à l’accueil des migrants dans notre région »
Christine Fauquet : Pour moi l’accueil des réfugiés politiques fait partie des droits de l’homme. Après, le problème des migrants et d’une façon générale des déplacements de populations relève de l’Union Européenne. Ce n’est pas une compétence de la région.
Cathy Munsch-Macé : Nous avons un devoir de solidarité fort face à des situations humaines dramatiques. Je pense que les flux de migrants annoncés par le FN sont très loin de la réalité et à l’échelle de nos territoires nous avons la possibilité d’offrir cette hospitalité.
FN : « Nous stopperons les subventions aux associations communautaires »
Cathy Munsch-Macé : Ils surfent sur la peur. Il ne s’agit pas de subventionner des associations communautaires mais de soutenir des associations inscrites dans la promotion de la culture, de l’art, de l’accès à la citoyenneté.
Christine Fauquet : Il faudra étudier le profil des associations. Si une association se revendique d’un courant religieux, évidemment nous ne la subventionnerons pas. Mais si c’est par exemple une association de femmes turques qui veut promouvoir l’alphabétisation dans un quartier bien sûr que l’on poursuivra un tel financement. Le supprimer serait idiot.
FN : « Nous restaurerons la sécurité dans les lycées, les établissements d’enseignement supérieur et les transports publics régionaux »
Christine Fauquet : Ce qu’il faut c’est mettre en place des mesures pour éviter les attroupements devant les lycées ce qui peut poser des problèmes de sécurité. De plus avoir une caméra de surveillance devant un lycée ne me choque pas si elle ne filme pas l’intérieur de l’établissement. Cela dit, la sécurité n’étant pas une compétence de la région, et il faut donc organiser une concertation avec l’Etat t les chefs d’établissements.
Cathy Munsch-Macé : Il faudrait établir que cette sécurité n’existe pas ce dont je ne suis pas convaincue. J’ai travaillé pendant 15 ans à la Protection Judiciaire de la Jeunesse et je sais que l’on a la chance de vivre dans des territoires qui ne subissent pas de délinquance grave ou croissante. Le meilleur moyen c’est l’humain en garantissant les postes dans les établissements.
FN : « Nous destinerons les aides régionales en priorité aux PME / PMI et artisans »
Cathy Munsch-Macé : C’est déjà largement le cas. Dans notre bilan on prouve que les aides à l’innovation industrielle et au développement économique c’est surtout pour les PME – plus de 7 000 – avec des contreparties sociales et environnementales. Pour la suite, il s’agit de doubler les aides à l’innovation dans l’industrie. Il faut aussi soutenir les sociétés qui exportent car le Centre-Val de Loire est une région dont la balance commerciale est positive.
Christine Fauquet : Le tissu économique français est constitué en priorité de PME et d’artisans donc bien évidemment on les soutiendra. Avec des phrases comme celles-ci, le FN entretient la peur des groupes étrangers. Mais les grosses entreprises dont la main d’œuvre est importante ont aussi besoin de soutien. En Touraine, Plastivaloire emploie 5 000 personnes et c’est français. Nous prévoyons un fonds de relance de 500 millions d’euros pour relancer la machine économique et notamment le bâtiment qui souffre le plus.
FN : « Nous mettrons fin au financement des entreprises qui délocalisent ou emploient des travailleurs détachés »
Christine Fauquet : Ce n’est pas le sujet et cela va à l’encontre des directives européennes. Ca parait évident qu’on préfère que les entreprises emploient des personnes de la région. Pour l’encourager, il faut plutôt baisser les charges sur les petits salaires. Et là il n’y aura plus besoin de délocalisation.
Cathy Munsch-Macé : Évidemment nous ne sommes pas favorables à l’emploi de travailleurs détachés. C’est un vrai sujet : il faut une vigilance pour les entreprises locales puissent répondre aux appels à projets. Il faut allier un développement économique performant et ambitieux.
FN : « Nous favoriserons l’accès aux marchés publics aux entreprises locales »
Cathy Muinsch-Macé : Pour favoriser cela, il faut travailler sur les processus. La région vient souvent en aide aux collectivités pour leurs projets. Elle doit avoir son mot à dire sur le critère de choix des entreprises. Il faut aussi que la région accompagne les entreprises pour qu’elles puissent plus facilement répondre aux marchés publics. La création d’un guichet unique – également proposée par la droite – c’est la clef de demain.
Christine Fauquet : On ne peut pas prévoir de clause spécifique sur ce sujet à cause des directives européennes en revanche on peut inclure des conditions sur l’empreinte carbone ou des clauses d’insertion. Il faut aussi être vigilants sur la sous-traitance. Nous avons rencontré beaucoup d’entreprises et on voit bien qu’elles ont du mal, que certaines n’osent même plus déposer de dossier. Mais le problème c’est aussi que des candidats proposent des budgets 30% moins chers qui finissent par coûter autant que les autres à cause des avenants. Il faut mettre fin à ce système.
FN : « Nous ferons le choix des circuits courts chaque fois que cela sera possible »
Christine Fauquet : On l’a annoncé clairement nous aussi : il faut 50% de produits de la région au menu des cantines des lycées via des partenariats avec les agriculteurs locaux.
Cathy Munsch-Macé : C’est un axe important déjà développé dans le cadre de la restauration scolaire. Il faut poursuivre sur cette voie, engager des aides pour les agriculteurs locaux. Mais il ne faut pas non plus vivre en complète autarcie, et promouvoir les produits de saison.
FN : « Nous soutiendrons les services publics de proximité »
Cathy Munsch-Macé : C’est un sujet central dans notre région qui n’a pas de grande métropole. Et c’est un problème qui ne se pose pas que dans le monde rural mais aussi en milieu urbain. Nous proposons d’arriver à ouvrir 100 maisons de santé d’ici la fin du mandat (il y en a aujourd’hui 58). On peut aussi promouvoir la télémédecine. Pour les transports, notre engagement c’est les transports scolaires gratuits. Il faut également poser nos exigences avec la SNCF : sur la ponctualité, la composition des trains ou la présence des agents en gare.
Christine Fauquet : Il faut encourager l’ouverture de relais postaux dans les commerces de proximité que la région peut aider via ses aides aux communautés de communes. Dans ma commune de Saint-Règle, il n’y a pas de boulangerie mais un distributeur de pain. Si une AMAP me demande un local pour distribuer des paniers, je lui trouverais. Pour les transports, il y a un vrai souci sur la ponctualité. On peut toujours menacer de payer moins si la SNCF ne respecte pas ses engagements. Il faudrait aussi renégocier le dernier contrat signé avec elle car sur certaines lignes le cadencement n’est pas bon comme pour Amboise.
FN : « Nous consacrerons au développement agricole et à la ruralité une grande partie des sommes englouties aujourd’hui dans la politique de la ville »
Christine Fauquet : Je pense qu’il y a d’autres crédits à débloquer pour cela. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour rhabiller Paul. A travers les Contrats de Pays, la région doit revenir à une politique de soutien pour les villages en aidant les communes à entretenir leur patrimoine immobilier. Il faut porter des projets qui viennent du territoire au lieu de leur demander de suivre nos politiques.
Cathy Munsch-Macé : Les crédits alloués à la politique de la ville ont des origines bien précis. Notre objectif c’est de poursuivre l’aide à l’installation et à l’équipement des exploitations ou des élevages. Il faudra aussi que l’on travaille à simplifier les circuits…
FN : « Nous réduirons le train de vie du conseil régional »
Cathy Munsch-Macé : Dans l’organisation d’un service public il y a toujours un savent équilibre à trouver dans les dépenses de fonctionnement. La qualité de service doit être maintenue sans raboter les champs de compétences. Mais ce sont déjà des sujets qui ont été travaillés dans le mandat sur les finances et le personnel.
Christine Fauquet : C’est d’un démagogique ! Un élu régional de base gagne 1480 nets par mois, c’est mon cas. Dans les cabinets, c’est 5 à 6 000€. Là on réduira si on le peut. On pourra ne pas renouveler des postes de contractuels mais on ne pourra rien faire si ce sont des fonctionnaires. On pourrait aussi économiser sur la communication mais attention là aussi car elle peut être utile pour valoriser le tourisme ou les clubs sportifs.
En conclusion, avec son programme, le Front National se contente d’enfoncer des portes ouvertes ou de faire ressortir ses thèses sur la peur de l’étranger : « les gens veulent de la proximité et voient dans le FN une valorisation des territoires. Sauf que le discours du parti est national et porté par des gens que l’on ne connait pas » analyse Christine Fauquet pour l’UDI. Conseillère régionale sortante, elle a pu voir les actuels élus frontistes à l’œuvre à Orléans : « on ne les a presque pas vu à la commission culture et ils ont systématiquement voté contre tous les voyages à l’étranger, y compris ceux des lycéens. Des voyages en Europe pourtant ! » « Ce bon score qu’on leur prédit nous faire réfléchir. Mais leur programme est creux et démagogique. Ils se moquent des habitants de la région en ne parlant pas de ses atouts. Ce sont juste de grandes affirmations destinées à faire peur » conclut pour sa part Cathy Munsch-Macé au nom du PS.
Olivier COLLET
