« Politiques, médias et justice n’ont rien appris du décès de Jean Germain »

L’ancien adjoint au maire de Tours Alain Dayan signe, avec le journaliste Arnaud Roy, un livre qui revient sur la vie de Jean Germain. Son ascension, et sa chute. Ses succès et sa solitude. Ses coups de génie et ses erreurs.

Enquête sur un suicide politique, Jean Germain, maire de Tours : voici le titre du livre qui parait ce jeudi aux éditions du Cherche Midi. Cosigné par l’un des plus proches de l’ancien maire de Tours mort le 7 avril dernier (Alain Dayan) et le journaliste politique tourangeau Arnaud Roy il analyse la vie de l’élu socialiste dans les moindres détails afin de comprendre comment celui qui a été l’un des hommes les plus puissants de France a pu commettre l’irréparable le jour de l’ouverture de son procès dans l’affaire des mariages chinois.

C’est par la lettre de Jean Germain dévoilée par la presse après son décès que débute l’ouvrage. On relit donc ces mots glaçants, où celui qui a dirigé la capitale d’Indre-et-Loire pendant 19 ans dénonce une injustice. Il s’y dévoile fragile, blessé, humilié. Et pourtant c’était un grand homme Jean Germain. La longue biographie qui lui est consacrée détaille ses ambitions mesurées mais bien réelles, son enfance à Bourgueil, son goût pour les fruits de mer et le vin rouge, son dégoût pour l’injustice dès son entrée dans le secondaire, son côté mitterrandien dès les années 70, bien avant l’entrée à l’Elysée de son mentor, son entrée dans la franc-maçonnerie (mais aussi son échec quand il a voulu y accéder pour la première fois), son premier succès politique féministe quand il a réussi à faire entrer Arlette Bosch au conseil général, la façon humble dont il se comportait avec ses amis comme ses ennemis… « J’avais envie de dire quel homme j’ai connu », raconte Alain Dayan, « il ne se mettait pas en avant et c’est dommage. »

Un complice du corbeau parle

Quand on lit tout ça, on découvre en effet le portrait d’un homme qui avait a priori toutes les armes pour réussir mais qui avait sans doute les défauts de ses qualités. Il n’était pas assez méfiant et scrupuleux, faisait trop facilement confiance dans un monde politique empli de brutes, ne croyait pas pouvoir se faire trahir. C’est pourtant bien ce qui est arrivé quand l’affaire des mariages chinois a éclaté dans la presse en août 2011 et jusqu’à la révélation d’une prétendue liaison avec son ancienne collaboratrice Lise Han.

Ce n’est pas la police qui est venue enquêter sur ces noces d’apparât proposées à des couples chinois dans l’Hôtel de Ville afin de les inciter à venir visiter notre Touraine. Non, c’est un corbeau qui s’en est chargé. Un homme – ou une femme – qui a minutieusement préparé son coup, jusqu’à demander à un tiers de contacter la mairie à sa place pour récupérer des documents compromettants. « Est-ce que tout cela valait la mort d’un homme ? » se demandent les auteurs. Un homme qui n’a pas supporté de voir son intimité dévoilée au grand jour, son honneur mis en pièces et sa culpabilité presque acquise alors qu’il n’avait même pas eu l’occasion de se défendre devant la cour.

Le livre d’Alain Dayan et d’Arnaud Roy se base sur des faits réels mais accuse. Il ravive des plaies qui n’ont jamais vraiment cicatrisé depuis six mois. Et ce à quelques jours de l’ouverture du procès devant le tribunal correctionnel de Tours (même si l’ouvrage devait à l’origine sortir le 11 septembre, pour l’anniversaire de Jean Germain). Outre un vif débat sur le comportement des médias envers Jean Germain et la politique en général, le texte est très sévère envers l’institution judiciaire. On y apprend ainsi que l’un des prévenus du dossier des mariages chinois est le compagnon d’un magistrat du tribunal de Tours. Dans ce contexte, et vu l’émotion suscitée dans la ville par ce dossier, le journaliste se demande – sans obtenir de réponse satisfaisante – pourquoi ce n’est pas une autre juridiction qui a repris l’affaire.

L’extrême gauche tourangelle attaque un des auteurs

On part aussi sur les traces du corbeau et on découvre l’existence de son complice. Un homme qui parle et qui, texto, ne regrette pas, affirme ne pas être gêné par la délation et assume sa démarche et son « engagement pour un camarade de Tours. » Camarade. Le mot est lâché. On comprend donc que c’est de l’extrême gauche qu’est venue la boule puante. Le corbeau ayant semble-t-il été jusqu’à renseigner la droite sur les affaires de Jean Germain quand elle était encore dans l’opposition. Et avant même la sortie du livre, l’extrême gauche tourangelle s’est doutée qu’elle y serait sur le banc des accusés. La preuve est la réception surprenante ce mardi d’un mail de Claude Bourdin du collectif C’est au Tour(s) du Peuple. Il y accuse clairement Alain Dayan de l’avoir appelé en usurpant l’identitié d’un journaliste parisien. Et d’avoir récidivé avec d’autres individus.

« J’ai l’habitude que certaines personnes commencent à réagir de manière un peu étonnante » commente Alain Dayan ce mercredi. L’ancien élu s’attendait à des attaques en sortant ce texte, d’où sa volonté de s’associer avec un journaliste pour éviter des accusations trop violentes. « Claude Bourdin n’est pas cité une seule fois dans le livre (mais il est fait clairement allusion à lui, ndlr) et je suis surpris qu’il se permette d’envoyer un mail sans avoir lu le livre, en ayant visiblement des suppositions et des impressions. Ca me rappelle les méthodes du corbeau. Je trouve ça très maladroit, ça sonne vraiment comme un aveu. Il veut décridibiliser le bouquin. »

Alors que ce qu’Alain Dayan essaie de faire avec cette enquête de plus de 200 pages, c’est expliquer et comprendre sans nécessairement vouloir régler de comptes. « J’espère que ce livre fera naître un vrai débat de fond. La mort de Jean Germain, on en a parlé trois jours et après plus rien… Qu’est-ce que cette époque a de si particulier pour amener des choses comme ça ? » A la base appelé à témoigner à la barre en avril, Alain Dayan hésite aujourd’hui à se rendre au tribunal pour assister au procès sur lequel plânera inévitablement le fantôme de Jean Germain et, selon lui, l’ombre de l’injustice.

 

Photo : Jean Germain en octobre 2014, par James TECHER.

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