« 120 Battements par Minute », prodige de cinéma militant

Le film autour de la naissance d’Act Up est aussi une splendide histoire d’amour. Il a été financé par la région.

120 Battements par Minute fait partie de ces films qui ne cherchent pas à vous impressionner mais qui savent viser juste. Grand Prix du dernier festival de Cannes, largement soutenu par la région Centre-Val de Loire (et en partie tourné à Orléans), le long-métrage de Robin Campillo était présenté aux cinémas Studio de Tours ce lundi soir, en lien avec le festival Désir Désirs. L’événement a attiré suffisamment de spectateurs pour remplir deux salles, et d’autres n’ont pas pu rentrer. De quoi laisser penser que ce film, dont on a déjà beaucoup entendu parler, va faire date et restera comme l’un des actes cinématographiques les plus forts de cette année 2017.

120 Battements par Minute revient sur les débuts de l’association Act Up, à la fin des années 80, en pleine épidémie du sida. Ses militants, hétéros, gays, bi, trans… se battent pour plus de prévention, de meilleurs traitements. On découvre les coulisses de leurs actions, leurs débats enflammés, leurs doutes, leurs tentatives de pressions face aux lobbys pharmaceutiques, leurs échecs aussi, face au pouvoir autoritaire ou face à ce virus qui – à l’époque – gagne encore trop souvent la bataille.

Dans la première partie du film, Robin Campillo documente grandement la cuisine interne d’Act Up. Avec un groupe d’acteurs tous plus convaincants les uns que les autres, il imprime un rythme qui immerge immédiatement le spectateur dans l’amphithéâtre avec les bénévoles. Et puis, doucement, on glisse vers la contemplation de la relation entre Sean et Nathan. L’un est atteint par le VIH, l’autre a réussi à passer au travers mais le virus a en partie gâché sa vie.

Ce qui est formidable avec 120 Battements par Minute, c’est la faculté de ce film à vous capter à chaque instant, à ne jamais lâcher son spectateur malgré des scènes particulièrement longues et en huis clos. L’une des plus mémorables, puissante à plus d’un titre, montre les deux amants au lit en train de faire l’amour et de se confier leurs secrets les plus profonds. Un sommet d’intimité présenté ici avec une proximité bluffante, une justesse exemplaire. En fait, Robin Campillo est capable de rendre des scènes tristes terriblement belles et romantiques, des scènes tragiques presque comiques. Il joue avec les émotions, navigue avec les sens et les sentiments.

120 Battements par Minute est autant un film militant qu’une belle histoire d’amour. C’est un documentaire et une tragédie. Un document historique et un long métrage qui casse tous les clichés sans jamais en faire trop, sans jamais sombrer dans le pathos.

Le réalisateur connait on ne peut mieux son sujet : Act Up, il y était dès 1992. « J’ai essayé de mettre cette période au présent. J’ai été chercher de jeunes acteurs, la plupart gays, et je les ai replongés dans cette période de l’épidémie du sida. C’était la meilleure manière de faire revivre les amis qui étaient morts. Je suis parti de mes souvenirs d’autant que j’avais une mémoire très précise de ce qui c’était passé. A cette époque, on avait le sentiment d’être désignés comme ceux qui allaient mourir massivement et en même temps il n’y avait aucune campagne en notre direction, en direction des gays. On a donc vécu l’épidémie chacun de notre côté, dans une sorte de solitude. Mais dans Act Up ça a été un mouvement fort et joyeux » confiait-t-il ce lundi à Tours.

L’action de 120 Battements par Minute se passe il y a près de 30 ans. Mais on a parfois l’impression que les scènes sont issues du monde d’aujourd’hui. « Je n’ai pas pensé au côté préventif du film mais je savais que ça allait relancer un débat qui est un peu au point mort au niveau de la prévention. Les acteurs avec qui j’ai travaillé n’ont pas le même rapport au sida que ma génération. Ils en ont moins peur aujourd’hui. Pour moi le préservatif était une délivrance. On a du mal à comprendre pourquoi c’est un problème aujourd’hui. J’espère donc qu’on va relancer le débat. On est dans un second souffle de la prévention qui ne doit pas s’appuyer que sur le préservatif mais aussi sur les avancées des traitements qui permettent à beaucoup de personnes de ne plus être contaminantes. Il est important aussi d’insister sur le dépistage via des actions comme en font Aides dans des lieux où il y a du sexe comme les saunas » pointe Robin Campillo.

« Il y a un nouveau visage de la prévention à relancer. Il faut donner des moyens aux services hospitaliers. Mais je ne sens pas encore un grand élan du nouveau gouvernement pour l’instant. Et aux Etats-Unis avec Trump on est même dans une politique de régression. Il va pourtant falloir peser sur l’industrie pharmaceutique pour aider par exemple les pays où le sida est encore très présent comme en Afrique » s’alarme par ailleurs le réalisateur.

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