Vendredi, Tours et Orléans ont parlé de la même voix pour tenter d’obtenir un label qu’ils espèrent porteur d’emplois et de success stories.
Rendre la French Tech sexy pour l’internaute n’est pas la chose la plus simple du monde. Pourtant, la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire y arrive assez bien parlant par exemple de « nouvelle révolution industrielle » pour qualifier l’économie numérique. Des mots forts, qui rappellent les trente glorieuses quand la croissance était loin d’être en panne. Cette déclaration, elle l’a faite à Tours ce vendredi 12 juin lors de sa visite sur le site de l’ancienne imprimerie Mame qui doit devenir un gigantesque regroupement de sociétés spécialisées dans le web ou les applications mobiles. Un déplacement de 3h au cours duquel elle s’est clairement faite draguer par les élus locaux et les acteurs de l’économie 2.0 et les a – en retour – caressés dans le sens du poil, leur laissant la porte ouverte mais seulement entrebaillée. Ministre fatale.
Axelle Lemaire lors de sa visite de Mame à Tours.
En fait si la membre du gouvernement est venue chez-nous ce jour-là, c’est pour assister à une démonstration de force, un plan marketing rôdé depuis des semaines mais auquel elle n’a accepté de participer qu’au tout dernier moment, avant de rejoindre le président Hollande à Angers. Objectif de la manoeuvre pour les plus de 200 personnes présentes : obtenir d’elle un « oui » pour que Tours et Orléans puissent se définir comme villes membres de la French Tech Loire Valley, déclinaison locale d’une marque nationale destinée à faciliter le succès de l’économie numérique locale en lui donnant notamment accès aux marchés étrangers.
Un fonds de soutien de 20 millions d’€ pour les start-ups
Créée il y a quelques mois, la French Tech a déjà tissé sa toile dans 9 grandes agglomérations (à Paris ou Aix-Marseille). 14 autres veulent en faire partie parce qu’elle est promesse d’installations d’entreprises, de dispositifs d’accompagnement pour start-ups et de débouchés plus aisés en France et dans le monde. Le problème c’est qu’il n’y a pas de la place pour tous. Décerné pour 3 ans, le label French Tech ne va qu’aux plus méritants, ceux qui ont déjà un tissu économique local très développe autour du numérique, ceux qui promettent les meilleures aides aux entrepreneurs… D’où l’intérêt de sortir les muscles.
Leur dossier de candidature tout juste remis au ministère, Tours et Orléans ont donc voulu impressionner les membres du jury qui devra les départager avec leurs 13 autres concurrents (Strasbourg, Rouen, Metz…), sachant qu’il n’y aura sans doute que 3 ou 5 élus. Pour ça, il fallait montrer de l’enthousiasme. Mission réussie : entre le logo géant repésentant le château de Chambord imprimé sur le bitûme (ci-dessus), les pin’s et la visite d’un bâtiment aux dimensions impressionantes et sa promesse de restaurant avec vue sur la Loire au dernier étage, Axelle Lemaire a été servie et a écarquillé les yeux. Mais il fallait aussi montrer ce qu’il y avait derrière la vitrine. Notamment la volonté de deux villes qui se sont toujours tourné le dos de travailler enfin ensemble : Tours et Orléans. Chacune aura ses spécialités: à Tours, c’est surtout les entreprises axées sur le tourisme ou la santé que l’on trouvera, à Orléans l’agriculture, l’environnement ou les objets connectés.
Deuxième argument avancé pour promouvoir la French Tech Loire Valley : montrer qu’elle fonctionne déjà, même sans le label. Donc plusieurs chefs d’entreprises auréolés de succès ont raconté leurs aventures comme Julien Dargaisse, président de l’association Palo Altours et véritable couteau suisse : concepteur de site Internet et inventeur de l’application Interview App destinée à organiser des entretiens d’embauche virtuels.
Troisièmement, il fallait prouver que les éventuels créateurs de boîtes désireux de s’installer dans la French Tech Loire Valley y trouveront un soutien, notamment financier. Et là, Tours et Orléans ont proposé un dispositif « original », que la secrétaire d’Etat a reconnu n’avoir vu nulle part ailleurs : un fonds de financement destiné à lancer les projets. Géré par les deux agglomérations via un comité paritaire, il sera ouvert à toute la région Centre-Val de Loire et a pour objectif de lever 20 millions d’euros. « Aujourd’hui, on peut trouver facilement jusqu’à 50 000€ pour financer un projet mais ensuite, le succès condamne les entreprises qui ont du mal à trouver des fonds pour financer leur production » a détaillé Olivier Carré, 1er adjoint au maire d’Orléans qui porte le projet pour l’AgglO.
« La French Tech ne fera pas de miracles mais suscitera un déclic »
A l’issue de la démonstration, Axelle Lemaire s’est livrée à un débrief vant un projet avec « de l’enthousiasme, du dynamisme et de la passion. » Elle a notamment salué le projet commun Tours-Orléans : « où l’intérêt général a primé sur les querelles de clochers. La French Tech est déjà un succès dans le Val de Loire. La French Tech doit changer la perception de la France. C’est un levier d’innovation mais ce n’est pas un gadget : elle ne permettra pas des miracles mais va susciter un déclic. » Façon habile de prévenir que ce label n’est qu’un coup de pouce et qu’ensuite l’écosystème local ne devra pas se reposer sur ses lauriers. Ne serait-ce que pour ne pas perdre la distinction French Tech trois ans plus tard. Par ailleurs, la secrétaire d’Etat prévient : « la French Tech sert à renforcer les start-ups, pas les territoires. »
Thibaut Coulon, Olivier Carré et Valérie Sécheret à Orléans.
Cela dit, Tours et Orléans ont bien l’intention de se servir de cette éventuelle distinction pour se glorifier. Accueillir des emplois, c’est la priorité N°1 partout aujourd’hui. Et montrer que ça marche est gage de reconnaissance des électeurs. Sauf que ça demande de l’habileté pour rendre ce milieu très technique accessible à tous. Lors de la visite du Lab’O d’Orléans (l’équivalent de Mame chez nos voisins, un ancien laboratoire pharmaceutique de 15 000m² qui doit être rénové en un an pour accueillir les entreprises numériques) nous avons interrogé Thibaut Coulon (adjoint au mire de Tours chargé de l’emploi et du numérique) sur l’utilisation qu’il voulait faire de ce label French Tech si le Val de Loire l’obtenait. Et notamment s’il se déclinerait autour d’événements grand public. Il nous a dit que oui, qu’un projet alliant culture et numérique était en réflexion au delà de manifestations comme le Startup Week-end plutôt dédié aux entrepreneurs. Dès l’automne, un Hackathon sera aussi organisé pour que des développeurs tourangeaux aident des associations dans leurs projets. Une première en France destinée à favoriser l’intérêt général, pour que la French Tech ne soit pas juste réservée aux « geeks » de l’économie.
Olivier COLLET
Calendrier : Le dossier de candidature de Tours et Orléans pour la création d’une French Tech Loire Valley a été déposé le 3 juin. Il est en ce moment examiné par les services du gouvernement avec les 13 autres. Les métropoles retenues seront connues soit dès ce jeudi 18 juin lors de la présentation du grand plan numérique du gouvernement soit à la fin du mois.