Extension du Musée des Beaux-Arts de Tours : et si ça ne se faisait pas ?

Le maire en appelle à la ministre de la culture pour faire avancer le projet qui a subi plusieurs revers.

C’était (trop ?) beau. Au printemps la ville de Tours a annoncé qu’elle allait pouvoir bénéficier d’une donation de 1 200 oeuvres d’art de la part de Léon Cligman, riche industriel qui a de fortes attaches en Touraine. Et en plus, l’homme veut financer la construction d’une extension du musée des Beaux-Arts de Tours à 5 millions d’euros pour y exposer le fruit de sa collection. Un dossier qu’il espère voir avancer au plus vite : il est très âgé et aimerait le voir inauguré de son vivant. Enthousiasme quasi général à la révélation de ce legs et on commençait presque déjà à imaginer à quoi allait ressembler ce nouveau musée new look qualifié « d’écrin » par le maire.

Sauf que parmi toutes les personnes qui se sont projetées dans le futur, il y en a qui ont eu des visions d’horreur. Le site La Tribune de l’Art a dégainé en premier, suivi par un ancien directeur du musée ou encore l’association tourangelle Aquavit, souvent très critique sur les nouveaux projets de constructions à Tours (dont les hôtels du Haut de la Rue Nationale). Une fronde qui s’est d’abord faite discrète mais qui commence à prendre de l’ampleur, au point de menacer très clairement ce projet.

Car le gros souci du chantier, c’est qu’il se déroulerait dans le secteur sauvegardé de Tours, la partie historique du centre-ville. Et pas n’importe laquelle : à hauteur des vestiges gallo-romains. Des fouilles auront forcément lieu avant toute construction et elles pourraient notamment révéler des galeries. Encore plus concrètement, le futur bâtiment de 600m² avec son étage empiéterait sur l’actuel jardin à la française, particulièrement réputé et apprécié. Une architecture moderne à deux pas deu berceau de la ville ? Les arguments peuvent sembler convaincants, mais pas suffisament pour bloquer le projet au niveau local. Les deux commissions consultées à l’échelle de la Touraine ont validé le tout et donc autorisé les travaux malgré leur présence sur un site historique.

Jusqu’en septembre, tout se passait donc à peu près correctement pour la ville. Sauf que dans ce dossier, il faut aussi l’accord de la Commission Nationale des Secteurs Sauvegardés. Le maire Serge Babary s’y est rendu jeudi dernier avec son adjointe en charge du patrimoine Françoise Amiot et les services techniques. Si le maire affirme que pour l’instant il n’a pas reçu l’avis officiel prononcé à huis clos à l’issue de la réunion, on a appris ce lundi que celui-ci était… défavorable, et en plus à l’unanimité. Ce qui a poussé l’élu à réagir en conseil municipal.

Dans un premier temps, Serge Babary tient à insister sur le fait que c’est de l’Etat qu’est venue la proposition de construire cette aile au musée pour accueillir la donation de Léon Cligman, alors que c’est aussi de Paris que vient aujourd’hui l’épine entrée dans son pied : « les acteurs locaux ont bien perçu les enjeux mais on n’a pas eu la même appréciation au niveau national. » Notons qu’à Tours, les votes étaient favorables mais pas unanimes.

Du coup, Serge Babary s’en remet à Audrey Azoulay, la ministre de la culture, en espérant qu’elle tranchera en sa faveur… « j’attends la décision de la ministre et j’en tirerai les conséquences. Je regrette cette difficulté qui ne bloque pas le projet mais prouve qu’un certain nombre d’acteurs sont sur des logiques différentes. » Sauf que même si la ministre dit oui, il faudra encore franchir un obstacle du côté du ministère de l’environnement voire affronter des recours qui pourraient encore constituer bien des obstacles avant le début des travaux. Et en période pre-électorale, ce ne sera probablement pas la première urgence dans les bureaux parisiens…

La ville de Tours risque donc de devoir réfléchir à un plan B, ce à quoi elle a été invitée par l’élu socialiste Nicolas Gautreau : « il faut trouver un autre site pour la construction » a-t-il indiqué en conseil municipal. Réplique de Serge Babary qui était tout fier de profiter de ce don pour montrer que Tours était attractive mais rejette aujourd’hui la responsabilité à autrui (pour éviter de subir trop de reproches ?) : « cette extension on n’a pas décidé de la mettre là, c’est le ministère qui a pensé que c’était une bonne idée. 600m2 sur 150 hectares des secteur sauvegardé, on ne va pas défigurer la ville. » Et son adjoint Christophe Bouchet d’ajouter : « Le secteur sauvegardé ne doit pas être vitrifié, on peut y amener beaucoup de choses et il faut y réfléchir sérieusement. »

« Ces oppositions sont vexatoires pour le projet, la donation et ses capacités car c’est une opération très profitable pour la ville » a par ailleurs lancé le maire. A priori, oui. Pour peu que les oeuvres aient vraiment un grand intérêt. On nous parle d’une valeur de 20 millions d’euros. Sur les 1 200 tableaux, sculptures ou verreries, 600 sont déjà déclarées comme aptes à finir dans un musée, et une partie venant d’Amérique du Sud et d’Extrême Orient reste à analyser. Sans que l’on en sache plus sur le détail… Décidément, cette donation qui devait être simple est terriblement complexe.

Olivier COLLET

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