Tours, ville moteur d’une nouvelle démocratie

Analyse d’une détermination.

Souvenez-vous, c’était début mars. Oui, il y a déjà près de trois mois. C’était les premières manifestations contre la loi Travail et l’ampleur de la mobilisation avait été remarquée : à Tours, autour de 5 000 personnes, 7 000 disaient les organisateurs. Une dynamique était lancée, elle n’est jamais vraiment retombée : la semaine dernière encore, 3 à 5 000 personnes dans le centre-ville. C’est beaucoup, y compris comparé à des villes de taille supérieures. Un exemple à suivre ?

En tout cas, une mobilisation de cette ampleur sur la durée ne peut pas rester sans réponses, au sujet du texte qu’elle dénonce mais bien au-delà. Surtout quand on regarde qui manifeste : il y a des jeunes, des retraités, des salariés… Ce n’est pas seulement une frange de la population qui se soulève. Ce n’est pas uniquement des syndicalistes, des militants d’extrême gauche, ou des anarchistes. Ils sont là, mais ils ne sont pas seuls. D’ailleurs, dans sa globalité, le mouvement s’affirme apolitique. Les syndicats sont ainsi tolérés, mais ne doivent pas prendre toute la place.

Ce sont les étudiants qui mènent la danse. Avec leur fougue, leur fraîcheur, leur rage, leur détermination, leurs espoirs, leurs imperfections aussi. Ce ne sont pas des habitués du défilé, ils ont commis des impairs : non déclaration de rassemblements, occupation prolongée du domaine public, long blocage de la Fac, circulation d’un gros camion sur les rails du tram… Pas de quoi les faire bien voir de la préfecture et de la police. Il y a eu des tensions, des incidents. Il ne faut pas les ignorer … Mais que l’on regarde les choses objectivement : il n’y a pas eu de casse. Les manifestants tourangeaux sont avant tout restés des militants, des voix en quête d’un meilleur futur que ce que leur promet une société stéréotypée.

Ca ne les empêche pas de jouer avec les codes de 2016. Malgré leur grande méfiance (voir leur défiance) envers les médias, tous ont bien compris que pour continuer de rassembler et imprimer leur message, il fallait des actions coup de poing (blocage du tram, de la gare…), des images (actions au MEDEF ou au supermarché…). C’est forcément agaçant mais ça a évité à la mobilisation de s’enfermer dans une routine qui fait qu’au bout d’un moment, l’intérêt médiatique retombe. Et quoi qu’on en dise, un mouvement d’ampleur ne peut vraiment durer que si il existe dans les discussions publiques, donc dans les médias (quitte à ce que les manifestants créent leur propre canal, comme il l’ont bien fait avec Facebook et une page très vivante).

On peut déplorer ce type d’actions, mais on peut aussi le comprendre. Et puis, outre les images, les militants ont été aidés dans leur lutte par les rebondissements venus d’en haut, tout ce psychodrame national autour de la loi Travail : reculades, menaces de boycott de négociations, 49-3… Un jeu de pouvoir et d’influences qui discrédite une parole politique et patronale déjà bien peu écoutée. De quoi en motiver d’autres à marcher durablement.

Alors que retenir de ce mouvement ? Déjà que sa durée et sa vigueur doivent être respectées. Que l’on soit en accord ou pas avec la loi Travail. Parce qu’il a eu le mérite d’ouvrir vraiment un débat de fond sur une loi, pas une discussion de postures comme à l’époque de la Manif pour Tous. Au-delà d’un texte, on peut regretter que les Nuits Debout de Tours n’aient pas eu plus d’impact (une cinquantaine de personnes au maximum pour la dernière). Encore une fois, que l’on souscrive ou non aux idées défendues par ceux qui y participent (sur l’emploi, le logement, l’accueil des réfugiés…), ce qui importe c’est le fait même de débattre. L’écoute des idées. Ca fait du bien.

Avec les AG étudiantes contre la loi Travail ou Nuit Debout, la discussion avance, rebondit, elle est dynamique. Alors que le débat politique tourne en rond, revient dans le passé. Au contraire de ces citoyens engagés qui cherchent vraiment des solutions au présent. Peut-être qu’un jour les sacro-saintes statistiques leur démontreront que la loi Travail a été efficace, donc a créé de l’emploi sans fragiliser le modèle social français. Ou peut-être que non. Ou alors que les effets auront été minimes. Les options sont multiples et les conclusions définitives se feront tardivement, dans tous les cas.

Quoi qu’il arrive, et vraiment que l’on soit en accord ou pas avec les idées défendues, espérons que ce mouvement serve, amène des idées, des pistes de réflexions et de changements, du sang neuf dans le débat public. D’autant plus qu’aucun gouvernement ne peut diriger éternellement avec deux manifestations massives par semaine. S’ils ont su se mobiliser si fort aujourd’hui avec l’appui de la jeunesse, ils sauront le refaire demain. Un demain qui arrivera sans doute plus tôt que prévu par « les dirigeants ». Et ça, il faudrait l’intégrer maintenant. Car la présidentielle et les législatives c’est dans un an. Et la France n’a pas les moyens de repartir pour 5 ans de tensions sociales.

Olivier COLLET

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