Serge Babary : « on doit reconnaître que Tours ça bouge »

Interview au long cours avec le maire de Tours. Il annonce une amélioration des finances, veut plus de sculptures en ville, commente l’ambiance dans sa majorité et évoque l’affaire des mariages chinois.

Pour 2016, Serge Babary veut faire dans l’optimisme. Il y a deux ans, son élection ressemblait presque à un cadeau empoisonné avec les dettes de la commune, la mise en place des rythmes scolaires et l’immobilisme de la cité. Aujourd’hui, le maire affirme que le bout du tunnel est proche, notamment parce que le budget 2016 devrait être plus facile à boucler que prévu sans l’épée de Damoclès du swap toxique dont la ville devrait réussir à se débarrasser comme il nous l’a annoncé en avant-première. En plus de ça, l’effet St Martin semble produire les effets escomptés et des projets urbains d’ampleur sont en mesure de changer l’image de la ville. Reste que les Tourangeaux sont des électeurs exigeants. Que Serge Babary le veuille ou non, la défaite de la droite à Tours lors des dernières régionales est un avertissement. Il faudra donc faire preuve d’audace pour s’assurer leur sympathie envers une politique de droite dans la durée. Le maire affirme en être capable en s’inspirant notamment de l’étranger. Entretien.

En ce début 2016, Tours perd des habitants, Tours est une ville pauvre, Tours a du mal à faire rester les touristes, Tours manque encore de reconnaissance au niveau national, Tours attire assez peu de nouvelles entreprises… Et vous avez déjà épuisé près du tiers du temps de votre mandat sans parvenir à infléchir de manière substantielle toutes ces tendances. Monsieur le Maire, notre ville est-elle condamnée à jouer en deuxième division ?

Les chiffres de population datent de 2014 et on savait déjà à ce moment-là que la ville perdait des habitants. Le problème est maintenant de savoir si nous avons mis en œuvre des actions qui peuvent faire émerger Tours et lui redonner le rayonnement que l’on souhaite. L’objectif est de placer Tours dans la quinzaine d’agglomérations qui vont compter dans les prochaines décennies. On peut jouer sur des leviers comme les transports avec le tramway ou l’université en développant son accompagnement. Qu’on se le dise il y a encore des gens qui arrivent à Tours, notamment des retraités de la région parisienne qui font une sorte d’étude de marché et trouvent que cette ville à taille humaine correspond bien à leurs attentes. Ici c’est vraiment la province à une heure de Paris.

2016 est l’année de plusieurs événements auxquels vous croyez fort : les rencontres France-Japon, les assises du journalisme, les festivités autour de St Martin, l’ouverture du CCCOD, Concerts d’Automne… Ca va attirer du monde, voire du beau monde, mais on attend toujours le grand événement populaire et pérenne que vous aviez promis. Vous manquez d’idées ?

Il y a plein d’idées et ce n’est pas anormal de mettre un an et demi à préparer telle ou telle chose. D’autres ont mis vingt ans pour ne rien trouver donc nous ne sommes pas si mauvais. Il y a des week-ends où il y a dix événements à la fois et des gens partout. Si on est de bonne foi, on doit reconnaître que Tours ça bouge ! Parfois, il y en a presque trop. En septembre pour les Journées du Pätrimoine, avec le marathon de Tours (et peut-être le CCCOD cette année) ça regroupe 50 000 personnes. Vitiloire, la braderie ou Paris-Tours aussi ça remplit la ville. Et puis ces événements que vous citez ils ne sont pas venus tous seuls : les Assises franco-japonaises je suis allé les chercher à Takamatsu. Les Concerts d’Automne, ce n’est pas rien : personne ne s’était jamais soucié de faire travailler ensemble tous ces musiciens. C’est pour une certaine catégorie de personnes mais ce n’est pas élitiste. Pour le grand public, il y aura le Festival du Cirque créé par Tour(s)Plus. On va par ailleurs s’appuyer sur l’école des Beaux-Arts pour développer Matière et Mouvement, événement qui peut faire de Tours la cité de la sculpture comme c’était le cas à une certaine époque avant que de nombreux monuments ne soient détruits ou fondus pendant la guerre.

On va donc voir plus de sculptures dans l’espace public ?

On peut l’imaginer oui, ça fait partie de nos objectifs. Ce n’est pas normal qu’il n’y ait plus de statue digne de ce nom de Balzac dans sa ville de naissance par exemple.

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Où en est le chantier pour la rénovation de la Basilique St Martin ? Et son financement ? On en est à 230 000€ donnés via la plateforme ouverte sur Internet…

Oui, et presque autant de promesses de dons. En tout on approche des 400 000€. Le premier objectif que l’on avait inscrit dans le budget c’était 240 000€ et moi j’avais dit 300 000. On a mis en œuvre une approche des mécènes très élaborée avec des réunions chaque lundi ce qui me permet aussi d’avoir des contacts réguliers avec des chefs d’entreprises. Concernant les travaux, pour l’instant on est pile poil. Le travail préparatoire va bientôt débuter avec l’installation des échafaudages. La basilique sera ensuite recouverte d’une grande toile illustrée avec le logo de l’année martinienne. L’objectif est toujours de réinstaller la statue de St Martin sur son socle en novembre.

Malgré les difficultés financières de la ville, je crois que vous comptez faire en sorte de ne pas faire baisser les investissements en 2016 ?

Oui, on va maintenir l’investissement à environ 20 millions d’euros comme on l’a maintenu en 2015. En période de crise c’est impératif car c’est le boulot des entreprises. D’ailleurs les professionnels du bâtiment ont reconnu que nous avions fait des efforts.

Les premières orientations du budget 2016 seront présentées dans un mois en conseil municipal, comment ça se présente ?

On va être dans une situation plus favorable que 2015 même si la baisse des dotations de l’Etat va encore nous obliger à faire des économies. Cependant elles seront moins importantes que l’an dernier. On vient de lever une difficulté financière : le swap toxique. Nous sommes en train d’analyser une proposition longue et complexe à ce sujet mais ça semble bien parti. Par ailleurs, l’effort fiscal de 2015 avec la hausse des taux d’imposition de 4,2% a porté ses fruits. Cela nous a permis de récupérer 3 millions d’euros.

Réussirez-vous à ne pas augmenter les impôts cette année ?

On ne peut pas encore le dire. On a demandé des efforts financiers aux services et nous verrons après si nous sommes à l’équilibre. Mais je n’ai pas été élu pour créer des impôts. C’est juste que l’an dernier on ne m’a pas laissé le choix. Dans le tiroir de gauche j’avais le swap toxique et les rythmes scolaires dans celui de droite. Ca faisait 13 millions d’euros et nous avons réussi à en trouver 10, c’est déjà pas mal. L’opposition peut toujours ricaner mais on sait à peu près faire un budget.

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Quelques mois après le lancement de la charte de l’urbanisme, quels sont les premiers retours ?

Avec cette charte nous avons mis en place une procédure de suivi des projets immobiliers. Normalement le processus est complètement maîtrisé. On a désormais la possibilité de s’assurer que ce qui nous est présenté rentre bien dans le cadre de la règle du jeu que nous avons établie. Il y a notamment un atelier des pré-projets. C’est-à-dire que les promoteurs ou des architectes nous présentent leurs idées avant de faire des maquettes. On peut alors travailler avec eux en fonction de nos volontés et de l’emplacement : la perspective de la rue, les transitions… Ca a entraîné des discussions intéressantes avec les porteurs de projets qui apprécient cette méthode de travail. Pour certains, nous sommes déjà passés à la deuxième phase des dossiers.

Où en sont vos relations avec le Tours FC ?

J’ai rencontré le président Ettori à plusieurs reprises. On s’est entendus sur la méthode qui est de faire un état des lieux précis des conventions qui nous lient depuis des décennies et avec lesquelles on a des difficultés d’interprétation. Il faut poser les dossiers, les ouvrir et les étudier. On va également faire évoluer nos relations financières concernant la mise à disposition des locaux et des bâtiments pour que les choses soient bien claires. Actuellement on est dans l’imprécision avec des annonces et des promesses verbales qui traînent depuis des années. Ce sont des méthodes de travail qui ne sont pas les miennes. Jean-Marc Ettori est d’accord avec ce principe. Une nouvelle réunion de travail avec les services est prévue cette semaine mais ce qui est sûr c’est qu’il n’y aura pas de subvention supplémentaire.

A Tours, ce n’est un secret pour aucun observateur de la vie politique locale : votre majorité n’est plus aussi unie qu’il y a deux ans. Mais vous, forcément, vous allez me dire que tout va bien…

Je ne suis pas un débutant en polit. Vous constatez une désunion, peut-être. Le problème c’est de savoir si on est capable de voter ensemble des projets et là, la réponse est oui. La majorité est composée de la droite et du centre. Est-ce que nous avons des difficultés politiques ? Non. Est-ce qu’il y a des personnalités qui peuvent avoir des ambitions individuelles différentes ? Oui. C’est naturel. Mais ça ne remet pas en cause les deux premiers points. Qui peut imaginer que dans un groupe de 42 élus il n’y ait pas des discussions ? On fait de la politique, pas un show.

Est-ce que vous n’avez pas fait une erreur en disant très tôt que vous ne voudriez faire qu’un seul mandat, au risque de vite aiguiser les appétits dans votre équipe pour prendre votre suite ?

A l’heure qu’il est je ne dis rien et je ne réponds pas à cette question. Tout le monde me conseille de ne pas y répondre, ce qui donnera évidemment l’occasion de faire de nombreuses interprétations. Mais observez ma forme physique et ma santé mentale : elles se portent très bien.

7 000 voix d’écart entre la gauche et la droite au second tour des régionales, ça semble être un désaveu clair pour la politique menée par la droite locale. Ca vous a touché ?

Je ne vois pas pourquoi on tirerait des conclusions suite aux élections régionales pour voir la santé du maire élu il y a deux ans. Ce n’est pas la question que l’on a posée aux électeurs. Et ça n’a pas plus de sens dans une autre ville. Par exemple est-ce que la maire de Calais est désavouée parce que le FN y a fait plus de 50% ? Et il y a des dizaines d’autres exemples dans notre département. Le FN continue de progresser, les gens ont voulu pousser un coup de gueule national. Et la prochaine fois ce sera encore pire si l’exécutif continue à se chamailler sur des histoires qui n’intéressent personne comme la déchéance de nationalité.

2016 est une année sans élection, hormis au sein de votre parti Les Républicains avec la primaire pour la présidentielle. C’est un sujet qui vous intéresse ?

C’est un moment important et je prendrais position en temps utile. On va d’abord attendre de connaître les candidats et les laisser s’exprimer d’autant que les projets évoluent beaucoup… Je serais donc un observateur attentif.

Comment recevez-vous le verdict du procès des mariages chinois dans lequel la ville était partie civile ?

C’est une décision lourde et qui justifie pleinement l’attitude de la ville. Les juges ont considéré que la demande de remboursement était recevable mais le problème n’est pas l’appât du gain. De plus il y aura sans doute des appels alors j’attends la fin définitive de l’instruction pour que la situation soit stabilisée et que l’on sorte de ce mauvais pas pour l’image de Tours.

Propos recueillis par Olivier COLLET

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