Le département d’Indre-et-Loire est reconnu comme un territoire qui regorge de truffes, ce champignon rare dont les prix au kilo ont tendance à s’envoler. Le Chinonais et le Nord-Est du département font partie des terrains les plus propices à son développement. Et chaque année les marchés de Marigny-Marmande ou de l’Hôtel de Ville de Tours font le plein pendant la saison hivernale.
Jusqu’ici, globalement, l’exploitation de la truffe tourangelle se fait plutôt via de petites exploitations. De façon artisanale, hormis une exception notable : Le Baron de la Truffe situé à Ligré, près de Chinon (60ha, la plus grande ferme trufficole de France).
D’ici peu, une exploitation ambitieuse compte bien s’octroyer quelques parts de marché depuis le Lochois : La Truffe du Roy, à Orbigny. Olivier Roynette projette ainsi de planter près de 5 000 chênes sur 10ha. Un projet inattendu pour cet homme de 51 ans qui est directeur des opérations sénégalaises pour le géant du BTP Eiffage (il passe l’essentiel de l’année là-bas, ne rentrant que 3 à 4 fois par an en Indre-et-Loire).
« Ça vient de ma femme qui est polonaise et qui a entendu une émission sur le réchauffement climatique disant que les truffes allaient remonter vers le Nord. Elle m’a suggéré d’en profiter sur mon terrain. Je ne suis pas sûr de gagner ma vie mais je trouvais que c’était une bonne idée. »
Le terrain dont on parle, c’est un site qu’Olivier Roynette possède et agrandit progressivement depuis 2005. Il comporte des bois, des étangs et, déjà, des terres cultivées. La truffière sera sur une nouvelle parcelle, spécialement dédiée à cette activité. « A l’origine c’était pour nous. Je voulais acheter pour avoir une maison – que l’on loue – mais maintenant j’ai envie de lancer ça pour créer une communauté autour de la truffe » explique l’entrepreneur qui sera de retour début novembre pour préparer la terre et superviser les plantations.
Ce qu’il faut préciser c’est que le concept de la Truffe du Roy est particulier : proposer au grand public « d’adopter » un duo de chênes truffiers (un chêne chevelu + un chêne vert associés « pour que ça donne plus »). Avec ce modèle, on bénéficie de l’intégralité de la production pendant 15 ans, avec un minimum garanti de 200g de truffes par an. Ce procédé existe déjà pour de la vigne ou des oliviers. On paye, on apose son nom sur un ceps ou un arbre exploité par un professionnel et on en récupère le produit. Avantage pour l’exploitant : il a tout de suite de la trésorerie.
A Orbigny, ce sont 2 500 emplacements qui sont disponibles pour 800€ les 15 ans. Une grosse somme, mais qui correspond à 4€44 par mois pour un minimum de 3kg de truffes vendues parfois jusqu’à 1 000€ le kilo.
Cela dit, attention : il ne faut pas s’attendre tout de suite à recevoir des champignons issus des arbres que l’on a choisis. « Il faut attendre au moins 3 ans pour les premières truffes, et encore ça peut être 10 ans, voire on peut ne jamais en avoir. Ce n’est pas une culture, on ne sait pas » reconnait Olivier Roynette. Si votre arbre ne produit pas, le trufficulteur prendra dans sa récolte personnelle ou fera des achats à côté qu’il enverra à domicile en 4 colis de 50g chacun.
Un ami-voisin sera chargé de l’entretien quotidien.
Etant basé à l’étranger, l’entrepreneur a également délégué la gestion de sa truffière. Il a fait appel à une pépiniériste du sud de la France, Nina Wollner, pour trouver les arbres, à un expert du Lot pour les planter et à un ami du voisinage jeune retraité pour l’entretien au quotidien. Cependant, dans 4-5 ans, Olivier Roynette aspire à exploiter lui-même ses terres dans l’objectif de mener une vie « plus calme, plus proche de la nature. »
Il le sait : son projet inédit en Touraine fait déjà jaser dans un milieu assez fermé et traditionaliste. Surtout que lui est encore novice. Il reconnait qu’il y a encore deux ans et demi, il n’y connaissait rien. Mais il a eu un coup de cœur et veut désormais « faire connaître la truffe » à un nouveau public, persuadé qu’il y a « de la place pour tout le monde. »
Olivier Collet