Première interview d’une suite de cinq sur Info-Tours.fr. Découvrez le portrait et le parcours d’un esprit féminin dans le milieu du bâtiment…
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Marie-Anne VIVANCO, et je suis chef d’entreprise depuis 2007 – Faber Domus – dans le domaine du BTP second œuvre électricité générale et pose de menuiseries.
Parlez-nous de votre parcours professionnel.
Il a été atypique. J’ai fait un BAC Scientifique, puis j’ai commencé des études d’orthophoniste. Par la suite je me suis mariée avec un marin. J’ai repris des études juridiques avec une Licence en droit et sciences économiques, puis je suis allée jusqu’en maîtrise en Droit privé fiscal – DESS en Droit – DEA Sciences Politiques à la Sorbonne. Ayant été un moment journaliste au journal « Ouest France », j’ai également été professeur Droit économie et Gestion Ministère Agriculture et Ministère de l’éducation nationale. Mon dernier poste a été à Arsonval en 2013. Parallèlement à ça j’ai créé la société en janvier 2007 avec un associé technicien. J’en suis la co-gérante. De plus j’ai été élue à la chambre des métiers et administrateur à la CAPEB (Confédération Artisanale des Petites Entreprises du Bâtiment).
Pourquoi ce métier ? Qu’est-ce qui vous a motivé ?
C’est un métier qui est manuel et qui me plaisait énormément puisque autant on peut avoir des attirances pour certaines matières intellectuelles mais j’adore bricoler, j’adore travailler avec mes mains et donc ça me permettait à la fois d’exercer une activité administrative puisque je fais tout ce qui est comptabilité, relation client, relation fournisseur et en plus ça me permettait d’aller sur les chantiers et de m’épanouir sur mon côté manuel.
Quel genre de missions vous sont confiées ? (Responsabilités associées ?)
Actuellement et depuis que nous avons créé cette société je m’occupe de toute la partie administrative et comptable tout ce qui est fournisseurs et clients, d’une part – c’est l’essentiel de mon activité – et ensuite je suis les chantiers et je participe surtout en électricité.
Cela n’a pas été trop dur pour vous faire une place ?
Alors au départ j’avais quelques appréhensions évidemment puisque c’est un métier où l’on rencontre beaucoup plus d’hommes que de femmes. J’ai été bien accueillie par mes confrères masculins. Alors évidemment ils avaient une petite réticence puisque les femmes, on ne savait pas trop ce qu’elles pouvaient faire sur un chantier mais bon ça s’est très bien passé puisque actuellement je suis administrateur à la CAPEB, c’est une organisation professionnelle qui essaie justement de promouvoir la place des femmes dans le bâtiment.
Quels ont été les obstacles majeurs que vous avez rencontrés pour en arriver là ?
Je pense qu’ils existent toujours. Tant que j’étais un petit peu dans l’ombre de mon associé tout se passait bien, je travaillais avec lui, j’étais vraiment celle qui suivait dans son ombre. Là où j’ai ressenti quelques réticences ou quelques difficultés c’est lorsque justement j’ai voulu m’assumer moi. Déjà en étant élue de la Chambre de Métiers, je prenais un peu d’indépendance par rapport à mon associé et depuis 2014, depuis que je suis administrateur à la CAPEB, j’ai ma place à moi, personnelle. Et ça je pense que c’est pas tout à fait bien vécu par mon associé.
Combien y a-t-il de femmes sur votre lieu de travail ?
J’ai rencontré une femme il y a quelques années qui avait repris l’entreprise de son père, j’ai rencontré aussi une femme qui avait créé une entreprise de maçonnerie et qui avait son père comme salarié, j’ai vu aussi des filles en aménagement finitions (peintres, carreleurs), on en retrouve de plus en plus et j’ai vu aussi des futurs techniciennes puisque au lycée d’Arsonval j’avais des ébénistes, des aménagement finitions donc des femmes qui vont rentrer dans la vie professionnelle où il y a quand même encore un grand nombre d’hommes.
Comment se passent vos relations avec les hommes dans votre travail ? Vous sentez-vous avantagée ? Désavantagée ?
Quand je travaille ça se passe bien. Pas de désagréments. Je pense que les hommes sont plus « polissés » lorsqu’ils sont avec une femme. Peut-être qu’entre eux ils sont plus brusques dans leurs relations et leurs paroles, mais lorsqu’il y a une femme ça se passe très bien j’ai de très bon confrères à la CAPEB et on s’entend très bien.
Avez-vous déjà eu des retours négatifs par rapport au métier que vous exercez ?
Est-ce que c’est véritablement négatif parce que je suis une femme ! (rires) J’ai remarqué avec une personne très âgée lorsque j’interviens, elles n’ont pas l’impression que c’est moi qui vais faire le travail, parce qu’elles sont restées dans la situation où on attend « un artisan » et on attend pas « une femme artisan ». Je suis donc obligée de leur expliquer que c’est moi qui vais m’occuper de leur radiateur, c’est moi qui vais faire tels ou tels changements. Mais mon associé est toujours avec moi. Après les personnes âgées trouvent ça un petit peu exceptionnel et puis, à la fin, ils se disent pourquoi pas.
Comment vos proches perçoivent-ils le fait que vous exerciez ce métier ?
Mes proches, c’est surtout mes enfants puisque j’ai 4 filles et un garçon. Ils ont tellement vu maman qui bricolait, qui tronçonnait, qui faisait tout un tas de choses et qu’ils le faisaient avec moi aussi tous.
La condition physique est-elle exigeante ?
Ça dépend des professions dans le bâtiment, on a allégé les contraintes physiques pour les hommes puisque maintenant les sacs de plâtre et de ciment ne font pas plus de 35 kg (avant ça faisait 50 kg). On a fait ça pour les hommes qui étaient dans le bâtiment parce que l’on a vu que c’était vraiment néfaste. Pour ce qui est de l’électricité il n’y a pas énormément de contraintes que l’on soit un homme ou une femme puisque les matériaux et les matériels ne sont pas excessivement lourds. C’est à la portée de n’importe quelle morphologie mais par contre pour ce qui est de l’installation des menuiseries là ça devient lourd, pénible. Il faut pouvoir utiliser des lève-charges. Mais bon là pour moi c’est un petit peu plus compliqué parce que tous les hommes qui sont dans cette profession d’installation de menuiserie ont du mal à utiliser des machines qui pourraient nous aider.
Avez-vous une anecdote, un fait qui vous a marqué dans votre profession ?
Oui, au départ, quand j’ai débuté en 2007. On avait un confrère qui était vraiment dans la panade puisqu’il avait un ouvrier qui était parti en retraite et son apprenti était en formation, il avait absolument besoin de finir un chantier puisqu’il avait des dates très précises et il nous a demandé de l’aider. Don on y est allé, mon associé le connaissait bien et lorsqu’il m’a vu arrivé sur le chantier il a pris mon associé à part et a dit « ça y est, on va voir les bonnes femmes sur les chantiers maintenant ». Moi j’ai rien vu, rien entendu, j’ai fait ce que l’on me demandait et à la fin de la journée, j’avais dû faire un travail qui lui convenait puisque c’est lui qui venait vers moi et qui me dit « Ecoute Marie-Anne, si tu veux que je t’aide pas de problème ». Bon il était un petit peu bourru au départ mais après ça s’est bien passé.
Que diriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer dans un métier où beaucoup sont des hommes ?
Je lui dirais qu’il faut absolument qu’elle le fasse si c’est vraiment ce qu’elle a envie de faire. Qu’il ne faut pas hésiter, que l’on a des atouts par rapport à cette relation essentiellement masculine. Les atouts c’est que l’on est une femme et comme on est une femme, je vais pas prendre l’exemple de Margaret Thatcher, mais elle a réussi à obtenir en politique des choses que si ça avait été un homme à sa place et bien l’homme ne l’aurait jamais obtenu parce que dans cette relation homme/femme les hommes mettent un peu d’eau dans leur vin, ils sont moins intransigeants, écoute un peu plus je sais pas, mais je pense que c’est un atout d’une part et si on veut les choses on est très vite reconnu. Et dans le bâtiment il y a vraiment un très gros effort et des études, beaucoup de choses qui sont faites justement pour que la profession s’ouvre aux femmes. On a un Président de la CAPEB (Patrick LIEBUS) qui œuvre depuis plusieurs années justement pour valoriser la place des femmes donc je pense qu’il faut vraiment y aller, ne pas avoir peur et s’affirmer avec les compétences que l’on a.
Propos recueillis par Anaïs BOURDONNET, Lucile BERNARD, Marine BRUNET et Clément MIRANDA, étudiants à l’IUT de Tours.
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