« On sait lutter contre le réchauffement climatique, il faut juste investir beaucoup dedans »

En marge de la Cop21 de Paris jusqu’au 11 décembre, entretien simple et factuel sur les enjeux de la lutte contrele réchauffement climatique avec Isabelle La Jeunesse, géographe à l’Université de Tours.

Aujourd’hui le réchauffement climatique est incontestable ?

Dans le monde, depuis la révolution industrielle, on a une élévation de la température d’environ 1°, 0,7% pour le Nord-Est de la France et 1,1° pour le Sud-Ouest. Depuis 1988, le GIEC travaille à identifier les causes naturelles et liées à l’activité humaine : il est incontestable que ces dernières ont une empreinte très importante sur la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui empêche une partie de l’énergie de la Terre de repartir vers la haute atmosphère et contribue fatalement à l’élévation de la température moyenne sur la planète.

Cependant, dit comme ça, 0,7° ou 1,1° ça ne parait pas beaucoup… Par exemple à la maison on ne fait pas la différence s’il fait 18° ou 19° dans une pièce…

On confond en fait la variation de température dans une journée et une élévation de la moyenne que l’on va avoir sur toute une année. Historiquement, les causes naturelles n’ont jamais impacté l’élévation de la température de plus d’1°.

Quelles sont les conséquences ?

C’est par exemple une accélération du cycle de l’eau. Pour une région comme le Centre-Val de Loire, on va avoir à faire face à des inondations et des pénuries dans les mêmes endroits. Dans une même année on peut avoir beaucoup d’eau avec une crue de la Loire par exemple et en manquer avec une vague de sécheresse. Nous travaillons donc dans nos laboratoires à anticiper sur les solutions pour répondre à ces événements dont la fréquence va augmenter. Le souci c’est que nous sommes préparés aux inondations mais beaucoup moins à la sécheresse. Nous pensons que quelle que soit la situation, il y aura toujours de l’eau potable au robinet. Or à Sao Paulo au Brésil en janvier, lors d’une sécheresse comparable à la canicule de 2003 en France, les habitants de la ville ont été extrêmement limités : il n’y avait pas d’eau toute la journée. Nous devons donc travailler pour éviter ce genre de situation en adaptant nos consommations et en régulant a disponibilité des ressources.

Il faut vraiment que l’on change nos comportements maintenant ?

Il est important que les gens s’emparent de ce qu’est le changement climatique et de l’impact que chacun peut avoir. La prise de conscience a commencé au niveau des citoyens et des Etats. Aujourd’hui, par rapport aux objectifs de la Cop21 de limitation du réchauffement climatique à 2°, avec les différentes contributions des pays participants, on est à 2,5-3°. Bien sûr tout n’est pas réglé et il va y avoir de nombreuses négociations mais c’est encourageant.

Passer d’un réchauffement global de 3° à 2° cela implique vraiment des changements de politique colossaux ?

Oui, il y a vraiment des infrastructures à changer afin qu’elles ne fonctionnent pas avec les énergies fossiles. Il y a besoin d’investir beaucoup d’argent pour s’inscrire dans la durée et aboutir à l’objectif d’un réchauffement de 2° d’ici 20100. On sait le faire. Il n’y a pas de barrière technique et on peut tout à fait enrayer les choses, il faut juste y mettre les moyens. Chaque Etat doit se sentir concerné en pariant sur la transition énergétique avec une limitation de son bilan carbone mais il faut aussi un engagement global. Ce n’est qu’à l’échelle mondiale que l’on pourra trouver les capitaux nécessaires.

Les responsables politiques en sont-ils convaincus ?

Il me semble que la prise de conscience est vraiment présente quand on voit la mobilisation autour de cette Cop21. Maintenant il faut savoir comment faire. Le changement ça prend du temps mais ça doit être maintenant. Ca ne peut pas être brutal mais il faut que ce soit rapide. Plus on attend, plus ce sera difficile et coûteux donc autant le faire maintenant. En parallèle, il faut aussi s’adapter au réchauffement déjà en marche. Par exemple, même si demain on stoppe toute émission de gaz à effet de serre, l’élévation du niveau de la mer se poursuivra pendant plusieurs décennies et il va falloir y faire face. Construire une digue retardera la montée des eaux mais ne l’empêchera pas. Si elle est efficace tout de suite peut-être qu’il faut y consentir mais ce ne sera pas suffisant pour aller au-delà des impacts que l’on peut prévoir à l’horizon 2100 pour des régions comme la Camargue. D’où l’importance de faire émerger des solutions durables.

Propos recueillis par Olivier COLLET

Isabelle La Jeunesse est auteur du livre Changement climatique et cycle de l’eau aux éditions Lavoisier.

Photo : Isabelle La Jeunesse lors d’une conférence en novembre dernier aux Tanneurs à Tours / James TECHER

 

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