Interview avec le nouveau N°1 des socialistes d’Indre-et-Loire qui veut apaiser les conflits avec les siens et les autres partis de gauche mais ne compte pas se laisser marcher sur les pieds…
Depuis ce jeudi 11 juin, Francis Gérard est le nouveau patron des socialistes d’Indre-et-Loire. Elu 1er secrétaire fédéral avec 17 voix d’avance face à Franck Gagnaire, ce soutien de la motion B dite des frondeurs va devoir diriger un parti qui a majoritairement voté pour la motion A soutenue par le gouvernement au moment du dernier congrès. Un vrai numéro d’équilibriste à 6 mois des élections régionales annoncées défavorables à la gauche. Rajoutez à cela le psychodrame autour de l’éviction de son prédécesseur Mickaël Cortot, qui souhaitait se représenter à son poste mais a été éjecté juste avant et une baisse de 20% du nombre de militants depuis 2012 (ils sont désormais un millier) et vous comprenez que ce jocondien de 62 ans a du pain sur la planche… Rencontre.
Comment analysez-vous votre élection… De l’extérieur on parle de surprise.
En interne pas tellement. Il est apparu que j’étais celui qui pouvait le mieux rassembler les militants socialistes à la recherche d’une unité perdue. Ce n’est pas la personne de Franck Gagnaire qui a été contestée. Au sein de la motion A, il y a des querelles qui n’ont pas été solutionnées au bon moment. Ca a provoqué des fêlures et ils ont considéré que vu mon âge et mon parcours d’homme libre j’avais plus de capacités pour incarner le renouveau qu’un jeune considéré comme trop proche de certains.
C’est toujours paradoxal de dire que quelqu’un de plus âgé incarne le renouveau…
Le renouveau n’est pas une question d’âge mais de volonté. J’ai toujours été situé à gauche du parti, je suis pour un socialisme de transformation sociale et pas seulement d’accompagnement, de résignation. A Joué-lès-Tours, en 3 mandats d’adjoint au maire, j’ai suffisamment prouvé ma capacité à défendre des idées mais aussi à agir sur le terrain, à m’investir. Je pense que j’ai une force de persuasion qui peut être utile au PS.
Il y avait un problème Mickaël Cortot ?
Pas en soi mais il se trouve qu’il n’a pas réussi à cicatriser les différents et qu’il a payé des histoires anciennes. Je n’étais pas là le soir de son éviction mais ça aurait pu se faire de manière plus fraternelle. Je le regrette profondément. En politique on peut se dire des choses dures sur le fond mais ce n’est pas la peine de blesser inutilement les gens. Mickaël est un ami, il a été très affecté mais je ne doute pas qu’il sera très présent dans les années qui viennent.
Vous appelez aujourd’hui à un rassemblement autour de vous ?
J’appelle à un rassemblement autour de moi mais surtout autour d’un projet. Sinon on ne retrouvera pas notre unité. Il faut parler. Pas seulement commenter l’action du gouvernement mais agir localement en s’emparant des sujets politiques ou économiques. On doit retrouver une accroche avec le monde du travail, les représentants des salariés. On avait laissé ces thèmes en plan et il faut se les réapproprier pour paraître à l’écoute des citoyens. Le PS a une culture de gouvernement mais ça ne doit pas l’empêcher d’être attentif à ce qu’il se passe dans la vie pour répondre aux aspirations des gens. Je suis pour un sursaut et un travail de fond, de ressourcement.
Est-ce que vous êtes un frondeur ?
Je fais de la politique depuis plus de 35 ans, j’ai toujours été pour une gauche de transformation sociale et je ne peux pas me contenter d’une politique qui fait trop peu par rapport aux engagements du président Hollande. Notre électorat n’est pas perdu, les gens ne sont pas dans la désespérance. Il faut leur redonner de l’espoir.
Comment ?
On attend que le 1er ministre tienne compte des textes majoritairement votés au congrès et réclamant la réforme fiscale, la mise en place du prélèvement à la source, la redistribution du CICE au profit des PME et du pouvoir d’achat… Appeler les français à l’effort est indispensable mais ça ne suffit pas. On ne peut pas faire rêver les classes populaires sans leur donner une part du gâteau. Il faut faire entendre au sommet ce que les citoyens nous disent localement. Le PS a un rôle d’accompagnement de la politique nationale mais aussi de faire savoir au gouvernement l’état de l’opinion de gauche qui n’a pas encore complètement déserté mais est en attente.
Quel sera votre style en tant que premier secrétaire ?
Mon style c’est l’exigence, le travail. Je sais bien qu’il faut communiquer mais je le ferai sur du fond. Il faut que les gens retrouvent une confiance par le travail et les propositions concrètes. Beaucoup de militants restent engagés mais on a un taux de turn over plus élevé qu’avant. Ils souhaitent voir leurs dirigeants diriger, travailler pour le bien commun plutôt que de se mettre en valeur. Il faut se remettre au travail, et se placer dans la position dans laquelle nous étions il y a 25 ans, en tant que challenger et conquérant. On a perdu beaucoup aux dernières élections, il faut que chacun prenne conscience qu’on est en phase de reconstruction et se serre les coudes pour recréer une nouvelle dynamique. Ce sera long, et c’est un challenge intéressant qui se poursuivra après moi.
Comment abordez-vous les régionales sachant que Jean-Patrick Gille – qui fait partie de la motion A, opposée à la vôtre – sera le chef de file du PS en Touraine ?
Il va falloir trouver les moyens de travailler ensemble, car il n’y a de victoire que si elle collective. Jean-Patrick Gille est un éminent élu, c’est le bon choix pour cette campagne. Il apparaît comme une locomotive pour nous tirer vers une victoire.
Comment faire pour ne pas les perdre ces régionales ?
Le contexte est compliqué, il ne faut pas s’en cacher. François Bonneau a fait du bon travail, il va falloir serrer les rangs, mettre en valeur le bilan mais aussi montrer aux citoyens que la région prend de plus en plus de place dans leur vie comme sur la jeunesse en investissant dans les lycées, la culture les transports. Même si c’est encore une institution neuve moins bien perçue que d’autres…
Sauf que ce coup de la pédagogie, vous nous l’avez déjà fait aux départementales avec le résultat que l’on connait…
Il faut pourtant bien le faire. Nous comptons aussi sur le gouvernement. Si on a de bonnes réformes une bonne communication dans la période précédant l’élection ça nous aidera localement. Il faut aussi travailler dans l’optique d’une recomposition de la gauche au second tour. Aujourd’hui, chaque organisation veut partir sous son propre étendard. Ce n’est pas forcément une très bonne chose mais j’en prends acte. Je vais dans les jours prendre contact avec les autres partis de gauche pour tenter de reconstruire quelque chose dans les années qui viennent. Sans unité à gauche, il n’y a pas de victoire possible.
Comment on fait ? Le fossé a l’air tellement immense… Aux dernières départementales, la gauche de la gauche n’appelait même pas clairement à voter pour le PS.
Ce n’est pas en favorisant nos opposants de droite et d’extrême droite qu’on reconstruit la gauche. Il faut parler, discuter, négocier. Ils ont voulu nous faire la peau mais ils n’existent plus au sein de l’assemblée du département d’Indre-et-Loire. Ni les Verts, ni le PC. Ils doivent faire l’état des lieux pour voir où les a conduit cette politique antisocialiste. Ca leur a fait plaisir de bouffer du socialiste mais ce n’est pas productif pour eux ni pour l’ensemble de la gauche.
Propos recueillis par Olivier COLLET