A 19, 21 et 65 ans ils font la campagne d’Emmanuel Macron

Portraits croisés de marcheurs. Pour tous, c’est leur premier engagement en politique.

Emmanuel Macron est-il l’homme providentiel que la France attend ? On saura dans un peu plus de deux mois si l’ancien ministre réussit le plus grand hold-up politique de la Vème République en parvenant à entrer à l’Elysée sans le soutien d’un grand parti historique et malgré des discours aux raisonnements parfois surprenants et souvent déroutants. En tout cas, pour ces trois Tourangeaux que nous avons rencontrés, le candidat d’En Marche incarne au moins un espoir, voire un guide. Qu’ils aient 19 et 21 ans comme Théo et Yann ou 65 ans comme Francis, leur discours est similaire.

« J’ai toujours suivi l’actualité mais je n’avais pas d’empreinte » commence par nous dire Yann, référent des jeunes d’En Marche en Indre-et-Loire (mais qui vient de partir à l’étranger pour ses études). « Dans ma famille, on a plutôt des valeurs de gauche mais le souhait d’une économie libérale. » Pour Théo, adhérent d’En Marche depuis ses débuts il y a un an, dont la famille est « de droite, voire très à droite », « il y a toujours eu en moi un intérêt politique mais au sens de la vie publique, pas des coups bas et ce qui s’en suit. » Pour lui, « Emmanuel Macron c’est un vent de fraîcheur avec une vision libérale de l’économie mais progressiste de la société. »

« Droite et gauche ne savent pas prendre de décisions »

« Son pragmatisme m’a permis de sortir de l’eau face à l’obscurantisme politique » estime Yann. « La droite et la gauche ne répondent plus aux questions posées, On en a besoin pour défendre des idéologies mais quand il s’agit de prendre des décisions, ce n’est pas possible. C’est pour ça qu’il faut dépasser les clivages, aller plus loin dans l’intérêt général du pays, construire une majorité présidentielle commune, diverse et paritaire. »

Retraité de la fonction publique, ancien chef d’établissement dans une maison de retraite à Bourges, passé par le ministère de la défense ou le secteur financier, Francis entame lui aussi sa première campagne élyséenne sur le terrain. « Je n’ai jamais raté un vote, quitte à faire 150km pour me rendre dans l’isoloir » affirme-t-il.

Sa première présidentielle : 1981, « j’ai voté Mitterrand et je m’en suis mordu les doigts pendant 7 ans. Il était intellectuellement brillant mais très manipulateur. » En 1988, il soutient donc Chirac, pareil en 95 : « la fracture sociale, ça me plaisait beaucoup. » En 2007, il vote encore à droite en choisissant le bulletin Sarkozy, « mais avec plus de réserve sur le style et le comportement du personnage. Et puis il a fini par s’enfermer en prenant de la distance avec le peuple. » Il voulait tout de même le reconduire en 2012, « car pour moi Hollande, son programme, ce n‘était pas possible. » Au final, le virage social-libéral de l’actuel président, « ça m’a paru moins nul. Il a été obligé de prendre la mesure des contraintes économiques. Par contre il n’a pas été assez ferme et audacieux pour aller plus loin comme sur la loi Travail. »

« Il est possible de créer une dynamique pour la présidentielle et les législatives »

Plutôt Juppé que Fillon, il n’a pas attendu la primaire de la droite et son résultat pour changer de camp. C’est donc là qu’Emmanuel Macron intervient : « il libère des énergies » nous dit Francis, comme si son candidat était un prof de yoga. « Ce qui m’a plu, c’est qu’il ne présente pas de grands projets qui veulent époustoufler mais des choses simples. Pour moi, le président c’est quelqu’un qui insuffle. »

Mais est-il justement capable de créer une dynamique durable au-delà de lui, d’imprimer son aura sur toutes les petites mains dont il aura forcément besoin pour réussir un éventuel quinquennat. En clair : est-il assez fort pour parvenir à se faire élire puis à avoir une majorité parlementaire. Pour Francis, c’est possible, même si les candidats d’En Marche sont des inconnus des électeurs en local : « quand François Fillon a été élu à 23 ans, il ne labourait pas le terrain depuis des années. Donc à un mois d’intervalle, après la présidentielle, il peut avoir une majorité. »

« On est dans une dynamique présidentielle, une dynamique partisane, donc les gens vont automatiquement s’intéresser au mouvement » estime de son côté le jeune Yann. Mais attention, Macron a prévenu : les députés d’En Marche auront intérêt à être fidèles, pas de frondeurs grâce à un engagement autour d’une sorte de pacte sur l’essence même du projet (sinon ?)… Pour l’étudiant, ça devrait se faire naturellement : « beaucoup de gens prennent des risques politiques pour nous rejoindre. » Donc en gros, ils auraient tout intérêt à ne pas faire de vagues et à assurer la réussite d’un Macron président pour ne pas y perdre des plumes… « Hollande était issu d’une primaire, il ne tenait donc que grâce à des accords d’appareil. Tout le parti n’était pas derrière lui. C’est pareil d’ailleurs pour Benoit Hamon » analyse Théo.

« Militer c’est un peu un vieux mot »

Mais ce qui fonctionne aujourd’hui grâce à la nouveauté et la fraîcheur distillées dans En Marche par son leader peut-il se diffuser sur le long terme ? Les origines des adhérents étant diverses, ne risque-t-on pas d’assister très vite à des prises de paroles divergentes ? Et puis, dans quelques années, quand Emmanuel Macron prendra mécaniquement du recul, que se passera-t-il ? Ces questions ne semblent pas préoccuper nos trois Tourangeaux : « dans ce mouvement, chacun peut s’investir, ça va continuer peut importe l’échéance. Aujourd’hui, sur 1 500 en Indre-et-Loire, on est 200 à s’engager sur le terrain. Dont beaucoup de jeunes, c’est impressionnant » s’enthousiasme Yann. « Si Emmanuel Macron n’est pas président, En Marche deviendra un parti, un mouvement d’opposition. Une force de discussion. On pourra essayer de contractualiser sur des projets avec le parti au pouvoir » pense Francis. Théo résume  : « on est au-dessus des partis traditionnels. Pour moi, militer c’est un peu un vieux mot. »

« Au début de notre engagement, on nous a pris pour des gentils. Maintenant, autour de nous ils voient qu’il y a quelque chose de sérieux » poursuivent les deux jeunes marcheurs « fiers de participer à quelque chose de neuf. » « La plupart des politiques profitent de leur parti pour vivre mais cessent le lien avec les gens qui ne se sentent plus représentés. Il faut essayer de mieux lier vie politique et vie civile. » Quitte à encore employer de vieilles recettes comme quand Emmanuel Macron pose en Une de la presse avec sa femme ? Yann et Théo admettent le contresens… « C’est possible qu’il y ait une démarche de communication mais ça a toujours été comme ça. » Leur réplique : « il n’a pas un parcours classique. Il a fait l’EBA et travaillé dans le privé mais n’est pas coopté dans la sphère politique. C’est le seul à avoir démissionné de la fonction publique. Ses seuls revenus viennent de son livre. »

« Une dizaine de grands projets, pas plus »

Ce profil hybride permet aujourd’hui à Emmanuel Macron d’être en forme dans les sondages, « il est en train de sortir comme l’outsider, tel que ses concurrents sont sortis outsiders des primaires » estime Francis qui ne s’inquiète pas de la baisse de forme de son champion depuis quelques jours : « c’est normal, les gens attendent son programme… » Car s’il dispatche des propositions un peu partout, difficile encore de voir du liant dans la pensée d’Emmanuel Macron qui a également souvent tendance à se contredire avec ses déclarations passées. Va-t-il tout clarifier ? Pas sûr : « les programmes ne permettent pas de changer un pays et ne sont pas respectés. On nous vend tout ce qu’on ne peut pas faire » avance Yann. Et pour Francis il suit le conseil de Jacques Attali disant : « le prochain président doit éviter le catalogue et partir avec une dizaine de projets. »

Mais alors, idéologiquement, où se rejoignent nos 3 militants ? Ils se retrouvent autour d’un nouveau modèle social. « Il faut mieux libérer le travail, être mieux payé, que les entreprises puissent embaucher plus facilement en réduisant certaines normes » avancent Yann et Théo. Tous retiennent aussi la prime au risque prônée par le candidat : « il faut permettre à ceux qui prennent des risques de réussir. Il veut passer d’une société de statut à une société de l’individu. Avoir un cadre protecteur minimal mais un filet de sécurité sur l’individu ». Francis : « Emmanuel Macron parle de transformer le chômage en système de solidarité nationale. Un chef d’entreprise qui a embauché du personnel, s’il coule, ses salariés ont le droit au chômage mais pas lui. Il faut aussi étendre le droit au chômage aux salariés qui démissionnent, notamment s’ils ne tiennent plus physiquement ou psychologiquement dans leur entreprise. »

« Un boulanger ou un fonctionnaire qui travaille 35h ce n’est plus possible »

Si, pour Yann et Théo, « il faut libérer les freins à l’entreprenariat sans passer dans une société américanisante qui ferait la promotion de l’entreprise à tout prix », la France d’aujourd’hui doit tout de même être beaucoup moins  formelle et fixée sur ses principes : « il vaut mieux accepter de travailler beaucoup que rester chez-soi à ne rien faire. Une entreprise comme Uber a permis à des gens assignés à résidence d’avoir un travail. Le but n’est pas de faire ça toute une vie mais c’est un tremplin pour un accès aux droits, de faire ce métier quelques temps puis démissionner pour retrouver un travail. Être toujours en activité permet de garder un pied dans la vie active. »

Quitte à se faire exploiter ? « Les 35h doivent rester pour conserver un cadre. Mais un boulanger ou un fonctionnaire ne vont pas travailler 35h. On ne peut plus fonctionner comme ça. » Ca manque tout de même de précisions pour savoir exactement quel cadre on met derrière tout cela pour éviter des abus… En tout cas, « ce qu’il faut d’abord c’est bien rémunérer les gens en rapprochant le salaire net du brut en supprimant les cotisations chômage et santé mais en augmentant la CSG d’1,7 point » nous disent les deux jeunes.

Des idées qui pourraient soulever une certaine levée de boucliers même si Emmanuel Macron parvient à séduire plus de 50% des électeurs en mai. Réussira-t-il à rester ferme ? « Son programme n’est pas amendable par la rue » prévient Francis (même si ce n’est pas la première fois que l’on entend ça, et que – finalement – des manifestations réussissent à faire pencher la balance). Pourtant, selon le retraité, il pourrait y avoir dans le projet macroniste une force supplémentaire : le fait qu’il y ait eu un grand porte-à-porte en amont de l’élaboration du programme : « il a compris que l’union nationale se réalisait à la base. » Conclusion, la question est : pragmatisme et autorité sont-ils compatibles à long terme ? Ca se médite…

Olivier COLLET

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