Université, tram, Temps Machine, évolution et dynamisme de la Touraine… Rencontre en longueur avec le président de l’agglomération Tour(s)Plus.
Philippe Briand a beau être un homme qui n’a pas la langue dans sa poche, le député-maire de St-Cyr-sur-Loire et président de l’agglomération de Tours se fait discret sur le terrain public et dans les médias locaux. Ainsi, il nous a fallu deux mois pour organiser cet entretien, un vendredi en mairie de St-Cyr. Décontracté, les pieds sur le bureau, Philippe Briand détaille sa vision de l’agglomération d’aujourd’hui et de demain en s’inscrivant dans la continuité du travail de Jean Germain, apparaissant encore très marqué par le décès de l’ancien maire de Tours et expliquant que ça a engagé chez-lui une réflexion sur la façon d’exercer la politique.
Convaincu que les élus peuvent travailler ensemble malgré leurs différences de sensibilité, ce membre des Républicains entré en politique au temps du RPR cherche le maximum de consensus mais n’hésite jamais à envoyer une bonne pique à ceux qui le titillent…
1 an après le début de votre présidence à l’agglo, quel bilan en faîtes-vous ?
C’est intéressant et passionnant. Nous devons essayer de faire ensemble aussi bien voire mieux que ce que l’on fait séparément à un coût amoindri. Il faut donc réunir des points de vue et des manières de faire différents et les fédérer autour d’un objectif commun qui est le développement d’un territoire. Ce n’est jamais facile mais les 22 maires autour du bureau arrivent à avoir un débat contrairement au conseil communautaire ou c’est beaucoup plus formel et plus difficile. Malgré leurs points de vue politiques, leurs conceptions différentes, ce sont des gens de bonne volonté heureux de travailler ensemble et qui avancent. Il y a des réussites comme sur la collecte des déchets : la redevance n’a jamais augmenté et tout fonctionne avec des équipements neufs. Maintenant on passe dans une phase de mutualisation « à la carte » dans laquelle il faut tenir compte des spécificités de chaque commune. Par exemple sur la mutualisation des permis de construire il y a 12 communes sur 22 qui participent. A St-Cyr, on a encore des collaborateurs dans ce service. Le jour où on en les aura plus on rejoindra le dispositif. Il ne faut pas que Tour(s)Plus soit ressenti comme un truc obligatoire et pesant mais comme quelque chose qui nous facilite la vie.
« L’extension du périphérique se fera dans 3-4ans »
On a entendu à plusieurs reprises que, depuis un an, l’agglo ronronnait. Vous répondez quoi ?
On ne va pas faire des coups d’éclat à longueur de temps ! Il n’aura échappé à personne que les budgets des collectivités sont dans une très grande souffrance. Il y a un temps pour les grands projets et un temps pour les fonctionnements. Il y a des grands projets de l’agglo qui sortiront sur ce mandat comme l’usine de traitement des ordures ménagères soit une soixantaine de millions d’euros. Ou encore le développement du périphérique avec sa poursuite au Nord.
Ca va vraiment se faire ?
Bien sûr. Dans les 3-4 ans qui viennent. Il y a des procédures à respecter. A l’automne on aura une vision du passage possible, après il y aura la mise en œuvre avec des enquêtes publiques, des délais d’appel et enfin la phase travaux. Je veux aussi m’engager autour de l’université. Car je pense qu’une grande ville n’est pas efficace si elle ne dote pas son université de moyens nécessaires. L’objectif c’est de passer de 33 à 40 000 étudiants dans les dix ans. Il faut développer les moyens que nous avons. Certains de nos bâtiments sont dans un état lamentable (l’IUT, les Tanneurs, le centre polytechnique Grammont…). Si vous n’avez pas de moyens, vous ne ferez pas venir de professeurs. Si vous les recevez dans des bâtiments en bois…
C’est écologique un bâtiment en bois !
Oui c’est ça, bio… On peut aussi se mettre sous une tente… Surtout quand vous faîtes de la recherche dans le domaine médical ou du médicament où vous créez des écoles d’ingénieur ce n’est pas des cabanes qu’il faut ! Si vous n’avez pas d’équipement, vous ne pourrez pas développer les filières. On a un monde universitaire reconnu en Touraine, il faut finir de le développer avec l’État, le département, la région et l’agglo.
Temps Machine à Joué : « mon curseur, c’est la fréquentation »
Évoquons le tram… Vous voulez engager le projet d’une deuxième ligne à 200 millions d’euros. Où va-t-on les trouver ?
Vous voyez, on me dit que ça ronronne eh bien non : on ne met pas 200 millions comme ça en faisant tout exploser. C’est quelque chose qui se prépare. Je pense que sur une mandature on peut engager une ligne supplémentaire et préparer les autres. Car si vous faîtes un tramway qui se résume à une ligne c’est inutile. Avec la ligne A on a augmenté le nombre de passagers transportés de 50% en un an en passant à 22 millions. Donc il y a des lignes qui se dessinent. Probablement qu’il faut rejoindre à travers les Rives du Cher, St Avertin et la Butte Grandmont le CHU Trousseau. Probablement qu’il faudra aussi rejoindre l’hôpital Bretonneau et la ville de La Riche. Il faut aussi une réflexion au Nord de l’agglomération. Il faut plusieurs antennes à cette colonne vertébrale que constitue la première ligne. Il faut lui adjoindre des côtes pour alimenter ces différents points et avancer en fonction des financements. On va essayer de l’Europe et de l’Etat. Ensuite on établira les priorités soit le nombre de passagers transportés et nos moyens. Toutes les grandes agglomérations qui se développent le font autour des universités, de la recherche et l’aménagement comme les transports. J’espère aussi qu’un jour on pourra rouvrir le dossier de déviation de l’A10 de manière à éviter le passage des nombreux véhicules de transit au cœur de l’agglomération tourangelle.
Envisagez-vous une transformation de la communauté d’agglo vers une communauté urbaine ?
Ca peut venir… Mais il faut d’abord finir le chantier de la mutualisation cette année. Ensuite on réfléchira au chantier de la communauté urbaine. Ca apporterait un peu plus de dotations de l’Etat – mais 1 à 3 millions sur un budget de 400. Voilà pourquoi il faut prendre le temps de la réflexion. Il ne faut pas que les communes perdent leur identité et leur âme. J’ai horreur des mariages forcés, ça aboutit souvent à un échec.
Parlons de culture… Est-ce que l’agglo pourrait reprendre la gestion de certaines institutions comme le Grand Théâtre de Tours ?
Rien n’est interdit, rien n’est d’actualité. Mais tant qu’on ne démontre pas que c’est plus économique de fonctionner autrement je ne vois pas de raison de changer.
Avez-vous rencontré la nouvelle direction du Temps Machine ?
J’ai croisé le nouveau directeur… Il y a une délégation de service public. Elle arrive à son terme, il y aura un appel d’offres… Chacun sera libre d’y répondre.
Vous y êtes retourné depuis la soirée polémique de fin 2014 où on a notamment dit que vous aviez fait la chenille dans la salle ?
Non mais je vais y retourner. D’ailleurs ça m’a amusé cette fausse polémique probablement lancée par un gaucho-gauchiste. L’ambiance était plutôt bonne avec les élus présents, la soirée était réussie. Des gens pensent que la politique politicienne est plus intéressante que l’exercice d’un mandat. C’est leur droit. Ca m’a fait ni chaud ni froid.
« Mon rôle n’est pas de me substituer aux autres mais d’animer une équipe »
Voulez-vous que cette salle reste dédiée aux musiques actuelles ?
Elle a été faite pour accueillir des jeunes. Mon curseur c’est la fréquentation. On ne va pas dépenser 800 000€ de fonctionnement par an pour accueillir peu de monde.
Ca permet de soutenir des groupes locaux…
Ca reste à démontrer, il suffit de regarder la programmation. Vous m’en ferez le compte. 800 000€ c’est aussi fait pour accueillir du monde, pas seulement pour faire plaisir à quelques-uns.
Revenons sur le bureau des maires… Vous disiez qu’il y avait beaucoup de débats. Mais ces derniers échappent aux séances publiques. Certains estiment qu’ils devraient avoir lieu en conseil communautaire…
Vous ne débattez pas sereinement quand vous êtes 80-100 dans une salle en permanence avec chacun qui met son grain de sel… Le bureau des maires fonctionne bien et permet d’avancer. Je ne vois pas d’autre type d’organisation. Il y a bien une commission des finances au sein du bureau des maires. On ne va pas en faire une avec des gens qui ne sont pas dans l’exécutif et ramènent leur avis. Ce fonctionnement avait été initié par Jean Germain. Le bureau des maires a souhaité le poursuivre. Je ne vois pas pourquoi j’irais contre.
On ne vous voit pas beaucoup représenter l’agglo au cours des événements publics. Est-ce que vous êtes assez sur le terrain local ?
Oui. Mon rôle n’est pas de me substituer aux autres. Il y a deux types d’élus : ceux qui sont partout et ne délèguent rien et ceux qui sont là pour animer une équipe. C’est ma conception du pouvoir et j’y tiens. Si vous nommez un vice-président à la culture et que vous faîtes tous les événements culturels, personne ne le verra et tous n’auront accès qu’au président car le vice-président en charge paraîtra doté de peu de moyens.
Propos recueillis par Olivier COLLET