L’évolution du statut de l’agglomération semble être le plus gros enjeu du moment. Au détriment du reste ?
C’est le nouveau président du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire Jean-Gérard Paumier qui l’a lâché en premier en public dans son discours de prise de fonction : Tours cherche à devenir une métropole et aimerait que cela arrive vite, pourquoi pas dès 2017. Aujourd’hui, Tour(s)Plus est une communauté d’agglomération. Elle gère déjà les transports, l’économie, le tourisme, la collecte des déchets… Jusqu’ici, vu sa taille (22 communes et 300 000 habitants) on la voyait plutôt devenir communauté urbaine, mais personne ne s’investissait vraiment dans cette perspective d’évolution, trop d’efforts et pas assez de prestige en retour semble-t-il.
Alors que le mot métropole sonne beaucoup mieux. En sautant un pallier, il placerait Tours dans le cercle des plus grandes villes de France : Nantes, Rouen ou Rennes pour ne citer que ses voisines du grand Ouest. Être une métropole ça veut dire toucher une belle rallonge budgétaire de la part de l’Etat en ces temps où Paris baisse les dotations. Mais être une métropole cela signifie aussi mettre les plus gros dossiers dans un pot commun, tout faire ensemble (l’eau, l’urbanisme, la voirie…). Certains y voient des avantages comme une harmonisation des prix et des économies d’échelle, d’autres craignent leur perte d’indépendance. De plus, qu’ont vraiment à gagner les populations de Mettray ou St-Etienne-de-Chigny à voir Tours devenir métropole ? Ca va changer quoi dans leur quotidien ?
A tout cela, ajoutons que Tours va devoir ruser pour accéder à cette division administrative supérieure. Normalement, une métropole, c’est 400 000 habitants, et 100 000 âmes ça ne se trouve pas comme ça d’un claquement de doigts, d’autant qu’aucun projet d’agrandissement de l’agglo n’est à l’ordre du jour, ni à Tour(s)Plus, ni à la préfecture. Heureusement que Tours répond a priori à un deuxième critère permettant de devenir métropole : on compte 400 000 salariés dans la zone d’emploi. N’empêche, c’est le pouvoir central qui décide de tout ça, Paris, le gouvernement, Manuel Valls. Et, hormis la ministre de la santé Marisol Touraine (qui n’est même pas de l’agglo mais du Val de l’Indre), le département n’a pas beaucoup d’alliés dans les hautes sphères du pouvoir. Par ailleurs, ce dernier a, sûrement, d’autres dossiers plus importants sur le feu à un an d’une présidentielle qui vont donc logiquement prendre le pas sur la quête de reconnaissance d’une agglomération frustrée de ne pas être capitale régionale.
Car afficher le label Tours-Métropole, ce serait un joli pied de nez aux voisins orléanais. On n’était persuadé qu’ils étaient hors de course sur ce coup-là mais ils font coucou de loin : objectif communauté urbaine en 2017, métropole en 2018, à la faveur d’une modification législative et avec l’atout de la capitale régionale dans la manche : « La métropole, c’est pas avoir un chapeau plus beau que l’autre » disait ce week-end le maire d’Orléans Olivier Carré dans La République du Centre. « Je souhaite qu’on continue à collaborer avec Tours. Mais les choses sont simples : on avait une lecture de la loi fermée, qui faisait qu’on ne pouvait pas passer (en métropole). Tours a une lecture ouverte… Mais il se pourrait qu’il y ait eu des interprétations de la loi qui ne se confirment pas dans les jours qui viennent… »
« N’opposons pas, à nouveau, Orléans et Tours » clame le président de l’AgglO dans le même article… La version officielle, sans doute. Car peut-on avoir deux métropoles dans la même région, elle-même petit-poucet depuis la dernière réforme territoriale ? Tout ça pour des villes ric-rac sur les critères et qui ont déjà du mal à s’inscrire dans l’agenda national ? Car être métropole ce n’est pas seulement ajouter une particule à son nom, c’est aussi être capable d’engager une dynamique économique, culturelle, urbanistique, citoyenne, environnementale… Prenons alors pour seul exemple celui que l’on connait le mieux : Tours. Ici, on patine avec le deuxième tram, on cherche encore une ligne économique et touristique claire, il y a des blocages entre élus sur une vision commune de l’urbanisme… Autant de problèmes qu’il semble un peu plus urgents de régler avant d’aller faire du lobbying à Matignon. Au risque de se faire recaler.
Olivier COLLET