Sécheresse du Cher : l’Etat va prendre un arrêté pour sauver Chenonceau

Le château est menacé par la baisse des eaux du Cher.

Non, ce n’est pas normal d’avoir aussi peu d’eau dans la rivière à la mi-avril. Le Cher est dangereusement bas, « il baisse d’1cm à 2cm par jour » s’alarme le conseiller départemental du canton de Bléré Vincent Louault. Un mauvais signal pour la faune et la flore, et puis une vive inquiétude pour le château de Chenonceau. A l’heure où tous les regards se tournent vers Notre-Dame de Paris qui a brûlé lundi soir, un joyau du Val de Loire, le seul château qui enjambe une rivière, est également en péril. Moins immédiat. Mais tout de même.

« Les fondations de Chenonceau nécessitent qu’il y ait de l’eau en permanence afin de ne pas abimer le bâtiment. Avec cette sécheresse exceptionnelle, on observe des rapides sous le château. Comme en Dordogne. La conséquence c’est un effet abrasif et que toute une partie des fondations sont hors d’eau. »

Vincent Louault, conseiller départemental d’Indre-et-Loire

Pour bien comprendre, il faut rappeler que la partie sud du Château des Dames (côté forêt, côté Francueil) repose sur de la roche. En revanche sa partie nord côté parc repose sur des pieux en bois et un sol beaucoup moins stable : « si ça tient c’est parce qu’il y a de l’eau en permanence » insiste Vincent Louault. « Une partie des fondations est asséchée et va travailler alors que l’autre partie posée sur le rocher ne travaille pas. Le risque c’est le même que lorsque le Pont Wilson de Tours s’est écroulé (en 1978, ndlr) : la veille il allait très bien. »

L’urgence de relever le barrage de Civray

Sur le site, la préoccupation se fait sentir… « La parole de notre conservateur est suspendue pour le moment. Les enjeux sont très importants pour le château et des analyses sont en cours » nous répond sa directrice des relations publiques. Vincent Louault est plus bavard : « on est sur un risque de fissuration. Ce n’est pas une fois qu’il sera tombé qu’il faudra réagir. C’est comme Notre-Dame qui ne devait pas brûler. Je ne porte pas la responsabilité de dire que ça n’a aucune incidence de laisser ce château au sec. »

Peut-on faire quelque chose ? A en croire l’élu la réponse est oui : la solution serait de remonter le barrage à aiguilles de Civray-de-Touraine ce qui aurait mécaniquement pour conséquence de faire remonter le niveau de l’eau. Mais ce n’est pas possible avant le dernier vendredi de mai (le 31) en vertu d’un règlement imaginé pour ne pas perturber la migration des poissons. Le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire en appelle donc à l’Etat pour obtenir une dérogation, d’autant qu’il a récemment créé une passe à poissons géante juste à côté du barrage, justement pour pouvoir se passer du barrage tout en laissant un espace aux poissons. Un chantier à 530 000€.

Une démarche en cours

A ce moment, Vincent Louault fait un aveu : « l’eau est déjà descendue si bas en décembre ce qui avait nécessité la remontée du barrage pendant deux mois à une période où il n’y a pas de remontée de poissons migrateurs. Je n’avais pas eu l’autorisation de l’Etat, c’était illégal et j’avais écopé d’un rappel à la loi. » Ce coup-ci, il en appelle donc aux services de la préfecture pour gérer  l’urgence : « Chenonceau vit grâce à ces barrages à aiguilles. Et avant grâce à un moulin. Il y a toujours eu de l’eau sous le château. Si l’Etat me donne l’autorisation je peux remonter le barrage en 6h. »

L’élu demande également à l’Etat la signature d’une doctrine pérenne pour autoriser la remontée systématique du barrage dès que le Cher descend sous un certain niveau, les poissons passeraient alors par la rivière de contournement. Un sujet qu’il abordera dès le 23 avril avec la ministre Jacqueline Gourault attendue sur le Blérois.

Un arrêté en urgence

A la Direction Départementale des Territoires, Damien Lamotte nous précise que la préfète Corinne Orzechowski a récemment reçu un premier diagnostic sur l’état du monument :

« Cela va nous conduire à préparer un projet d’arrêté pour encadrer une dérogation permettant de relever le barrage. Nous allons donc préparer un arrêté à titre conservatoire qui sera présenté dans les tous prochains jours. Ensuite on avisera sur le plus long terme. C’est un compromis entre les enjeux économiques, patrimoniaux et piscicoles. »

Le responsable administratif poursuit : « on avait demandé des informations techniques en début d’année sans les avoir eues. Là, la préfète les a demandées directement. Elles ont été fournies par l’architecte des monuments historiques et laissent penser qu’il y a une inquiétude mais à ce stade c’est trop court pour juger de l’importance de l’enjeu. L’arrêté sera donc pris à titre conservatoire pour éviter une dégradation de la situation. Ensuite on se mettra autour de la table pour regarder ça sérieusement pour gérer ça dans la durée, surtout si les situations de sécheresse sont amenées à se reproduire. »

Olivier Collet / Photos : Claire Vinson, octobre 2018

 A noter qu’en plus des risques pour Chenonceau, un bateau touristique menace de se fissurer alors que ses réservoirs contiennent 2 000l de fioul.

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