Dessinateur, photographe et écrivain, Jonathan Wable invite à une visite picturale de ce quartier tourangeau méconnu. Certains résidents se sont pris au jeu.
La porte du 1, Place Charles Dubourg est grande ouverte. Dans l’entrée de l’immeuble, une affiche invite à s’attarder. Là est installé l’atelier de Jonathan Wable, grâce à la complicité de l’association Ecopia et de Tours Habitat qui prête le local. Depuis maintenant deux mois, cet artiste-écrivain (Tourangeau depuis 4 ans), est devenu un personnage à part entière du quartier des Bords de Loire. Situé entre les quais, le Boulevard Preuilly et le site Mame, ce secteur enclavé de la ville de Tours qui abritait les anciennes casernes n’a, a priori pas vraiment de charme. On n’y va pas si l’on a rien à y faire. Mais peut-être qu’on se trompe.
Jusqu’à la fin de l’été, Jonathan Wable va fouiller les moindres recoins de cette partie de la ville, de part et d’autre du Lycée Albert Bayet, afin de prendre des photos des bâtiments et des espaces. Du quartier tel qu’il est et que le piéton le voit. Une fois ramenées à son atelier, les potos deviennent des dessins. Un procédé qu’il utilise depuis de nombreuses années, depuis sa formation aux Beaux-Arts. C’est d’ailleurs le seul grâce auquel il arrive à produire des dessins. S’il utilise juste son imagination, ça ne marche pas.Pour la technique, il pose la photo sur une large lampe, sa feuille par dessus et dessine « du coup je ne découvre le résultat qu’à la fin »
« Les gens apprécient qu’il se passe quelque chose dans leur immeuble »
Créée en 2004 entre le Loir-et-Cher et la Touraine, c’est donc l’association Ecopia qui a fait appel à lui pour ce projet afin de donner une image originale de l’urbanisme. L’idée étant de publier « un carnet de ville » regroupant une série de dessins de l’artiste mais aussi des habitants. « Tous ne souhaitent pas participer mais beaucoup nous saluent et apprécient qu’il se passe quelque chose près de chez-eux, dans leur immeuble » expliquent Jonathan et Florine qui l’assiste.
Au cours de ses visites, il a ainsi constaté que la vie existait ici mais qu’elle était souvent limitée aux frontières, enclavée. Notamment à cause de la disposition des bâtiments, qui donnent sur des cours et des jardins plutôt que sur la rue. C’est élégant mais cela crée parfois des problèmes de promiscuité et des conflits de voisinage. L’artiste parle « de jungle urbaine ».
Et pour dynamiser les choses, le projet du Carnet de Ville est une bonne piste. Parce qu’il implique les Tourangeaux de ce quartier récemment classé prioritaire dans le cadre de la politique de la ville de l’Etat (« même si les habitants ne doivent pas vraiment en avoir conscience et ne voient pas encore ce que cela peut changer »). Jonathan invite ainsi les résidents à le rejoindre au cours d’ateliers pour dessiner « et ils n’ont pas du tout la même vision que moi. Avec moins de technique, ils m’impressionnent ». Des jeunes du Bocal (de l’association Courteline) se sont notamment associés au dispositif.
Redonner une identité au quartier
En observant attentivement les détails des Bords de Loire – regroupant 1 000 habitants – Jonathan a appris à connaître et apprécier l’ambiance qui y règne. Ce qu’il déplore, c’est qu’il y ait un manque d’identité, d’histoire commune. Même si les habitants sont souvent ici depuis de nombreuses années. Il essaie donc de recréer un peu de lien social, d’amener les gens à se rencontrer, à échanger, à faire parler leurs talents et leur curiosité. « C’est une présence amie » résume-t-il pour définir sa venue. On devrait le croiser entre les murs jusqu’à fin août en attendant la restitution du travail pour le 26 septembre, date pour laquelle 1 000 carnets de dessins devraient être édités. Une fête au cœur du quartier aura lieu pour l’occasion. Peut-être le point de départ d’autres projets pour Ecopia qui pourrait notamment afficher des dessins en grand pour colorer la ville… On en reparlera.
Olivier COLLET
Précision : le premier dessin est signé Jonathan Wable. Les deux autres d’habitants du quartier. Mais les trois ont été réalisés à partir de la même photo de jardin.
