Coronavirus en Touraine : le droit de retrait, un recours pour ne pas tomber malade au travail ?

La question se pose dans plusieurs entreprises.

Lundi soir Emmanuel Macron a annoncé des mesures de confinement pour 15 jours. Moyennant une attestation personnelle et un document de son employeur il reste autorisé de se déplacer pour travailler quand le télétravail est impossible. De nombreuses entreprises restent donc ouvertes… mais plusieurs salariés se posent des questions. Voici quelques témoignages parvenus jusqu’à notre rédaction :

« Mon fils s’est rendu à son travail (TLD Sorigny). Tous les bureaux et l’infirmière sont en télétravail. Par contre ils sont entre 80 et 100 dans l’usine. Ils travaillent par groupe de 3 à 6 sur le même tracteur sans masque sans gel et avec une proximité de 1m qui ne peut pas toujours être respectée. »

(Témoignage reçu avant le confinement strict de mardi midi, la situation de la société a évolué depuis avec une réduction des effectifs).

« Je travaille comme porteuse de journaux pour La Nouvelle République (distribution des journaux en boîte aux lettres avec mon véhicule personnel). Mon employeur m’a envoyé l’attestation pour autoriser mes déplacements. Compte tenu des mesures de confinement annoncées et du fait que mon activité n’est pas de première nécessité, suis-je réellement obligée d’assurer ma tournée ? »

« Travaillant dans le nettoyage des chambres d’un hôtel qui ne reçoit que des clients venant d’autres régions je constate que les poubelles des chambres ne contiennent plus que des boîtes de médicaments vides, alors qu’en temps normal ce sont des déchets alimentaires. Cela nous met dans l’angoisse malgré les gants et masques. Suis-je autorisée à demander volontairement un chômage technique pour protéger mes proches ? »

La situation que nous vivons étant inédite et – il faut le dire – par moments anxiogène, ces questions ne sont pas surprenantes. Elles se posent un peu partout. Y compris chez les soignants, comme les infirmières libérales : « Je n’irais pas travailler sans protection » nous disait l’une d’elles ce mercredi. Même préoccupation dans les EHPAD, où selon un témoignage reçu depuis Rochecorbon le manque de protection des résidents âgés et du personnel laisse à désirer.

Manifestation dans un centre d’appel à Tauxigny

Ça ne s’arrête pas là. Dès mardi, un syndicat de police régional s’est alarmé du manque de préparation des forces de l’ordre amenées à contrôler les déplacements pendant la période de confinement. Ses responsables évoquaient alors la possibilité d’exercer leur droit de retrait, procédure autorisant un(e) salarié(e) à cesser le travail s’il estime que sa sécurité est menacée. A Armatis-LC, centre d’appel de Tauxigny, des salariés ont… manifesté ce mercredi, s’estimant justement en danger vu leurs conditions de travail actuelles (pas de gel hydroalcoolique suffisant, promiscuité dans la zon de travail). Des questions qui se posaient avant même les mesures de confinement ce week-end, d’après des informations recueillies par le syndicat FO.

Des critiques, on en trouve aussi à La Poste : « L’accès à des points d’eau et la possibilité de se laver les mains dans de bonnes conditions ne sont pas mis en place. Les gels hydroalcoolique, lingettes, gants et autres outils « barrières » ne sont pas, ou en nombre très insuffisants, mis à disposition. Les outils de « distanciation » sont insuffisants. Les locaux sont sales » déplore la CGT en Indre-et-Loire, expliquant avoir alerté la préfète lundi.

Dans cette situation, comment réagir ? Quels sont les recours pour les salariés ? Le droit de retrait est-il justifié ? « Pour exercer son droit de retrait il faut mettre en avant un danger grave et imminent pour sa sécurité » prévient Pierre Fabre, le responsable de la DIRECCTE en Indre-et-Loire (la DIRECCTE c’est la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). « Concernant la pandémie que nous vivons, il ne suffit pas de l’invoquer pour justifier de stopper le travail. Il faut que cela corresponde à un danger grave comme des geste barrière non respectés, une suspicion d’infection d’un salarié… Et il faut pouvoir le justifier. Nous sommes en train de préparer un document d’information précis sur ce sujet. »

Pour exercer son droit de retrait, il faut contacter l’employeur

L’absence de masques ou de gel hydroalcoolique sur le lieu de travail peut-il être un motif de droit de retrait ? « Un manque de gel n’est pas forcément un danger grave et imminent. Ce qui peut l’être c’est si l’éloignement d’1m minimum entre deux salariés n’est pas respecté, ou si les règles d’hygiène élémentaires ne sont pas suivies. Tout dépend aussi du poste de travail » répond Pierre Fabre qui souhaite privilégier le dialogue avec les entreprises pour résoudre les problèmes qui se poseraient. « Si rien n’est fait, c’est au salarié d’en tirer la conclusion. » Une organisation syndicale rappelle de son côté qu’en cas de contestation d’un droit de retrait, seul un juge peut décider de son irrecevabilité.

Dans le cas où quelqu’un déciderait d’exercer son droit de retrait, il faut le notifier à l’employeur via un document. Une fois alertée, la société « doit mettre en place les mesures adéquates » souligne Pierre Fabre. Dans les entreprises qui ont des représentants du personnel ou un CSE (Conseil Social et Economique) il est primordial de se rapprocher d’eux pour encadrer la procédure, « c’est leur rôle ». La DIRECCTE d’Indre-et-Loire notre que plusieurs dossiers sont remontés jusqu’à elle ces derniers jours, « notamment dans le secteur des services. Mais ça ne représente pas une multitude de dossiers. Nous avons aussi beaucoup d’entreprises qui ont des craintes et auprès desquelles nous faisons une information préventive. »

Olivier Collet

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