Cette information qui circule est facilement contestable…
Précision : cet article a été initialement publié vendredi matin puis modifié samedi matin. S’il fait bien état d’une rumeur, son objectif a dès le début été de l’analyser pour bien comprendre sa fragilité et évoquer une tentative de manipulation.
Depuis bientôt deux mois, les salariés du CEA de Monts se battent contre la fermeture annoncée du site du Ripault à l’horizon 2019. 600 emplois sont concernés, l’objectif annoncé étant un transfert des activités dans le Bordelais. L’un des principaux problèmes des opposants à ce projet est que depuis son annonce, les autorités militaires n’ont pas expliqué leur choix. Mais ce jeudi, une information portée à notre connaissance a émis une supposition : Francois-Joseph Geleznikoff, directeur des applications militaires en charge du CEA aurait été mis à l’écart de la procédure. Et ce parce qu’il est aussi administrateur de Cilas, un sous-traitant du CEA dont le siège social est à Orléans mais qui dispose d’une usine à Bordeaux.
Vérification faite, cet homme de 66 ans fait bien partie de la liste des dirigeants de cette société dont le capital est partagé entre Airbus et Areva. Et qui est actionnaire d’Areva à 86% ? L’Etat. La France a également 11,6% du capital d’Airbus. Bref, société de droit privée, Cilas n’en reste pas moins largement propriétée de l’Etat français pour lequel elle travaille. Voilà donc l’explication à la présence assumée de Mr Geleznikoff dans la liste des administrateurs de Cilas, aux côtés de dirigreants d’Airbus.
Ce samedi matin, Philippe Lugherini – PDG de Cilas – nous l’a confirmé en personne : « sa situation administrative est régulière et correspond à un statut particulier de surveillance de l’entreprise par l’Etat. Mr Geleznkioff ne touche aucune rémunération, aucun dividende ni stock option. Pour l’anecdote, cette année, il ne pourrait toucher qu’1€70. ». On ne peut plus clair.
Pourquoi propager de fausses rumeurs ?
Ainsi, Mr Geleznikoff n’a jamais caché ses liens avec l’entreprise s’affichant par exemple lors de l’inauguration de l’unité de production d’Aquitaine en 2012 comme le relate cet article de Sud-Ouest. A cette époque, il était déjà directeur des armes nucléaires « il conduisait les programmes de l’arme nucléaire aéroportée, jusqu’à sa mise en service ainsi que le développement de la tête nucléaire océanique. » nous explique le site officiel du CEA faisant sa biographie au moment de sa nomination à son poste de directeur des applications militaires en 2015. On notera que c’est aussi un ancien directeur du Ripault, dès 1998.
Si l’on a trouvé ces liens si facilement, on se demande comment on peut vraiment vouloir propager une telle rumeur mise en doute en quelques clics et confirmée par voie officielle quelques heures plus tard. D’autant que sur des dossiers sensibles comme le nucléaire, il y a de nombreux contrôles au plus haut de l’Etat. « Ce genre d’informations nuit gravement à notre société et à ses intérêts » précise Mr Lugherini de Cilas. Il ajoute que, lorsque l’entreprise a eu des problèmes avec l’amiante au bâtiment de son siège orléanais, elle a choisi d’en reconstruire un sur le même lieu pour préserver l’emploi local au lieu de délocaliser.
De plus, bien avant la prise de poste de Mr Geleznikoff, son prédecesseur à la direction du CEA envisageait déjà un transfert du site de Monts vers Bordeaux : le justifiant en ces termes : « Notre organisation actuelle entre le centre du Ripault près de Tours et celui d’Aquitaine peut être plus efficace, en se regroupant autour de ce dernier, où les équipes bénéficieront en outre des liens avec l’aéronautique. »
Bref, il assumait officiellement l’intérêt économique de la manoeuvre dans le cadre du contexte difficile des finances de l’Etat. Et, forcément, des entreprises ont toujours intérêt à voir arriver un CEA près de chez-elles vu l’activité qu’il génère. C’est le cas pour Cilas à Bordeaux (puisque comme nous l’explique son PDG elle n’est aujourd’hui pas sous-traitante du Ripault), mais ce n’est évidemment pas la seule. Pour s’en convaincre il suffit de regarder le nombre de sous-traitants craintifs en Touraine suite à la fermeture annoncée sur notre territoire.
Pour terminer sur ce point, notre interlocuteur anonyme nous annonçait que son coup de fil n’était que le premier d’une liste de révélations à venir. Si elles sont aussi fumeuses, ça promet. Alors, tentative d’instrumentalisation des médias en vue de déstabiliser les autorités militaires et influencer l’opinion ? Se cache-t-il de véritables scoops vu que les autorités militaires ne veulent pas justifier publiquement les raisons très précises de la fermeture du Ripault réclamée par ses salariés ? A suivre… Ce qui est sûr, c’est que certains sont prêts à tout et que les boules puantes risquent de primer sur les débats censés… Bien sûr il ne faut pas cacher des révélations si elles sont avérées, mais il faut s’en méfier encore plus quand elles sont non assumées par des personnes se cachant. Les fausses rumeurs et dénigrations ne servent pas à rendre les luttes sociales crédibles.
Olivier COLLET