Harcèlement de rue : un Mur de la Honte Rue Nationale

« En colère », les femmes prennent la parole à Tours.

« Peu importe ce qu’on fait, peu importe l’heure, le quartier… On est sifflées, interpellées, insultées, on subit des regards insistants… » : Léa et Fanny ont 24 ans. La première est aide soignante de nuit à Tours, la seconde psychologue du travail. Elles sont amies et elles sont « en colère ». En colère contre le harcèlement de rue.

Quand on lui demande de nous raconter ce qu’elle vit, ce qui l’énerve, Fanny répond d’un sourire jaune : « par où commencer ? » Après quelques secondes, elle poursuit : « ça a débuté à l’âge de 13 ans, ça a continué quand j’étais ado, pendant les études et encore maintenant. » Un exemple parmi tant d’autres ? « Un homme dans le tram qui fixait mon décolleté. Je lui ai fait un regard noir. Il a levé les yeux, il m’a souri, et il a de nouveau baissé le regard vers mon décolleté. En descendant, j’ai vérifié qu’il ne me suivait pas. » Au cas où, la jeune femme a toujours une bombe lacrymogène dans son sac, et elle en a offert à ses copines.

Léa aussi a une mésaventure marquante à raconter, une parmi tant d’autres : « c’était en boîte… J’étais avec une amie, un homme d’une trentaine d’années m’a dit bonjour avec un regard salace… Je l’ai regardé de façon à ce qu’il comprenne que je n’étais pas intéressée mais il m’a clairement dit que c’était un manque de politesse, que je devais lui répondre. » Ce soir-là, excédée, la Tourangelle a tenté de le raisonner : « c’était le dixième de la journée… Alors à force on devient irritable. »

Le hashtag #metoo dans la vraie vie

Ces propos ont-ils poussé ce fêtard à se remettre en question ? Pas sûr… Mais Léa et Fanny ne désespèrent pas. Toutes deux sont militantes. Avec une troisième femme, Nicole, elles gèrent depuis un an l’antenne tourangelle de l’association Stop Harcèlement de Rue, une structure créée à Paris en 2014 et présente dans une quinzaine de villes françaises. Présentes sur les réseaux sociaux, en lien avec d’autres associations comme Osez le féminisme et en contact avec la délégation départementale aux droits des femmes, elles essaient de faire bouger les lignes à leur échelle. En début d’année, elles avaient monté un Mur de la Honte Rue Nationale afin de recueillir des témoignages sur des post-it. Et elles recommencent ce vendredi.

« Il fallait mettre notre colère dans quelque chose de productif. On s’est rendu compte qu’on pouvait se regrouper, changer ça » expliquent les deux femmes. « Plus on en parlait, plus ça nous agaçait. A 15 ans, je ne me rendais pas forcément compte, je ne parlais pas de harcèlement, je voyais plus ça comme un mec relou. » note Léa. « Le harcèlement, c’est au moins arrivé une fois à toutes nos amies. Et on voit aussi que les hommes se rendent compte du phénomène quand les copains de nos copines réalisent à quel point elles se font embêter » ajoute encore Fanny.

« Le harcèlement ne tue pas la drague »

Même si certains de leurs proches ont du mal à comprendre leur engagement, les deux bénévoles ne lâchent pas, encouragées par la libération récente de la parole suite aux différentes affaires médiatiques et aux hashtags #balancetonporc et #metoo qui ont explosé sur Internet… « C’est une cocotte minute au bord de l’explosion, une prise de conscience. C’est bien, il faut que ça continue. On découvre que des gens que l’on ne soupçonnait pas font ça et ont la main mise sur les femmes. » Et n’allez pas leur dire que lutter contre le harcèlement de rue sonne la mort de la drague : « si le harcèlement de rue n’existait pas, la drague serait peut-être plus facile. Si moins de personnes nous embêtaient, on serait certainement plus ouvertes.

« Ce n’est pas à nous de changer nos habitudes » préviennent encore les deux fondatrices de Stop Harcèlement de Rue à Tours. Elles en sont persuadées, la situation ne s’améliorera que via un changement d’attitude des hommes… « Qu’ils prennent conscience qu’ils ont été trop loin, qu’ils ont créé un sentiment d’insécurité en marchant derrière une femme, en s’approchant d’elle, par la façon dont ils lui ont parlé… Et puis ce n’est pas parce qu’une femme est en jupe ou seule assise au bord qu’elle est forcément en recherche d’une relation. Ce sont des choses toutes bêtes, mais pas acquises auprès de tout le monde. »

Bientôt une quinzaine de militant.e.s

Pour faire passer le message, l’association récidive donc avec un deuxième Mur de la Honte de 12h à 14h et de 17h à 18h30. L’occasion aussi d’alerter sur l’homophobie ou le transphobie : « 97% des Tourangelles se font harceler dans la rue, mais cela concerne aussi 50% des personnes LGBT. » Par la suite, une conférence gesticulée sur le consentement est prévue jeudi 16 novembre à 19h au 1er étage des Halles de Tours (cette conférence est organisée par le Service de santé universitaire de l’université de Tours sur inscription par mail via [email protected])… Et ce n’est sans doute que le début : Léa, Fanny et Nicole ont reçu une quinzaine de propositions pour agrandir leur équipe. Y compris des hommes.

Olivier Collet

La page Facebook de Stop Harcèlement de Rue à Tours.

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