PRESIDENTIELLE EN TOURAINE : La tête déjà tournée vers les législatives

Le 1er tour à peine passé, une nouvelle campagne commence, sur le terrain et en coulisses. Analyse détaillée de la situation.

Il y a bien quelques âmes sceptiques (et quelques autres qui ont de l’espoir) mais pour beaucoup la messe semble dite : dans moins de 15 jours maintenant, Emmanuel Macron sera élu président de la République, à la suite de François Hollande. En tête avec 24% des voix au soir du premier tour, avec presque trois points de plus que Marine Le Pen, le candidat d’En Marche est le mieux placé pour l’emporter, notamment grâce au « soutien » (les guillemets ont leur importance) de François Fillon et Benoit Hamon.

Pourtant, ça aussi c’est entendu, Emmanuel Macron ne remportera pas la présidentielle aussi facilement que Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002. S’il dépasse les 65% il pourra ainsi s’estimer heureux. Le fameux « front républicain » qui avait si bien marché il y a 15 ans est beaucoup moins évident aujourd’hui.

Déjà, à droite, il y a ceux qui rechignent à faire de leur vote Macron une consigne de vote (Philippe Briand, maire de St-Cyr-sur-Loire en tête) et même ceux qui rechignent à dire qu’ils voteront pour lui (le maire de Tours Serge Babary, qui met dans la balance ses inquiétudes sur l’avenir des recettes des communes). Ensuite, à la gauche de la gauche, il y a le camp Mélenchon parti sur sa version à lui du « ni, ni » : pas de Le Pen mais pas de Macron non plus. Il faudra donc surveiller attentivement le chiffre de l’abstention mais surtout celui du vote blanc (désormais différencié du nul à défaut d’être reconnu) pour voir combien d’électeurs ont refusé de choisir. Le futur président (ou la future présidente, après tout) devra faire avec. Surtout que si c’est Macron, il devra bien intégrer que déjà au 1er tour, une partie de ses voix étaient calculées (pour faire barrage à la droite) à défaut d’être des votes d’adhésion francs.

Au sujet de ce refus de choisir de certains, outre une position idéologique, on peut aussi le voir comme une stratégie en vue des élections législatives. C’est tout bientôt, les 11 et 18 juin. Et que ce soit à droite ou à gauche, on espère bien sauver un maximum les meubles lors de ce second scrutin qui va influer sur le quinquennat (si aucune majorité franche ne se dégage, il faudra des alliances texte par texte, par exemple). Du coup, soutenir très ouvertement Emmanuel Macron aujourd’hui, c’est se lancer dans une campagne plus difficile demain. Il faudra expliquer qu’on était derrière lui dans certaines circonstances mais que maintenant il faut l’empêcher d’avoir un groupe de députés trop fort à l’Assemblée afin qu’il ne puisse pas trop faire ce qu’il veut. Tenir ce discours là est plus facile si l’on a appelé à voter blanc.

Les Mélenchonistes veulent éviter le débandade

Parmi les partisans de cette dernière solution, on retrouve justement un soutien tourangeau de Jean-Luc Mélenchon : le jeune communiste Léonard Lema, candidat aux législatives sur la circonscription de Tours (la N°1). Vu le score de son candidat sur le territoire (2ème derrière Macron à 23,8%) il se verrait bien déjà au second tour dans un mois et demi : « on est fier » commente-t-il en ce début de semaine. « Mélenchon, le Parti Communiste, ce n’est plus considéré comme l’extrême gauche mais comme la vraie gauche. C’est la première force de gauche à Tours. » Avec un discours qui a notamment porté dans les quartiers populaires, loin devant celui du FN. « On a réussi à rassembler au-delà des partis traditionnels de gauche. On a eu 30 à 40 militants pour faire les marchés, on a distribué 50 000 tracts… Ca faisait des années que ça ne s’était pas fait ! Plein de jeunes ont adhéré et les Français peuvent compter sur nous pour continuer la bataille. »

Donc si le scénario de la présidentielle se répétait en juin, tous les rêves seraient permis pour ce jeune vingtenaire qui était en tête de cortège l’an dernier contre la loi Travail et sourit quand on lui dit que Jean-Patrick Gille (député PS actuel à Tours, candidat à sa succession et donc adversaire) n’était pas au mieux de sa forme dimanche soir. Cela dit, Léonard Lema est bien conscient qu’il peut se passer beaucoup de choses en un mois et demi : « forcément il va y avoir un effritement des votes aux législatives. Ce sera peut-être dû à la baisse de la dynamique mais aussi au nombre de votants qui est plus bas qu’aux présidentielles. A nous donc de faire un vrai travail de terrain, aller dans les quartiers, fidéliser les électeurs. »

Il faudra aussi, et surtout, trouver un accord avec Claude Bourdin, l’autre candidat mélenchoniste de Tours pour éviter le scénario d’une division qui doucherait tout espoir : « on espère un rassemblement rapidement car on défend le même programme. On en parle, on va se voir bientôt. L’objectif c’est de faire un accord sur tout le département. Ce serait vraiment bête de partir séparés. »

Le Front National en embuscade

Pendant ce temps, au FN, on analyse aussi les chiffres le regard tourné vers le mois de juin. Pour le parti de Marine Le Pen, les choses ne sont pas si simples en Indre-et-Loire. 4ème force départementale (19%, 64 000 voix), elle gagne des voix par rapport au score du mouvement aux régionales de 2015 (52 000 votes) mais perd en pourcentages (26% il y a un an et demi). Daniel Fraczack, conseiller régional Front National et candidat aux législatives sur le secteur de St-Cyr-sur-Loire et Bourgueil tente de relativiser : « en Indre-et-Loire on est toujours 2-3 points en dessous de la moyenne nationale. »

Sa raison d’espérer : si le rapport de forces reste le même en juin, son parti serait en mesure de se maintenir dans 4 circonscriptions du département sur 5 (toutes sauf à Tours) provoquant alors des triangulaires voir des quadrangulaires. Et là, sauf désistement de candidats, c’est le mieux implanté qui emporte la mise. Le FN pourrait alors avoir des cartes à jouer dans le sud Touraine (Loches et Chinon) ou la droite a en plus le désavantage de partir divisée.

« On gagne le rural et on commence à remporter des villes moyennes comme Langeais, ce n’était jamais arrivé » s’enthousiasme Daniel Fraczack qui constate une Marine Le Pen à plus de 30% dans plusieurs villages (32% à La-Chapelle-sur-Loire). « La nouveauté, c’est aussi d’aller chercher des communes moyennes comme Cinq-Mars-la-Pile. » Du coup, pour renforcer son implantation, le candidat envisage d’aller se montrer plus ouvertement là où on ne le connait pas encore, peut-être via des réunions publiques à Fondettes ou St-Cyr-sur-Loire. A la différence de la campagne présidentielle qui s’est juste faite sur les marchés, et sur l’image de « Marine ».

Droite et gauche traditionnelles face à leurs démons

L’optimisme est donc du côté des extrêmes. Avec tout juste 9% pour Benoit Hamon à Tours, candidat qu’il soutenait, Jean-Patrick Gille (qui espère rempiler à l’Assemblée et se félicitait récemment d’être cité parmi les députés les plus bosseurs du quinquennat) a de quoi s’arracher les cheveux. Il fera très certainement un score plus élevé au premier tour, car il est connu dans la ville, apprécié par beaucoup. Mais il va devoir cravacher, adapter son discours, renverser une situation totalement défavorable en à peine un mois avec tout le monde contre lui.

Du coup, lui qui louvoyait un peu ces dernières semaines, attendant de voir ce qu’il se passait, se réveille subitement : beaucoup de temps passé avec les journalistes dès dimanche soir, communiqué de presse mardi, déjeuner avec les médias jeudi… « Dans un premier temps, élisons un président démocrate, dans un second temps, élisons des députés combattant pour la solidarité, le progrès, l’écologie et pour la construction d’une Europe plus démocratique et plus sociale » commente-t-il. Charge aux électeurs de voir la nuance avec le projet macroniste.

Qu’on se le dise, la droite n’est pas forcément en meilleure posture malgré des pourcentages plus favorables dimanche soir en Touraine, François Fillon étant deuxième (3ème à Tours). Au niveau local, l’alliance LR-UDI tient bon mais avec des faiblesses : des candidats dissidents sur Loches (Marc Angenault) et Chinon (Geoffroy de Vries) sans compter le mouvement 577 pour la France (Marc Lelandais, Augustin Chazal…). A Tours, Céline Ballesteros sera face à une armée de prétendants et se fait encore beaucoup critiquer pour son empressement à vouloir gravir les échelons alors qu’elle n’est élue que depuis 2014. Enfin, sur l’ouest (Bourgueil, St-Cyr…), on ne sait toujours pas qui sera candidat (mais sûrement pas Philippe Briand qui a lâché ce lundi soir « cet été j’aurais sans doute plus de temps libre », laissant imaginer qu’il préférerait garder la présidence de la métropole plutôt qu’un mandat de député).

Au niveau national, la droite est aussi sans capitaine depuis que François Fillon a déclaré qu’il ne se sentait pas légitime pour mener cette bataille (entre nous, voilà Les Républicains sans doute débarrassés d’un sacré poids, certains diront même d’un boulet). « Il va falloir que l’on voit comment ces législatives vont tourner, quelle façon de gouverner vont envisager les uns et les autres » analyse Christophe Bouchet, centriste, soutien de Céline Ballesteros à Tours. « Il y aura des jeux d’alliances à l’Assemblée Nationale, nécessairement. Ca nous promet des rebondissements jusqu’en juillet. » Et parmi ces rebondissements, une droite finalement puissante ayant réussi à séduire des électeurs grâce à son charisme local ? Ce n’est pas impossible.

En Marche compte se doit de transformer l’essai

« C’est une saison haletante » poursuit l’adjoint au maire de Tours qui résumé la situation à une question : « est-ce que les candidats d’En Marche feront un score moins élevé aux législatives qu’Emmanuel Macron à la présidentielle ? Pas sûr. « Je suis de ceux qui pensent que Macron n’est pas un hologramme, ni une bulle mais l’écho d’un mouvement de fond profond qui a su rencontrer un candidat ce qui est rare. C’est l’homme qui illustre le plus l’esprit, la rencontre avec un mouvement populaire. »

Un mouvement populaire qui n’a pas encore officiellement investit ses candidats aux législatives sur l’Indre-et-Loire et a l’ambition d’en présenter partout. « On doit avoir une cinquantaine de candidatures au niveau départemental, 14 000 au niveau national » explique Philippe Chalumeau, représentant des presque 2 000 membres d’En Marche dans le 37 et pressenti pour en porter les couleurs sur les panneaux électoraux à Tours. Mais très vite il dit : « les législatives ce n’est pas le sujet. Pour l’instant, on est de nouveau en position de challenger, on repart en campagne. »

Confiant mais pas trop en vue du second tour, il refuse d’imaginer que ce bon score pour Emmanuel Macron puisse être en partie lié à de la stratégie politique de la part du peuple : « on ne peut pas dire que quand on fait 27% sur une ville les gens ont voté par dépit. Ce qu’ils ont dit c’est qu’ils voulaient tourner la page des vieux partis qui fonctionnent avec des vieux logiciels. » Et il est persuadé que ce sera aussi le cas les 11 et 18 juin : « vous avez du mal à admettre que les Français sont plus en avance que ce qu’on leur raconte et qu’ils veulent un grand coup de balai. Ils ont voulu donner l’impression d’une France debout et confiante dans son avenir. J’ai vu Emmanuel Macron il y a 15 jours et il nous a dit ‘si les Français m’élisent président de la République, derrière ils seront cohérents. » Et pourtant certains disent qu’ils voteront Macron le 7 mai puis autre chose aux législatives pour lui faire barrage : « est-ce qu’ils seront majoritaires ? J’ai l’intime conviction que non » parie Philippe Chalumeau.

Olivier COLLET

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