Au CHU de Tours, entre grogne et grands projets

Alors que plusieurs conflits sociaux et débats émaillent l’hôpital, la direction garde le cap en vue de lourds investissements dans les dix prochaines années.

Une journée, deux événements, à 3h d’intervalle. Ce mardi à 15h quelques dizaines de personnels du CHU de Tours se retrouvent Place Jean Jaurès, sous les bannières de Sud et de la CGT. Il y a là des équipes de gynécologie, de néonatologie, de gériatrie ou même des services techniques. Alors qu’une manifestation nationale des infirmiers est organisée ce même jour à Paris pour dénoncer la dégradation des conditions de travail, ils avancent cette même revendication ici en Indre-et-Loire, dénonçant un manque de personnel ou un manque de moyens et souhaitant le faire en public, en rencontrant les passants et en faisant signer des pétitions.

Puis à 18h, en petit comité à l’hôpital Trousseau, après avoir au départ imaginé une réception à Bretonneau, la directrice du CHU prononce son traditionnel discours de vœux. Un long discours, beaucoup de choses à dire, sans doute que beaucoup de personnes auraient souhaité l’entendre…

Depuis un bon moment maintenant, l’hôpital de Tours semble tiraillé. Les manifestations se multiplient avec notamment deux marches assez conséquentes en fin d’année dernière, le 8 novembre et le 13 décembre. De nombreux services se mobilisent : la gynécologie (avec une grève entamée le 12 décembre), les orthophonistes… Et en parallèle, le CHU continue de briller avec son service de transplantation exemplaire (267 en 2016), ses succès avec des robots, ses projets modernes, le fait que ce soit un site en pointe pour le traitement des AVC, les 742 publications scientifiques de l’an dernier ou la construction d’un nouveau bâtiment tout à côté de la maternité (inauguration prévue fin 2017-début 2018).

Deux discours parallèles, très différents, qui se croisent en quelques points mais peinent à se rejoindre. Est-ce un manque de dialogue entre syndicats et direction ? Un manque d’écoute ? Un refus de voir l’hôpital évoluer ? Difficile d’y voir vraiment clair, de trancher. Mais on peut écouter. Comme cette infirmière de gynécologie, présente entre les fontaines et les rails du tramway devant le Palais de Justice ce 24 janvier. Elle raconte son mois et demi de grève, en relais avec les différentes équipes du service : « on est en service minimum. » Les difficultés ont, selon elle, commencé il y a deux ans : « les arrêts maladie et les départs en retraite ne sont plus systématiquement remplacés. On a le même effectif et les remplacements se font à la marge. »

La jeune femme liste les démarches entreprises avec ses collègues : « on a alerté nos supérieurs, la direction, fait des courriers (une lettre ouverte vient d’être publiée, lisez-là ici, ndlr)… On a essayé des solutions mais on est tellement à bout que la grève c’était le seul moyen. On est peut-être écouté mais pas entendu. » Elle poursuit : « on est épuisé, on a peur d’un oubli auprès des patientes. » Alors que le service compte 22 lits + 12 en ambulatoire, elle fait un constat : « on nous annonce un remplissage de 70%. Les personnes restent moins longtemps, et il y a des sorties anticipées pour faire de la place. Mais on ne prend pas assez en compte le plan psychologique. Ces personnes auraient besoin, et ont le droit, d’être un peu coccoonées vu ce qu’elles ont traversé. »

Un infirmier travaillant en gériatrie fait aussi un constat de multiples difficultés qui durent dans le temps : « nos patients ont 70, 80, voire 90 ans, avec des pathologies de plus en plus lourdes. Ce sont des personnes qui ne peuvent pas être en maison de retraite parce qu’elles risquent de fuguer, par exemple. On a 7 aides-soignants, il en faudrait 11,5 pour nos 25 lits. » A Sud, on déplore des difficultés qui ont débuté dès 2006 et le premier plan d’économies. Aujourd’hui, le syndicat cite des exemples de services obligés de faire la navette entre les hôpitaux Clocheville et Trousseau pour récupérer certains matériels (pompes, pousses-seringues, draps…). Leur objectif désormais : réussir à bien mobiliser au sein du CHU pour partir avec plusieurs bus à une manifestation nationale prévue à Paris le 7 mars.

Ces difficultés, Marie-Noëlle Gerain-Breuzard (directrice de l’hôpital) les a évoquées dans ses vœux, annonçant par exemple le départ d’une dizaine de médecins vers le privé, un nombre supérieur aux habitudes : « nous les avons rencontrés. Ils nous disent qu’ils veulent diversifier leur exercice, évoquent le fonctionnement trop lourd et compliqué de l’hôpital, estiment qu’en clinique ils ne pourront vraiment faire que du médical ou parlent de mésentente dans les services. » Autre phrase de la patronne du premier employeur de l’agglo (9 000 salariés et qui pèse 1,2 milliard d’euros dans le PIB de la France) : « nous ne gagnerons pas avec des personnels fatigués et démotivés. »

« C’est normal qu’on attende beaucoup du CHU. Il faut une meilleure optimisation entre les urgences et les interventions prévues » a ajouté la directrice, reconnaissant qu’il fallait « une meilleure optimisation » de la gestion des blocs opératoires. Quelques chiffres sur l’activité de l’hôpital pour comprendre : 98 000 personnes accueillies aux urgences en 2016 (en extrapolant, ça fait presque 1 habitant de l’Indre-et-Loire sur 6 mais, surtout, un patient qui se présente à l’accueil toutes les 5 minutes). Il y a aussi un net raccourcissement de la durée de séjour : 29% des patients restent 0 ou 1 jour, la durée moyenne d’un séjour est désormais de 3,98 jours contre 4,21 en 2015 : « la différence peut paraître faible mais pour nous elle est importante » a souligné Marie-Noëlle Gerain-Breuzard.

Parmi les pistes d’évolutions : « un accompagnement plus rapproché des patients » par exemple via des tablettes à domicile. Un audit global a également été mené auprès des représentants des usagers, faisant état d’un besoin de l’amélioration du premier accueil à l’hôpital, « un service à développer. » « L’hôpital s’adapte » assure celle qui en est à la tête, gardant fermement son cap et évoquant les projets à un horizon de 10 ans. Pour les réussir, il y a un objectif à atteindre : un taux de marge de 6% (4,1% aujourd’hui). A noter que le déficit du CHU a été légèrement inférieur à 1% en 2016, « et cela sans réduire l’emploi » insiste Marie-Noëlle Gerain-Breuzard.

En 2017, 41 millions d’euros seront investis (dont 17 pour les équipements et 19 pour les travaux). « Nous devons moderniser et réduire nos sites » explique la directrice qui veut rassembler le plus d’activités possibles sur un Trousseau « reconstruit » à Chambray et Bretonneau à Tours. « Nous faisons le parti pris de l’innovation » avec l’ambition de pouvoir investir 650 millions d’euros dans les prochaines années, « pour un CHU moderne et accueillant. »

Olivier COLLET

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