Comtesse Du Barry, Starbucks, Burger King… Les grandes marques tissent leur toile à Tours

On note pas mal d’ouvertures en cette fin d’année. Bon ou mauvais signe ?

Le discours entendu lors de la récente présentation du projet commercial du Haut de la Rue Nationale de Tours était intéressant. On nous disait en substance que l’objectif n’était pas d’attirer sur ce site des chaînes pour la plupart déjà présentes en ville, mais seulement des boutiques haut de gamme, avec un concept original et qualitatif plus qu’un nom connu. Bref, il ne faut pas s’attendre à des grandes enseignes dans ces près de 6 000m² de locaux commerciaux qui doivent ouvrir en 2019 mais ils auront tout de même leur porte-étendard : deux hôtels avec le nom Hilton écrit dessus. Si ça ce n’est pas une marque… Faut-il en conclure que l’un ne va pas sans l’autre ? Voire que l’un sert de vitrine à l’autre ? Analysons un peu cela…

Les marques, donc. C’est fou ce qu’une ville peut être fière et bomber le torse quand elle réussit à en séduire une, autrement dit à la convaincre d’ouvrir un point de vente sur son territoire (souvent c’est pas mal d’emplois créés, ça doit rapporter des voix…). Parfois il y a même l’inverse : l’entreprise qui arrive avec sa belle enseigne toute rutilante et convoite un emplacement de 1er choix, et souvent la municipalité lui déroule le tapis rouge en facilitant les démarches (vous voyez où l’on veut en venir ? Non ? Alors cliquez ici).

L’argument est connu : une grande marque, c’est une locomotive pour tout un centre-ville ou un quartier. Le but : insufler une dynamique, faire de belles photos avec une inauguration bondée… Qu’elle soit « premium » ou pas d’ailleurs (que les produits soient chers ou bon marché, si vous préférez). Ainsi, prenons l’exemple de la Rue Nationale de Tours : Nespresso (cher) et Hema (pas cher) qui ont ouvert à peu de temps d’intervalle ont tous deux été très bien accueillis, et ont suscité un grand intérêt dans la population avec la foule dès les premiers jours.

D’ailleurs, entre nous, c’est dingue cette tendance à vouloir se ruer dans un magasin qui vient d’ouvrir, pour être parmi les premiers clients, quitte à faire la queue pendant longtemps… Deux exemples : les bouchons pour l’ouverture de Ma Petite Madelaine à Chambray-lès-Tours et les bouchons pour l’ouverture de Lidl à Joué-lès-Tours pas plus tard que la semaine dernière. Oui, un supermarché rend les Tourangeaux fous de curiosité… Eh bien vous savez quoi ? Ce n’est que le début.

Car en ce moment, des locomotives commerciales, Tours en attire pas mal. D’ici la fin de l’année, on attend l’ouverture du McDo près de la Place du Grand Marché (à côté du bar Le Tourangeau), d’un Burger King à Chambray la semaine prochaine puis d’un autre Place Jean Jaurès, d’un Starbucks Coffee (le 1er de la région Centre-Val de Loire, ce jeudi 15 à 7h30) encore Place Jean Jaurès… Et ces derniers jours, on a vu Subway revenir en centre-ville (Rue de Bordeaux, après son expulsion de la Rue Nationale pour construire les hôtels) et le déménagement tout clinquant de la boutique de la marque Comtesse Du Barry.

L’enseigne alimentaire du Sud-Ouest spécialisée dans les foies gras se repositionne en franchise à Tours. A sa tête, Isabelle Lemarié, une ancienne de la Chambre d’Agriculture d’Indre-et-Loire qui voulait lancer son entreprise depuis un moment : « la franchise ça me rassure car je suis accompagnée » nous disait-elle face aux élus lors de l’inauguration de sa boutique ce mardi soir (au beau milieu de la Rue Nationale, alors qu’avant elle était au fond de la Rue Charles Gille, avec une autre équipe). Tout a été calculé : ce déménagement au moment des fêtes de fin d’année est un super coup de com’, et les clients affluent pour acheter les produits de fête du Sud-Ouest là où ils ont confiance.

La notoriété, la communication naturelle, l’image de marque, la reconnaissance des politiques… Autant d’atouts donc pour la multiplication de ces enseignes nationales voire internationales dans nos villes et zones commerciales. Ils sont là, il y a une demande voir un désir de les y trouver, les investisseurs auraient clairement tort de s’en priver. Car ouvrir sous une grande enseigne (directement en succursale ou en franchise), c’est plutôt un choix d’investisseur. C’est sûr que sur le papier c’est beaucoup plus facile de faire la pub de Starbucks que celle du Petit Atelier (coffee shop indépendant de Tours), la rentabilité risque d’arriver beaucoup plus vite. Est-ce pour autant un gros nuage noir au-dessus du jardin du commerce indépendant, un abus de position dominante et un choix indispensable pour réussir ? Pas si sûr…

Au Petit Atelier justement, Olivier nous a toujours assuré qu’il voyait l’arrivée de Starbucks comme une assez bonne nouvelle, le public étant très différent : certains aiment le café bien lisse à l’américaine et plein d’autres se laissent facilement convaincre par des cafés sélectionnés et des pâtisseries maison dans un cadre personnalisé. Résultat : depuis presque deux ans, son commerce de la Rue Colbert est toujours plein quand on y passe. Les Tourangeaux font le tour des cafés, comparent, et font leur choix. Ensuite, les réflexes et le bouche-à-oreille font le reste. Pareil pour les bagels : Bagelstein (franchise) cartonne Rue du Commerce sans faire trop d’ombre à l’indépendant Amadeus Bagel (Rue des Halles) ou freiner le développement de Bagels & Coffees (son voisin qui a deux boutiques à Tours et s’est déployé à Orléans).

Bref, on les entend les critiques, et limite on les comprend pour certaines de ces grandes marques (coucou les fast food !) : malbouffe, firmes qui planquent leurs bénéfices on ne sait où pour gruger les impôts, production massive… On en voit dans les commentaires de nos articles qui jurent qu’ils n’iront pas là-bas. Il leur faudra tout de même affronter la pression d’une société encore en majorité conquise à ces marques. Le dimanche à 15h, quand vous avez faim après une grosse soirée et que vous venez de vous lever encore tout mou, essayez de résister à toute votre bande d’amis qui veut se faire un McDo bien gras. Caricaturons un peu : essayez de les convaincre d’aller manger un sandwich sans gluten aux rillettes de Tours en bord de Loire alors qu’il y a un vent à décorner les boeufs. Vous risquez de vous retrouver un peu seul.

Mais il n’y a pas de fatalité. On peut presque se laisser faire une fois de temps en temps sans trop culpabiliser. Ainsi, regardez : à Tours, les arrivées de ces grandes enseignes ne semblent pas prêtes à dévorer les commerces indépendants. Elles prennent souvent les meilleurs emplacements, c’est vrai. Elles attirent toute la lumière, c’est exact. Elles arrivent plus facilement à se renouveler que des indépendants qui souffrent si le marché évolue, on le concède. Mais regardez : qui a remplacé feu la Maison des Vins dans la Rue du Grand Marché ? Ca aurait pu être un nom connu… Eh non, c’est un « simple » tabac-presse agrandi, le Napoléon.

Exemple 2 : qui a réussi en seulement 6 mois à devenir un lieu réputé à Tours en organisant plein d’événements ? Le Court Circuit, avec ses meubles en palettes recyclées, son enseigne toute discrète et ses produits 100% locaux. Oui, ces commerces-là ont tendance à plus souffrir que les grosses enseignes en cas de crise, il y en a des fermetures de petits commerces à Tours. A côté de ça, l’échec de Starbucks ou Burger King en Indre-et-Loire ? Aussi improbable qu’une victoire du Tours FC contre le Real Madrid. Mais on a l’impression que, depuis quelques temps, même si le fanatisme autour de ces enseignes ne faiblit pas, le public est moins fidèle, s’y rend plus rarement, est moins aveuglé par leur conformisme. Preuve peut en être le développement des burgers indépendants de Tours ou le succès du restaurant à sushis Zen (vers le CGR Centre) face aux chaînes de japonais. Ajoutons que les ouvertures d’indépendants sont bien plus fréquentes que celles des chaînes.

Bref, il y a deux types de commerces : ceux où l’on va sans trop réfléchir, pour satisfaire un besoin rapide et fugace, prendre un plaisir immédiat, faire du vite fait, bien fait. Et celui où l’on va par intérêt, pour prendre le temps de sélectionner un produit, d’avoir un échange, de savourer. Deux démarches, deux comportements, deux types de commerces.

Une autre démonstration que le « petit » commerce séduit de plus en plus ? Les « grandes » marques se sentent obligées de nous sortir de gros discours pleins de marketing en expliquant qu’elles font attention à l’environnement, à l’agriculture plus ou moins raisonnée, aux produits français (Mc Do est passé dun M jaune sur fond rouge à un M jaune sur fond vert parce que ça fait plus écolo !)… On oubliait : les serveurs ont parfois leur prénom inscrit dans le dos (est-ce toujours le vrai ?)… C’est gros comme une maison et presque aussi artificiel que le happy end d’une comédie romantique avec Jennifer Aniston, mais il n’y a pas si longtemps tout le monde s’en foutait de ces détails. C’est un début de prise de conscience que le client n’est pas un jambon, même si en industrialisant ce type de pratique on le prend encore de haut.

Conclusion : si l’homme a évolué à petits pas depuis des milliers d’années, ça semble être pareil pour le commerce. Un jour, peut-être (caricaturons un peu de nouveau), il y aura une queue de 25m pour les petits macarons d’un artisan tourangeau qui se lance dans sa première affaire en présence de tous les élus du coin et, dans le même temps, McDo ouvrira son énième restaurant en faisant un joli chèque au Trésor Public sans chercher à le rouler. Ce ne sera peut-être pas demain, mais on peut espérer le voir de notre vivant. Il y a de la place pour tout le monde si chacun trouve sa juste place.

Olivier COLLET / Photo : l’inauguration de la boutique Comtesse Du Barry de Tours

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