A Tours, la gauche et le PS face aux dangers

Accompagné de plusieurs ministres, Manuel Valls est venu motiver les militants à 6 mois du 1er tour de la présidentielle. Un discours de chef de parti, voire de candidat.

Un discours « galvanisant » ou « historique » : voilà ce qu’ont pensé certains élus socialistes tourangeaux de Manuel Valls ce samedi. Mais alors que le 1er ministre achève son propos sur la scène du Vinci et que la salle se lève pour chanter La Marseillaise, un homme quitte l’auditorium Ronsard précipitamment : le député frondeur d’Indre-et-Loire Laurent Baumel a écouté le chef du gouvernement mais part sans un applaudissement, le pas rapide, agacé.

Cette Université de l’Engagement organisée à Tours par son parti n’aura pas suffi à le faire rentrer dans le rang malgré les appels du pied lancés à la tribune. « Assumez ce que nous avons fait, il faut dire les réussites tout en reconnaissant nos échecs et nos erreurs. On ne peut pas tout régler en cinq ans » a voulu rappeler Manuel Valls dans le début d’une opération de défense du bilan du quinquennat qui s’annonce périlleuse vu l’impopularité du pouvoir en place. Alors qu’on ne sait pas encore si François Hollande sera candidat à sa réélection, c’est lui qui part au charbon. Quitte à endosser le costume du candidat, ce qui ne semble pas trop le déranger…

Des ambitions pour le prochain quinquennat.

Le locataire de Matignon parle à la première personne du pluriel mais ça sonne un « je » : « personne ne pourra jamais nous enlever d’avoir redressé le pays, nous avons rétabli l’autorité de l’Etat, nous avons redonné des moyens financiers à la sécurité en créant 9 000 postes dans la gendarmerie et la police ainsi que 2 000 postes de magistrats, nous rétablissons la présence de l’Etat dans nos campagnes, nous avons créé 60 000 postes dans l’éducation, nous n’avons pas de leçon à recevoir de la droite ! » Et de fixer des objectifs pour le prochain quinquennat : « le chantier ce sera la fonction publique, la colonne vertébrale de notre Nation. » La courbe du chômage ? Il s’arrange avec les chiffres : « le chômage reste trop élevé mais au-delà des à-coups statistiques mensuels, le chômage baisse, les entreprises créent à nouveau des emplois. 160 000 ces derniers mois ce qui n’était pas arrivé depuis 2007. Aujourd’hui le coût du travail dans l’industrie est plus bas qu’en Allemagne. »

S’inscrivant dans les pas de Michel Rocard qu’il a cité à deux reprises, Manuel Valls se défend de jouer à un quelconque jeu consistant à acter l’échec de la gauche en 2017 pour mieux envisager 2022 : « je connais les inquiétudes, le désarroi, l’abattement (dans les rangs du PS, ndlr). Il y a toujours les résignés d’office qui jouent le coup présent en pensant déjà à celui d’après. Ce n’est pas ma conception. La base d’une élection c’est de défendre un bilan. L’anti-sarkozysme ne suffira pas… cette fois-ci. Je demande à Arnaud (Montebourg), à Benoit (Hamon), à Aurélie (Filipetti), à Emmanuel (Macron) – tous critiques ou candidats déclarés oet potentiels à la présidentielle, ndlr – qu’est-ce qui nous sépare ? Qu’est-ce qui nous rapproche ? La gauche de l’idéal se confronte au réel. Il faut fuir la facilité et inventer. Quand tout semble perdu, il reste le courage. » Un appel au rassemblement, pour ne pas se saborder. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?

« Soyons offensifs »

Manuel Valls est conscient du danger, il emploie d’ailleurs le mot dans son discours. Et agite le chiffon rouge du FN : « qui peut dire que l’extrême droite n’arrivera pas à ses fins ? Personne. » Le 1er secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis s’est aussi longuement étendu sur cette question : « le national-populisme xénophobe hante le monde occidental. La Bataille de France commence contre l’extrême droite et la droite extrême. Ne sous-estimez pas l’extrême droite et ce qu’il y a derrière. C’est le combat auquel nous sommes confrontés car la droite l’a abandonné. »

« Soyons offensifs » lâche dans la foulée le 1er ministre : « j’ai choqué en parlant d’apartheid dans les quartiers. Tant mieux. Il faut que cela change vraiment dans ces quartiers aux couleurs du monde et de la France. Je connais l’énergie des jeunes qui veulent entreprendre. Ils n’ont pas envie que l’on ait pitié d’eux, ils veulent juste des faits, des actes et des résultats. Il faut faire davantage, et c’est à ça que servira la loi Egalité et Citoyenneté : il faut mieux répartir les logements sociaux, ouvrir les grandes écoles, concevoir un droit du travail qui protège tous les actifs. »

Le malaise des militants.

Montrer l’image d’un gouvernement en action, pas sourd aux critiques mais au-dessus du brouhaha : c’est ce que tente Manuel Valls à l’heure où la primaire de la droite squatte l’actualité. A ses côtés, le patron du PS semble un soutien sans failles, tentant lui aussi le Grand Rassemblement : « soyez fiers de Christiane Taubira, de Laurent Fabius, de Najat Vallaud-Belkacem, de Bernard Cazeneuve, de Ségolène Royal, de Marisol Touraine… Je n’ignore rien des critiques mais soit on reste critique, ou alors on se porte au devant du combat car on mesure l’importance de celui-ci. » Sauf que dans son discours, Jean-Christophe Cambadélis omet quelques détails qui comptent : « aucun ministre ne peut être pris en défaut » lance-t-il en oubliant un peu vite Cahuzac et Thévenoud, rattrapés par leurs affaires, ou Hamon et Montebourg, virés avec fracas.

Encore plus osé, le N°1 des socialistes affirme même, sans aucun conditionnel, que « les Français sont fiers de ce qui a été fait » depuis 2012. Ce n’est pourtant pas ce que souhaitait lui rappeler le 1er secrétaire fédéral d’Indre-et-Loire Francis Gérard qui a ouvert la série de discours : « je suis bien conscient que ce gouvernement a fait des choses, notamment pour l’éducation. Mais je vais me faire le porte-parole de l’insatisfaction des militants. » Et de citer notamment le « renoncement » autour de la grande réforme fiscale qui devait mixer impôt sur le revenu et CSG ou les débats autour de la déchéance de nationalité et de la loi Travail « qui nous éloignent de notre électorat sans satisfaire ceux qui en sont partisans. »

Valls en candidat ?

Partisan d’une seule candidature à gauche, demandant à François Hollande de se positionner « dans les jours qui viennent » sur sa candidature, le tourangeau tire la sonnette d’alarme : « les élections qui s’annoncent peuvent être douloureuses. Il est temps de présenter des projets pour ne pas toujours être en réaction. Il faut réagir pour ne pas finir comme d’autres partis socio-démocrates européens. Il faut s’adresser au peuple, changer de logique. On ne pourra pas gagner qu’avec les électeurs de centre-ville. On dit s’adresser aux quartiers, aux perdants de la mondialisation. »

A Tours, Manuel Valls, indéniablement très applaudi, a voulu montrer que malgré ses différences le PS restait une seule et même famille ouverte, capable de faire des compromis, d’accueillir des partenaires. Mais le 1er ministre a aussi pu se rendre compte que toute la pommade du monde n’allait peut-être pas suffire à calmer les plaies ouvertes depuis 2012 au sein des membres de son parti. Il faudra un remède encore plus efficace. Une formule à trouver et à breveter en moins de 6 mois. Peut-il être l’homme de la situation malgré sa proximité avec un François Hollande qui semble se discréditer un peu plus chaque jour ? Il semble en tout cas avoir posé une première pierre ce week-end. Charge à lui maintenant de recruter tous les ouvriers nécessaires à son chantier.

Olivier COLLET

A noter que lors de son déplacement en Indre-et-Loire, Manuel Valls a aussi rencontré des policiers du commissariat de Tours suite aux manifestations de cette semaine (dont une à Tours mercredi, justement). Il s’est également rendu au centre de déradicalisation de Pontourny où il a été accueilli par des manifestants opposés au projet.

En photo ci-dessous : Manuel Valls, Jean-Christophe Cambadélis, Emmanuelle Cosse (ministre du logement, ancienne des Verts), François Bonneau (pdt de la région Centre-Val de Loire), Francis Gérard et les députés Laurent Baumel et Jean-Patrick Gille + la sénatrice Stéphanie Riocreux.

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