« En Syrie, les Russes bombardent les hôpitaux des associations »

Entretien avec le représentant tourangeau de l’association Syria Charity, Haithem Hammamy.

Né à Alep en Syrie, pays qu’il a quitté des années 80, Haithem Hammamy est aujourd’hui professeur de langue arabe à Blois et c’est le représentant de Syria Charity en Touraine. Cette association nationale, qui compte également dans ses rangs un chirurgien à Romorantin, collecte des dons et du matériel médical pour soigner les populations dans ce pays en guerre civile depuis 5 ans, tiraillé entre le dictateur Bachar Al-Assad, l’armée libre et maintenant Daech.

Quelle est la situation en Syrie aujourd’hui ?

Elle est très critique. D’abord à cause de l’encerclement des civils par l’armée du régime de Bachar Al-Assad. Les gens sont affamés. C’est une manière de faire pression sur l’armée libre. Et puis il y a les bombardements russes. Depuis l’entrée en scène de la Russie dans le conflit la situation s’est dégradée car Moscou cible les centres de santé et les entrepôts des associations où elles emmagasinent l’aide alimentaire pour la population.

La Russie le fait sciemment ?

Tout à fait. Exemple avec notre hôpital à Azaz dans le Nord de la Syrie, à 10km de la frontière turque. Il s’agit d’un hôpital mère-enfant, un hôpital pédiatrique et gynécologique. Le seul de cette ampleur dans la région. Il a été la cible des bombardements russes par deux fois. Heureusement le personnel a vite réagi pour limiter les dégâts et évacuer les bébés avant le second bombardement. 12 bébés ont néanmoins été légèrement blessés dans des couveuses. Heureusement leur vie n’est pas en danger. Nous chiffrons les dégâts matériels à 200 000€ et on déplore des blessés et tués parmi les passants.

Le peuple de Syrie fuit son pays par millions depuis le début de cette guerre…

Oui, essentiellement à cause des bombardements. Actuellement, plus de 5 millions de réfugiés sont à l’extérieur de la Syrie dont 3 millions en Turquie, 1 million en Jordanie, 1,5 million au Liban. Et en Syrie il y a 9 millions de déplacés. Au total, le pays compte 23 millions d’habitants. Ca veut dire que plus de la moitié sont des réfugiés.

On ne voit pas de solution à ce conflit…

Le peuple syrien est oublié par la communauté internationale, il n’y a aucune lueur d’espoir car les différents pays ont des intérêts divergents. Aujourd’hui, on parle souvent de Daech et on oublie le régime syrien qui a franchi toutes les lignes rouges, notamment avec les armes chimiques. De plus Daech a été engendre par Bachar Al-Assad qui joue sur la méthode du pompier pyromane : « si je pars, vous aurez le fanatique en face. » Le régime syrien entretient Daech, achète son pétrole et ne les bombarde que très peu. Daech et Al-Assad sont les deux faces d’une même médaille.

Une intervention armée aujourd’hui, ce serait une bonne chose ?

C’est trop tard… Au début ça aurait pu aider l’armée libre. Désormais, tout ce qu’on peut espérer des puissances occidentales, c’est un soutien humanitaire. Qu’elles larguent des vivres aux civils. Il faut créer des couloirs permettant aux associations de faire leur travail, protéger le personnel médical. Nos médecins vont en Syrie à chaque fois qu’ils ont des vacances. Ils programment des opérations et font de la formation. S’ils sont protégés, ce serait déjà une bonne chose. En France il y a une bonne solidarité : les hôpitaux fournissent du matériel médical à plusieurs associations. La société civile est très sensible au problème syrien. Mais avec la durée on sent une lassitude…

Propos recueillis par O.C.

Illustration issue d’une vidéo de l’association Syria Charity :

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